Sigem : "Nous avions anticipé le fait de ne pas remplir, pas l'ampleur du phénomène" (François Bonvalet, TBS)

Baptiste Legout Publié le
Sigem : "Nous avions anticipé le fait de ne pas remplir, pas l'ampleur du phénomène" (François Bonvalet, TBS)
François Bonvalet est directeur de Toulouse Business School depuis le 1er septembre 2014. // ©  DR
Coup de tonnerre pour Toulouse Business School : à l’issue de la procédure d’affectation des élèves de prépa (Sigem), l’école de commerce occitane n’a réussi à pourvoir que 323 de ses 415 places. François Bonvalet, son directeur général, nous livre son analyse et son plan d’action pour l’année à venir.

Cette année, Toulouse BS n’a pas rempli sa promotion à l’issue de la procédure Sigem. Sur les 415 places offertes, seules 323 ont été pourvues. Quels sont vos sentiments et ceux de vos équipes à ce sujet ?

Lorsque l’on dirige une institution, il est évident que l'on est content quand elle réussit et mécontent quand elle ne réussit pas. En interne, les équipes sont déçues. Elles sont d’ailleurs plus effarées que tristes, mais elles se mobilisent et ne restent pas les bras croisés. Nous savons que notre école est une bonne école et que notre proposition pédagogique est d’aussi bonne qualité que celle de nos concurrentes.

Si nous avions été dans une situation où nous sentions que tout allait mal, nous aurions pu comprendre et nous attendre à ce genre d’événement. Mais là, c’est l’effarement total. TBS est une école triplement accréditée (Equis, AACSB, Amba), où les étudiants sont satisfaits et où les diplômés se placent très bien à la sortie. Ce n’est pas tant le phénomène que son ampleur qui nous a estomaqués.

Vous vous attendiez à l’éventualité de ne pas remplir cette année ?

Nous l’avions envisagée. Quand je suis arrivé en 2014 dans l’école, j’ai hérité d’une bonne structure, malgré un manque criant de ressources dans le corps professoral. Nous avons ainsi recruté une vingtaine de professeurs, nous avons mis des moyens pour soutenir la politique de recherche et, en l’espace de deux ans et demi, nous avons progressé dans les classements et remis l’école sur les rails. Puis nous sommes rentrés dans un tunnel, avec un changement de statut en interne (EECS) et peu de communication, là où de grosses structures issues de fusions ont mis d’énormes moyens.

Nous avons fait le choix de ne pas envoyer de signal négatif auprès du marché, en ne baissant pas notre barre d’admissibilité.

Cette année, malgré une baisse dans certains palmarès, nous avons fait le choix de ne pas envoyer de signal négatif auprès du marché, en ne baissant pas notre barre d’admissibilité et en la laissant nettement au-dessus de celle d’écoles comme Kedge, Neoma ou Skema. Conserver une barre haute, avec 200 places ouvertes en plus en deux ans dans les meilleures écoles et la tension du marché, nous nous doutions que cela serait dur et nous avions anticipé le fait que nous puissions ne pas remplir. Mais nous pensions à 15 ou 20 places non pourvues, pas à 90, ce qui est considérable. Nous nous sommes pris le retour dans les dents.

D’après vous, qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

Nous pensons que le problème est lié à notre phase d’admissibilité qui s’est mal passée. Dans notre métier, la communication de ce que vous faites compte autant que ce que vous faites réellement et nous payons notre tunnel de communication. Quand les élèves admissibles viennent, ils ont une vision assez partielle de ce que nous offrons dans l’école. Mais, quand nous regardons les opportunités à la sortie de TBS, nous n'en proposons pas moins que les autres.

Nous avons fait l’erreur d’organiser nos oraux de manière traditionnelle, avec une sélection académique très forte.

