Geneviève Fioraso veut rassurer les écoles d'ingénieurs. Et après ?

Sophie Blitman Publié le
Geneviève Fioraso veut rassurer les écoles d'ingénieurs. Et après ?
Geneviève Fioraso à Chimie ParisTech ©S.Blitman - novembre 2013 // © 
Opération déminage. Geneviève Fioraso s'est employée, lors d'un déplacement à Chimie ParisTech jeudi 7 novembre 2013, à rassurer les écoles d'ingénieurs. En pleine réorganisation du paysage de l'enseignement supérieur, celles-ci peinent à y trouver leur place.

"Détendez-vous ! Il y aura de la place pour tout le monde." En déplacement à Chimie ParisTech, le 7 novembre 2013, Geneviève Fioraso s'est attachée à rassurer les écoles d'ingénieurs, et plus largement les grandes écoles, au moment où la mise en place des regroupements d'établissements rencontre parfois des difficultés sur le terrain. Sans oublier les accrochages par tribunes interposées entre grandes écoles et universités qui ont eu lieu en octobre.

"Rien ne sera sacrifié, surtout pas ce qui marche !", a affirmé celle qui s'est définie comme "la ministre de l’ensemble de l’enseignement supérieur, universités comme écoles !". Geneviève Fioraso a en outre repris à son compte l'idée que la partition du système français entre universités et grandes écoles est "un standard international" et non une anomalie, comme cela a souvent été dit. Un glissement sémantique favorablement accueilli par les directeurs présents à Chimie ParisTech. Philippe Jamet a en effet estimé que cette visite était le signe que "la hache de guerre n'est pas déterrée".

quelle place pour les écoles d'ingénieurs dans les communautés  ?

Le président de la CGE (Conférence des grandes écoles) a néanmoins fait part de ses fortes inquiétudes sur la place des écoles dans les futurs pôles d'établissements. Et de plaider pour que "l'Etat stratège veille jalousement à préserver la biodiversité de l'enseignement supérieur". Des craintes déjà exprimées au moment du vote de la loi ESR en juillet 2013 puis de nouveau à la rentrée.

Sur le terrain, les écoles d'ingénieurs se disent exclues des communautés ou "vassalisées", d'après les mots de Philippe Jamet qui regrette que le mode de regroupement proposé par les universités se limite le plus souvent à l'association. Concrètement, résume le directeur des Mines de Saint-Etienne, "on nous dit que c'est à prendre ou à laisser…"

Or, "près de 15% des diplômés de grade master en France, toutes disciplines confondues, sont formés dans des écoles d'ingénieurs. Avec les écoles de commerce, on atteint 30%", a rappelé de son côté Christian Lerminiaux, président de la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs), formulant cette question rhétorique : "peut-on se permettre de créer des CUE (communautés d'universités et établissements) dans lesquelles on fera abstraction de ces 30% ?"

"Les écoles doivent être au cœur des regroupements de site", s'énerve le directeur de l'UTT, qui juge en outre "inacceptable que certains sites universitaires disent qu'il n'y aura pas de communauté".

Ainsi interpellée, Geneviève Fioraso a promis qu'elle serait "attentive à ce que les projets soumis pour approbation n’excluent personne et favorisent le rapprochement entre écoles et universités".

 Sur le terrain, les écoles d'ingénieurs se disent exclues des communautés ou "vassalisées"

Hiatus entre le discours politique et la réalité du terrain

Au-delà de ces propos apaisants, les directeurs d'écoles restent sur leurs gardes. Ils pointent l'écart persistant entre le discours et la réalité de ce qu'ils vivent sur le terrain.

"L'Etat doit trouver un équilibre entre la stratégie qu'il impulse et l'autonomie laissée aux universités, estime Philippe Jamet. Sachant qu'aujourd'hui, cette liberté n'est pas toujours exercée au mieux..." Une question reste ainsi en suspens : le ministère usera-t-il de son autorité pour qu'universités et écoles se rapprochent réellement ? "Si l'on s'y prend mal, les communautés seront encore moins collaboratives que les PRES", prévient, alarmiste, Philippe Jamet.

 

Les masters d'ingénierie de nouveau en question
Autre sujet de discorde entre écoles d'ingénieurs et universités : les masters d'ingénierie, qui alimentent la polémique depuis plusieurs années, ont refait surface dans le débat. C'est au nom de "la culture de l'ingénierie à la française" que Philippe Jamet a défendu la nécessité de "ne pas rendre trop facultaire l'ingénierie et ne de pas l'enfermer dans des disciplines".

Sur ce point également, Geneviève Fioraso est allée dans le sens des écoles en reconnaissant la nécessité de distinguer clairement les diplômes d'ingénieurs et les masters d'ingénierie : il faut selon elle, "développer des cursus d'ingénierie à l'université" mais "sans faire croire qu'on est ingénieur quand on a un master universitaire".

Sophie Blitman | Publié le