Entre les certifications professionnelles du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), le contrôle des financeurs ou la certification Qualiopi, la liste des dispositifs régissant la régulation de la formation professionnelle s'est allongée ces dernières années, sans pour autant trouver un cadre clair et lisible.
Et pour cause, le développement de la formation initiale et continue et de l'apprentissage a entraîné la multiplication d'organismes à tous les niveaux de qualification, impliquant un besoin de contrôle accru des pratiques pédagogiques des établissements. Dans un rapport rendu public fin mai, l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et l'IGESR (Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche) dressent le constat d'un écosystème de contrôles complexe qui peine encore à s'avérer pleinement efficace et cohérent, notamment en ce qui concerne la qualité pédagogique des cursus.
Renforcer l'harmonisation des contrôles Qualiopi
Depuis son instauration en 2018 via la loi "Avenir professionnel", Qualiopi a permis d'améliorer les pratiques générales des organismes de formation et de "structurer les processus qualité" des établissements, pointe le rapport.
Même si elles estiment "qu'il est trop tôt pour établir un bilan définitif", l'IGAS et l'IGESR regrettent toutefois que les pratiques des certificateurs Qualiopi ne fassent pas "l’objet d’un pilotage, ni même d’une supervision suffisante, ce qui a permis des fraudes et crée un risque de disparité des pratiques."
À ce titre, les deux inspections autrices du rapport proposent de confier à l'instance nationale d'accréditation, le COFRAC, la mission d'harmoniser les pratiques des différents organismes certificateurs pour garantir une uniformité dans les processus d'attribution de Qualiopi. Un travail de fond qui passerait notamment, selon une de leurs recommandations, par la réalisation d'un "rapport d'activité annuel" présentant l'évolution des pratiques des certificateurs (suivi des auditeurs, relevés de non-conformité…)
Dans la même lignée, la mission recommande aussi de mettre en place une évaluation à horizon de trois ans pour mesurer l’impact réel de Qualiopi sur la qualité des formations et ajuster le dispositif en fonction des résultats obtenus.
Pour les établissements les plus motivés : Qualiopi "plus"
Outre le cadre défini par Qualiopi, l'IGAS et l'IGESR proposent la création d'un label supplémentaire pour les organismes de formation souhaitant aller au-delà des exigences de base du RNQ - référentiel national qualité - (voir encadré de fin) et renforcer leur démarche qualité.
Ce label impliquerait, pour les établissements volontaires, de respecter ces critères supplémentaires pouvant être validés pendant l'audit. Parmi les critères envisagés, le rapport évoque la question de "l'accessibilité aux publics en difficulté avec la lecture", "l'accompagnement dans l'accès aux aides", "le suivi individuel", "l'inclusivité" ou encore "la qualité de la formation à distance".
S'intéresser au contenu des formations
Concernant les critères évalués lors des contrôles effectués dans le cadre de Qualiopi, plusieurs points pourraient être rendus plus exigeants : "les formations à distance", "l'accompagnement des apprentis dans leur relation aux entreprises", ou encore "l'assistance des apprentis en situation de handicap", listent les auteurs du rapport, recommandant de s'appuyer sur les pratiques des différents labels existants.
Et pour cause, à l'heure actuelle, le référentiel national qualité "traite des processus d’élaboration des formations, ce qui permet d’aborder les méthodes pédagogiques, mais pas les pratiques pédagogiques concrètes", regrettent l'IGAS et l'IGESR. En d'autres termes, les audits effectués se concentrent sur l'organisation et les processus mis en œuvre pour assurer les actions de formation et non sur le contenu des formations en tant que tel.
Un contrôle des formations par apprentissage "disparate"
Par exemple, le contrôle des formations est particulièrement "disparate" suivant les ministères et les territoires, et "modeste" en termes de moyens mobilisés, selon le rapport. La mission recommande un renforcement des contrôles des aspects pédagogiques de l'apprentissage et de systématiser les travaux de la MCFPA (Mission de contrôle pédagogique des formations par apprentissage) dans chaque ministère concerné.
"L'accompagnement des jeunes dans la recherche et la signature d'un contrat d'apprentissage pourrait être renforcé", illustre-t-il. De même, les auteurs suggèrent la "désignation d'un référent entreprise au sein de l'organisme de formation" pour accompagner le jeune tout au long de son contrat.
Et pour cause, "les formations privées hors écoles de commerce et d’ingénieurs déjà reconnues ne sont pas contrôlées, alors même qu’elles sont en croissance exponentielle (+ 141 % entre 2021 et 2022)", rappelle le rapport. Un enjeu d'autant plus important que ces formations, qui ne disposent d'aucun contrôle de la MCPFA [Mission de contrôle pédagogique des formations par apprentissage] ni d'accréditation par le ministère de l'Enseignement supérieur, "représentent désormais 41% de l'ensemble des effectifs des apprentis", précisent les auteurs.
Dans le cadre de cette montée en puissance du contrôle pédagogique de l'apprentissage, l'IGAS et l'IGESR préconisent de modifier le cadre réglementaire "pour permettre des sanctions en cas de défaillances avérées".
Engager plus de moyens pour des contrôles mieux coordonnés
Le rapport pointe enfin la nécessité de dégager "des moyens supplémentaires" pour mener à bien ces contrôles des formations par apprentissage. Cela passerait, entre autres, par un renforcement du pouvoir et des moyens de contrôle - humains, notamment - de France Compétences sur les organismes certifiés au RNCP.
Pour financer l'augmentation des contrôles, la mission de l'IGAS et de l'IGESR évoque la piste d'un prélèvement sur le chiffre d'affaires des organismes. Avec à terme l'objectif d'aboutir à une meilleure articulation et coordination entre les différentes formes de contrôles et éviter que les prestataires n'aient à justifier des mêmes éléments à plusieurs reprises.
Un système qualité structuré en plusieurs volets :
Depuis 2014, les dispositifs de certification et de contrôle ont considérablement évolué pour répondre à des enjeux croissants liés à la qualité de la formation. Aujourd'hui, ce système de contrôle qualité est structuré en plusieurs volets, qui comprennent notamment :
1/ La certification Qualiopi. Obligatoire pour les prestataires de formation professionnelle souhaitant accéder aux fonds publics et mutualisés, elle est fondée sur le référentiel national qualité, qui comprend sept critères et 32 indicateurs visant à garantir la qualité des formations.
2/ La régulation des certifications professionnelles. L'organisme public France Compétences est l'acteur central chargé de garantir que les titres inscrits au RNCP répondent aux besoins du marché du travail et soient de qualité.
Sa régulation passe donc par l'évaluation des demandes d'enregistrement ou de renouvellement des certifications, mais aussi par le suivi et le contrôle des certifications enregistrées.
France Compétences surveille également, en concertation avec les branches professionnelles, les évolutions des métiers et des compétences par secteur pour identifier les besoins en termes de référentiels et critères d'évaluation.
3/ Les contrôles des financeurs de la formation professionnelle. La loi autorise les organismes financeurs à procéder à des contrôles afin de s'assurer de la qualité des formations effectuées.
Il s'agit ici de "contrôles de service fait" qui consistent à la fois à vérifier que les moyens alloués soient bien utilisés efficacement par les organismes de formation, mais également à réaliser des enquêtes de satisfaction auprès du public.
Parmi ces financeurs figurent les opérateurs de compétence, l'État, les Régions, la Caisse des dépôts, l'opérateur France Travail ou encore l'AGEFIPH.