Fondations universitaires : limites et perspectives

Olivier Monod Publié le
La révolution n’a pas eu lieu. La LRU, en permettant aux universités d’attirer des fonds privés, devait modifier en profondeur les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. La réalité est plus compliquée.

Le fundraising, une poule aux œufs d’or ?

L’université d’Auvergne, première à avoir créé sa fondation en 2008, annonce avoir attiré 4 millions d’euros sur un budget total de 120 millions d’euros par an. Et ce n’est pas la seule ! La fondation Université de Strasbourg a déjà trouvé 42 % des 20 millions d’euros recherchés. Selon le rapport « Financement de l’enseignement supérieur : quelle place pour les entreprises ? » de l’Institut de l’entreprise, « seuls 68 millions d’euros ont été levés depuis 2008, et les dons aux universités les mieux loties ne dépassent guère aujourd’hui 1 % de leur budget ». L’importance des partenaires privés dans les universités est donc encore toute relative…

Multiplication des fondations, pas des millions

Les établissements partaient de loin. Le secteur a dû se structurer afin de compenser son manque de réseau et de savoir-faire en matière de levée de fonds. Les structures traditionnelles du fundraising, l’Association française des fundraisers (AFF) et le Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie (Cerphi) , se sont penchées sur ce nouveau marché.

Un fonds de dotation dédié au sujet a même vu le jour avec l’Institut français des fondations de recherche et de l’enseignement supérieur (IFFRES) . Et pour cause, selon son président Max Anghilante, « aujourd’hui, 40 des 80 universités ont créé une fondation. Si on élargit à l’ensemble du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, on est passé de 250 fondations en 2004 à près de 500 aujourd’hui. »

Un foisonnement qui exacerbe la concurrence. Les fondations d’enseignement supérieur vont être en concurrence non seulement entre elles, mais avec les autres secteurs (humanitaire, etc.). « Le marché du mécénat en France est estimé à 6 milliards d’euros tous secteurs confondus, avance Antoine Vaccaro, président du Cerphi. Deux scénarios sont possibles : soit le marché grandit, soit l’enseignement supérieur progresse plus vite et sur-performe le marché. »

Absence de culture de mécénat

Sur le fond, les entreprises françaises ne font pas preuve d’une culture philanthropique très poussée, remarquent en chœur Antoine Vaccaro, Max Anghilante et les auteurs du rapport de l’Institut de l’entreprise. Cela est particulièrement vrai en matière d’enseignement supérieur et de recherche qui, en France, sont considérés comme une chasse gardée de l’État. Dès lors, les entreprises préfèrent souvent aider des projets proches de leur sphère d’activité.

Les universités se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres pour attirer à elles les fonds privés. « La différence se fait sur les projets », confirme Thibault Bretesché, directeur de la fondation de l’université de Nantes.

Une compétition dans laquelle les universités de province présentent un réel avantage sur leurs homologues parisiennes. « À Paris, les entreprises sont d’envergure nationale ou internationale et les fondations universitaires ont du mal à se faire une place, explique Antoine Vaccaro. En province, en revanche, il existe un tissu économique local qui en fait un interlocuteur naturel, privilégié et peu sollicité. »

Faire une fondation ou pas ?

« Aujourd'hui, après l'engouement initial, le soufflé semble un peu retombé, constatait Yaele Afériat, directrice de l'AFF, dans Les Échos en juin 2011. Certaines universités se disent que le jeu n'en vaut peut-être pas la chandelle. D'autant qu'elles n'avaient pas toujours mesuré les efforts à accomplir dans la durée. Ni la nécessité de monter des projets qui tiennent la route. »

Max Anghilante est du même avis : « Une fondation n’est pas une formule miracle qui permet de lever des fonds. C’est un lieu d’échange et de création avec les entreprises dans lequel il faut s’impliquer. Pour créer des chaires et les proposer à des entreprises, il est inutile d’avoir une fondation. »

L’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense a été à deux doigts de mettre sur pied sa fondation avant de suspendre le projet. « Nous avons voté le principe, mais un de nos partenaires s’est désisté. Nous avions déjà beaucoup de travail avec le grand emprunt et nous ne voulions pas faire une fondation à moitié », témoigne sa présidente Bernadette Madeuf.

Une double adhésion à recueillir

Une décision sage de leur part. Une fondation doit être portée par une équipe motrice et surtout par le président de l’université. Même Marie-Stéphane Maradeix, directrice de campagne de l’École polytechnique, racontait lors d’un congrès de l’AFF en 2009 ne pas s’être sentie à sa place lors d’un rendez-vous avec un patron du CAC 40. Dans un cas comme celui-ci, le seul interlocuteur crédible est le président de l’université. L’engagement de la direction dans la campagne de levée de fonds doit être total.

