Fundraising : les dons des étudiants et diplômés à l’épreuve de la crise

Cécile Peltier Publié le
Crise oblige, l’enseignement supérieur n'échappe pas à la baisse de la générosité. La 2e édition du « baromètre Alumni » fait état d’une chute des intentions de dons chez les diplômés de l’enseignement supérieur. Bilan et perspectives.

Pas de doute, la crise est bien là. Confirmant, la tendance globale observée par France Générosités en octobre,  la 2e édition du baromètre Alumni (1), réalisé par Opinionway pour le compte de wdm.directinet, société de marketing relationnel, et EXCEL, agence de collecte de fonds, atteste d’une « importante chute » des intentions de dons des diplômés de l’enseignement supérieur : 35 % seulement des sondés se disent prêts à faire un geste en direction de leur établissement d’origine, contre 51 % en 2011. « A l’heure de la crise, le comportement des Français face au don change et se recentre vers les secteurs les plus prioritaires : le social, la recherche médicale », analyse Jérôme Deana, directeur du développement et de la communication d’EXCEL.

Une prise de distance des anciens vis-à-vis de leur établissement

L’étude suggère par ailleurs une « prise de distance » des diplômés vis-à-vis de leur établissement d’origine. Si la majorité d’entre eux, (56 %, - 3 points par rapport à 2011) continue de dire son attachement à son école ou son université, un quart seulement a conservé des liens avec elle, « soit une baisse de 14 points en un an ». L’érosion est particulièrement criante chez les diplômés issus de l’université (- 15 points).

Des réticences qui ne se traduisent pas encore sur l’acte de don, qui concerne comme l’année dernière 7 % des diplômés et 8 % des étudiants. Notons que les diplômés d’écoles d’ingénieurs (13 %) et de commerce (10 %) sont deux fois plus nombreux que leurs homologues de l’université (5 %) à avoir fait un don à leur établissement.

L’écart se creuse entre écoles et université

Toutefois, ces chiffres attestent au final d’une pratique « encore minoritaire » en France. Une faiblesse générale, à mettre d’abord d'après l'enquête sur le compte de l’absence de sollicitation (56 % chez les diplômés), essentielle selon les auteurs dans le passage à l’acte. Alors qu’un donateur sur 5 déclare avoir fait un geste parce qu’il a été sollicité, 84 % des diplômés interrogés (contre 81 % en 2011) disent n’avoir jamais été démarchés.

Sur ce point, « même si elles font des efforts, l’écart se creuse entre les universités et les écoles, qui sont bien meilleures en matière d’attachement et de qualité du lien », souligne Jérôme Deana. En effet, 40 % des diplômés d’écoles d’ingénieurs et 34 % des diplômés d’écoles de commerce indiquent avoir été approchés, contre seulement 11 % des diplômés de la fac. Si certaines universités, à l’instar de celles de Lyon, Bordeaux ou Strasbourg se sont attaquées sérieusement à la question,  beaucoup sont « encore à la traîne », relèvent les auteurs. 

Un véritable potentiel de développement

Les établissements, à commencer par les universités, « moins bien armées » disposent pourtant selon eux d’ « un réel potentiel de collecte ». En effet, si plus de 9 sondés sur 10 n’a jamais donné (93 % des sondés), près de la moitié d’entre eux (47 %) se déclarent prêts à soutenir au moins un des projets de leur établissement. Plus de la moitié des anciens élèves et 68 % des étudiants pensent même c’est un bon moyen de favoriser la qualité de l’enseignement et de la recherche des écoles et universités. Un chiffre «  en hausse notable » depuis 2011.

Reste à trouver les moyens de convaincre ces généreux potentiels de sauter le pas. Parmi les chantiers qui motiveraient les non-donateurs, les bourses à caractère social (bien qu’en baisse de 5 points chez les diplômés) conservent la première place, suivies par les projets de recrutement d’enseignants et de chercheurs (26  et 39 %). Inversement, le don global à la fondation de l’école sans « cause prédéfinie » motive moins (21 % des diplômés).

Selon EXCEL, les établissements ont également intérêt à jouer la carte de la proximité, qui reste le premier motif de don (41 % des réponses chez les anciens). Près d’un actif sur deux (43 %) aimerait entretenir davantage de relations avec son ancienne école ou université. D’où l’importance, selon Didier Lopes, directeur de marchés chez wdm.directinet de « bien connaître ses anciens et de s’adresser à eux individuellement ». « Le terrain reste favorable, il faut que les établissements travaillent sur des stratégies de marque et parviennent à instaurer une relation de long-terme avec leurs étudiants», insiste Julien Goarant, directeur de clientèle chez Opinionway.

Une révolution culturelle à l’œuvre

Enfin, et surtout « il faut installer la culture du don auprès des étudiants dès les premières années, en allant chercher des petites contributions »,  recommande Jérôme Deana. Certains établissements, à l’instar d’HEC se sont déjà lancés dans l’aventure. L’étude montre globalement que la nouvelle génération a« plus conscience de l’utilité » de la pratique du don que ses aînés. Un étudiant sur deux (49 %) se déclare prêt à soutenir les projets de développement de son établissement d’origine et 8 % dit même avoir déjà fait un don, davantage que les diplômés ! « En matière de philanthropie, une révolution culturelle est à l’oeuvre en France, cela prendra une génération », conclut Eric Dutrertre, président d’EXCEL.


(1) L’étude a été réalisée en ligne du 1er au 15 octobre 2012 auprès d’un échantillon constitué selon la méthode des quotas de 1 001 diplômés de l’enseignement supérieur (bac+3 et plus), soit 398 étudiants français et 603 actifs.

Cécile Peltier | Publié le