Fundraising : les nouvelles sources de financement de l’enseignement supérieur allemand

De notre correspondante en Allemagne, Marie Luginsland Publié le
En ces temps de crise financière, l’enseignement peut-il devenir une valeur refuge pour les investisseurs ? En France, la participation de nombreuses entreprises à la IVe Conférence de fundraising pour l’enseignement supérieur et la recherche, organisée par l’Association française des fundraisers (AFF), les 11 et 12 février 2009, témoigne d’un intérêt croissant pour un secteur jusque-là boudé par les milieux économiques.Outre-Rhin, le développement des fonds éducatifs et l’engagement croissant des mécènes dans le financement du supérieur confirment cette tendance. Les universités allemandes l’ont d’ailleurs bien compris : un tiers d’entre elles dédient aujourd’hui un personnel qualifié à la recherche de financements extérieurs.

L’investissement dans la matière grise a le vent en poupe. Il y a tout juste un an, l’université de Francfort convertissait son statut juridique en fondation et recevait un capital de départ de 32 millions alloué par la veuve d’un banquier francfortois. Événement qui a décomplexé l’enseignement universitaire... Le recours aux financements extérieurs devient pratique courante, encouragée paradoxalement par la crise financière. Face à l’effondrement des valeurs boursières, l’investissement dans la matière grise, moins volatile, a le vent en poupe. En témoigne le regain d’intérêt que connaissent les deux principaux fonds allemands spécialisés dans l’éducation, Deutsche Bildung AG et Career Concept AG. « Alors que nous totalisions 1 500 dossiers de financement depuis notre création il y a cinq ans, nous avons enregistré 1 000 nouveaux contrats au cours de l’année 2008 », se félicite David Schmutzler, P-DG de Career Concept Allemagne.

La voie royale des fondations. Cependant, les investisseurs n’ont pas attendu la chute du marché boursier pour s’intéresser à l’enseignement supérieur. Alertés par un décrochage de l’État – en dix ans, la part du PIB consacrée à l’éducation est passée de 5,4 à 5,1 % –, les milieux économiques (fédérations patronales) et le Stifterverband (la fédération du mécénat) ont publié en juillet dernier un rapport commun sur la modernisation du financement des universités, centré sur l’investissement. Des déclarations étayées par des faits et notamment par la propension grandissante des entreprises et des particuliers à financer sur le long terme les établissements du supérieur, le plus souvent sous forme de fondation, statut juridique très prisé en Allemagne. De fait, deux lois de modernisation de l’engagement citoyen, dont la dernière en 2007 confère un cadre fiscal très favorable au mécénat. Résultat, la création de fondations explose avec une prédilection toute nouvelle pour l’enseignement. « Si le social tient encore le haut du pavé, l’éducation arrive en deuxième position et progresse à un rythme de 2 % par an », relève Frank Steudner, porte-parole de la Stifterverband. « Sur quatorze grands donateurs en faveur de la recherche et de l’enseignement, dix ont voué leur don à une université », renchérit Johannes Ruzicka de la Société de fundraising stratégique (Gesellschaft für Strategisches Fundraising).

Un lien renforcé avec les collectivités locales. Comme de nombreux établissements du supérieur, l’université de Fribourg-en-Brisgau tire profit de cette tendance. À noter que les structures fédérales du pays favorisent l’implication des acteurs locaux au sein de « leur » université. C’est ainsi qu’en 2007, Horst Weitzmann, président du conseil de surveillance des aciéries Südweststahl de Kehl, dotait l’université de Fribourg d’une fondation d’un million d’euros. « À sa suite, d’autres entrepreneurs et entreprises de la région, telles que caisse d’épargne, brasserie locale, PMI, se sont engagés », déclare Hermann Siedler, responsable de son département de fundraising, précisant que ces financements extérieurs restent minimes comparés à un budget de fonctionnement global de l’université de près de 240 millions d’euros. Cependant, il convient que « ces contributeurs permettent de réaliser des projets qui ne pourraient être compris dans le budget initial (projets de recherche, bourses, mobilité des étudiants...) », poursuit M. Siedler. S’ils en sont encore à leur balbutiement au regard de leurs homologues américains, les établissements allemands misent sur cette nouvelle source de financement pour pérenniser leurs efforts d’excellence et de visibilité internationale. Un tiers des universités allemandes affectent aujourd’hui un personnel qualifié à la recherche de financements extérieurs, dix-sept des trois cents établissements disposent déjà d’un département de fundraising à part entière. Une tendance à la hausse.

De notre correspondante en Allemagne, Marie Luginsland | Publié le