Autre adhésion essentielle, celle de la communauté scientifique. Aujourd’hui, l’arbitrage est parfois très pragmatique. Les chercheurs ont le choix entre monter un projet de fondation en comptant sur d’hypothétiques partenaires privés, ou monter des dossiers ANR (Agence nationale de la recherche), demander des subventions au conseil régional et autres systèmes de financement public, connus et maîtrisés. Les financements classiques ont souvent leur préférence.

Une nouvelle interface entre entreprises et universités

La création massive de fondations universitaires a tout de même amplement rempli un de ces rôles. Elle a permis à deux mondes de se rencontrer. « La dynamique est plutôt positive, s’enthousiasme Thibault Bretesché à Nantes. Nous avons déjà 23 projets au sein de la fondation ! Nous répondons à un vrai besoin des entreprises et de nos collègues. »

Même son de cloche à Poitiers. « La fondation est un lieu d’échanges et de débats, affirme le délégué général de la fondation, Bernard Chauveau. Nous abordons de nouveaux sujets. Nous n’avions pas l’habitude de tant parler avec l’extérieur. »

« Je suis positivement étonné par l’écoute que nous recevons de la part de nos donateurs, relève Patrick Llerena, DG de la fondation de l’Université de Strasbourg. L’université est souvent méconnue et peu appréciée. Mais, après avoir échangé, ils me disent souvent : “Je ne pensais pas que vous faisiez tout cela !” On casse des barrières. »

La première étape est donc celle de la présentation. Il faut s’assurer que les nouveaux partenaires voient la réalité des universités. Françoise Dupont-Marillia explique pourquoi une université a tout à gagner à se faire connaître de ses partenaires. « Nous avons pu montrer à Sanofi que nous drainions toute la chaîne du médicament. De sa fabrication chimique au marketing, en passant par l’économie et le droit », évoque-t-elle.

L’avenir passe par les anciens

Aujourd'hui, le principal problème des fondations d’université créées depuis deux ou trois ans est de dépasser la réussite de la première campagne. Il s’agit maintenant de convaincre les partenaires de prolonger leur action et d’en trouver de nouveaux.

Cependant, pour passer à la vitesse supérieure et entrer dans la dimension des universités anglo-saxonnes, les universités vont devoir apprendre à cultiver leur réseau d’anciens élèves. Ce qui, pour l'instant, n'est pas vraiment leur point fort... Les étudiants s’identifient plus à leurs professeurs ou à leurs UFR qu’à l’établissement. Il y a quelques années, l’université de Créteil n’avait même pas de charte graphique globale et laissait toute la communication à ses UFR.

Un véritable travail de création de marque est donc nécessaire afin de faire naître un sentiment d’appartenance chez les étudiants et une fierté de leur diplôme chez les anciens. Cela permettra à l’université de faire appel à ses anciens en leur nom propre, mais aussi de solliciter leurs entreprises, voire leurs legs. Le volume des dons des particuliers est équivalent à celui du mécénat d’entreprise. Autour de 3 milliards d’euros. De quoi aiguiser des appétits.

Un dossier d’Olivier Monod
Septembre 2011

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Fondations et donations

Les fondations recueillent deux types de donations : les fonds fléchés et les fonds non dédiés. Les premiers soutiennent des projets spécifiques, tandis que les seconds permettent à la fondation de dégager de vraies marges de manœuvre. « Les fonds non fléchés permettent d’alimenter notre programme d’actions récurrentes, précise Françoise Dupont-Marillia, vice-présidente de l’université d’Auvergne. Nous mettons en place des prix d’excellence, des services aux usagers, et octroyons des bourses de mobilité internationale. L’argent est placé en capital et nous utilisons les intérêts. »

Des colloques pour poursuivre la réflexion

EducPros organise, le 22 septembre 2011, une conférence sur le thème « Comment améliorer son fundraising ? ».

L'IFFRES tient un colloque à Paris intitulé « Perspectives du mécénat dans la recherche et l’enseignement supérieur en France », les 6 et 7 octobre 2011.

• Du 18 au 21 octobre 2011, l’AFF propose un congrès international du fundraising aux Pays-Bas .

A noter : L’association présentera également, le 15 septembre 2011, le premier référentiel des métiers du fundraising en partenariat avec l’APEC à l’Institut Pasteur à Paris.

Olivier Monod | Publié le