Fundraising : l'enseignement supérieur face à la concurrence

Laura Martel Publié le
Fundraising : l'enseignement supérieur face à la concurrence
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Dopées par la loi autonomie de 2007, les universités sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans la levée de fonds privés. Les fondations, partenariales ou universitaires, se créent et beaucoup sont en gestation. Une trentaine selon le ministère. Parmi les difficultés qui les attendent, le problème de la concurrence, d’autant plus aigu dans le contexte de crise économique actuel.

«L’argent privé n’est pas une manne illimitée, surtout en période de crise. Les fondations se multiplient, nous sommes sur-sollicités et il est évidemment impossible de donner à tout le monde» constate Claire Martin, directrice de la Fondation d’entreprise Renault lors d’une conférence organisée par Admical (association promouvant le mécénat d'entreprise en France), le 23 juin 2009.

Autour de la table, des représentants de grandes écoles, d’universités et d’entreprises venus débattre de la place du financement privé dans l’enseignement supérieur, et notamment de la difficulté des universités, nouvelles venues, à s’approprier une part du gâteau.

Les grandes écoles aux avant-postes

Les universités nourrissent souvent un complexe d’infériorité par rapport aux grandes écoles quand il s’agit de récolter des fonds auprès des entreprises. D’abord, parce que les grandes écoles se sont lancées depuis déjà une dizaine d’années et qu’elles disposent de plus de moyens.

Ensuite parce que «la reproduction des élites joue en leur faveur. Les conseils d’administration sont composés d’anciens élèves disposés à favoriser leur alma mater», affirme Axel Kahn.

«L’université porte en elle sa propre concurrence»

Mais le président de l’université Paris Descartes dénonce aussi l’existence de rivaux plus méconnus. «L’université porte en elle sa propre concurrence.» Le généticien fait référence aux RTRA -RTRS (réseaux thématiques de recherche avancés-réseaux thématiques de recherche et de soins réseau) et aux PRES (pôle de recherche et d'enseignement supérieur), nés de la loi de programme pour la recherche de 2006 .

«Paris Descartes, par exemple, a quatre RTRA-RTRS, qui ont chacun leur Fondation de coopération scientifique : Imagine pour la génétique, Fondamental pour la psychiatrie, Prem’up pour la maternité et Centaure pour la transplantation. Dans ces domaines, qui sont nos domaines d’excellence, nous récoltons donc déjà des fonds. Comment alors positionner la fondation de l’université ?», s’interroge Axel Kahn.

«Solliciter les entreprises en laissant de côté nos atouts pour ne pas concurrencer nos RTRA, c’est l’échec assuré. Les solliciter sur les mêmes thèmes pour des structures différentes, c’est risquer la confusion, donc le refus.» Régis Bello, président de la Fondation université de Strasbourg, a connu le même problème. «Les chefs d’entreprises connaissent déjà mal les universités. Il est impensable de les confronter à cette stratification complexe», admet-il. «Nous sommes parvenus à mutualiser les moyens et les revenus de la Fondation et de notre RTRA. Mais dans notre cas, nous n’en avions qu’un…»

Les universités au défi de la professionnalisation

Les grandes écoles sont aussi en situation de concurrence entre elles. Elles sollicitent les entreprises à plusieurs niveaux, pour leur propre fondation, mais également pour les pôles d'excellence auxquels elles participent, à l'exemple de ParisTech qui regroupe douze écoles prestigieuses.

Barbara de Colombe, déléguée générale de la Fondation HEC, estime que tout est une question de stratégie : «Il faut définir précisément les positionnements. Les entreprises sollicitées pour ParisTech ne sont pas forcément les mêmes que pour HEC, ou en tous cas, les partenariats proposés sont clairement distincts.»

Pour elle, les universités pèchent par manque de professionnalisme. « Lever des fonds ne s’improvise pas. Avec la crise et la concurrence, les entreprises sont de plus en plus exigeantes. Les personnels doivent être formés, la stratégie pensée, les outils affutés.» Barbara de Colombe ne craint d’ailleurs pas la concurrence des universités. Elle estime au contraire que la multiplication des sollicitations, si les projets sont de qualité, va permettre de sensibiliser les entreprises et d’élargir le marché.

Vers un partenariat universités-grandes écoles ?

Axel Kahn considère que l’avenir est dans l’association universités-grandes écoles. «Inutile de déplorer infiniment la rivalité de ces deux modes d’enseignement. Prenons le meilleur de chacun» conseille-t-il. «Les grandes écoles ont des capacités d’organisation, de formation d’élites et de réseaux hors pair. L’université représente 85% à 90 % de la recherche. Une structure les associant ne peut que séduire une entreprise.»

Dans cette optique, un double diplôme de médecin-manager , en partenariat avec l’ESSEC, a été ouvert en avril 2009. La création d’un PRES avec Sciences po, l’INALCO et l’EHESP (Ecole des hautes études en santé publique) et d’un master en biotechnologie avec deux chaires attenantes à ParisTech est également en cours de finalisation. Le fundraising sera-t-il le ferment de la réconciliation université-grandes écoles ?


En savoir plus :
Enquête Admical-CSA "Quel impact de la
crise sur le mécénat ? » de mars 2009.

Laura Martel | Publié le