Nous avons fait l’erreur d’organiser nos oraux de manière traditionnelle, avec une sélection académique très forte. Nos jurys n’ont pas compris que notre rôle était d’éliminer les 1 à 2 % d'étudiants que nous ne voulions pas dans l’école, mais qu'il était aussi d’attirer les autres. Les notes attribuées cette année à l’oral sont plus basses que l’année dernière et surtout plus basses que celles des autres écoles, ce qui ne renvoie pas une bonne image aux admissibles. En notre défaveur, enfin, les grèves des transports (trains et avions) n’ont pas aidé : un certain nombre de candidats ont dû annuler et n’ont pas pu reprogrammer leur rendez-vous.

Quelle suite allez-vous donner à cet incident ?

Nous travaillons sur quatre axes : premièrement, l’axe de la communication de l’école, avec de grosses annonces à venir au mois d’octobre. J’aurais aimé que cela puisse se faire plus tôt, ce qui aurait pu nous permettre d’éviter cet accident, mais ce n’était pas possible vu la démarche participative que nous avons mise en œuvre.

Deuxième point : nous allons accompagner ces annonces de gros efforts en matière de communication "corporate" et de promotion. Il y a des choses à faire que nous avons les moyens de mettre en œuvre.

Troisième élément : nous allons réaliser un travail complet sur l’organisation de la phase d’admissibilité. Nous remettons tout à plat pour l’année prochaine, de l’organisation à la préparation des jurys.

Dernier point, enfin : nous allons continuer de travailler les fondamentaux de l’école. Cela n’est pas une décision prise par rapport à ce qui vient de se passer, nous y travaillons depuis trois ou quatre ans. Le problème, c’est que nous ne communiquons pas assez à ce sujet.

Vous avez noté que l’augmentation du nombre de places dans certaines des écoles les plus sélectives a pu jouer en votre défaveur. Pensez-vous qu’il faudrait encadrer le nombre de places ?

Cela me semble très compliqué. Juridiquement parlant, le Sigem n’a pas vocation à émettre de "diktat" sur le nombre de places. Les écoles sont libres d’augmenter ou de diminuer leur nombre. Qu’après certaines institutions se disent "attention, quand nous augmentons trop en haut du tableau, nous mettons en difficulté celles qui sont en dessous", cela fait vingt ans que je l'entends dire, et vingt ans que personne ne fait rien. Avec des écoles de plus en plus autonomes financièrement et la disparition de l’aide consulaire, les deux leviers sur lesquels elles peuvent agir sont les tarifs et le volume d’élèves. Se priver de ces deux leviers, c’est évidement se priver d’un équilibre financier dont elles ne peuvent se passer.

L’idée d’encadrer est bonne, mais on ne peut pas dicter aux écoles quelque chose qui pourrait mettre en jeu leur modèle financier. Le jour où plusieurs grosses écoles ne rempliront pas à cause d’un nombre de places trop important par rapport au nombre de candidats, cela pourra amener à des discussions, mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.

92 étudiants en moins, cela représente environ un million d'euros de manque à gagner sur les frais de scolarité, ce qui peut lourdement impacter votre budget : êtes-vous inquiet ?

Ce million en moins dans le budget de fonctionnement n’impacte pas les investissements de l’école. Par ailleurs, nous avons très bien rempli les autres programmes (MS, MSc, Bachelor). L’école est bien gérée, fait du profit et maîtrise sa masse salariale, qui a grandi avec l’embauche de nouveaux professeurs cette année. La situation est sous contrôle. Forcément, un trou d’un million dans notre budget, c’est un problème, mais partiellement contrebalancé par les économies des coûts directs liées à la non-présence de ces étudiants dans les locaux à la rentrée, ce qui représente deux classes et demie.

Parce que notre gestion est bonne, nous avons d’autres sources de sécurité que nous pouvons activer pour passer l’année. Nous sommes par ailleurs dans une démarche de "cost-killing" et nous regarderons en détail où nous pouvons faire des économies. Nous ne toucherons pas à l’internationalisation et à la communication, mais nous serons très regardants sur les frais de fonctionnement. La question financière est une conséquence de cet incident mais n’est pas le principal levier sur lequel nous allons agir.

Baptiste Legout | Publié le