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Gérer sa communication de crise : un impératif stratégique pour les établissements

Catherine Piraud-Rouet Publié le
Gérer sa communication de crise :  un impératif stratégique pour les établissements
Rennes School of Business a récemment dû gérer une crise d'alerte à la méningite au sein de son établissement. // ©  Agnès Millet
Les situations de crise, susceptibles de menacer l’image des établissements du supérieur, se multiplient. D’où la prise de conscience de la nécessité de s’équiper d’une stratégie structurée de communication dédiée, tant préventive que réactive.

Il y a quelques semaines, le groupe Galileo, mastodonte de l’enseignement supérieur privé, se retrouvait dans la tourmente à la suite de la publication du livre-enquête à charge de la journaliste Claire Marchal, Le Cube.

Si une telle mise sur la sellette médiatique n’est pas courante, la plupart des établissements du supérieur sont aujourd’hui conscients qu’aucun n’est à l’abri d’un "bad buzz".

Multiplication des crises possibles

D’une part, le danger est devenu multiforme. "A côté des problématiques "traditionnelles" - malversations financières, fraudes au diplôme, accidents ou agressions - de nouvelles montent en puissance : questions sanitaires, cyberattaques, VSS (violences sexistes et sexuelles), cas de harcèlement ou encore propos racistes ou antisémites, notamment liés à l’importation des conflits géopolitiques sur les campus", énumère Marie-Claude Zitrone, directrice de l’agence MCM Consultants, spécialisée en relations médias pour l’enseignement supérieur et la recherche.

D’autre part, l’omniprésence des réseaux sociaux fait enfler et circuler la moindre rumeur à une vitesse accélérée", souligne Caroline Sueur, fondatrice associée de l’agence Convictions, spécialisée en communication de crise.

"A la clé, des enjeux de réputation et de notoriété, mais aussi de recrutement, de relations avec les entreprises, de financements…", pointe Marie-Claude Zitrone.

Boîte à outils préventive

Dans les écoles et les universités, la mise en place d’une stratégie structurée de communication de crise s’impose donc.

"La meilleure crise, c’est celle qui n’arrive pas", expose Caroline Sueur. Pour cela, et même alors que le temps est au beau fixe, il convient de se doter d’une boîte à outils préventive, comprenant une cellule de crise, un porte-parole, les contacts et ressources d’urgence.

"Il est conseillé d’avoir des modèles de communiqués tout prêts, à adapter le jour venu, pour chacune de ses cibles, en interne - salariés, étudiants, parents, entreprises, partenaires - comme en externe : journalistes, institutionnels, partenaires…", précise Caroline Sueur.

S’entourer et se former

S’entourer d’un prestataire externe est souvent un bon choix. "Celui-ci aura moins d’affect par rapport à l’établissement, et surtout une expertise spécifique de la communication de crise, qui n'est pas forcément maîtrisée en interne", recommande Caroline Sueur, à la tête d'une agence spécialisée en communication de crise.

Depuis 2024, France Universités a ainsi mis en place un media training en "communication sensible", à l’attention des présidents et vice-présidents d'université, sous l’égide de journalistes et de communicants, avec partage d’expérience entre pairs. "Les présidents sont de plus en plus en première ligne, d’où la nécessité de les former spécifiquement", explique Jean-François Huchet, Président de l’Inalco (Institut national des langues et des civilisations orientales) et VP de France Universités.

Réactivité, transparence et contrôle du message

Une fois la crise survenue, les équipes sont confrontées à un double impératif : réagir vite… mais à bon escient. "Il faut mettre en place très rapidement des éléments de langage, à savoir des réponses à donner aux journalistes, avec un langage clair, transparent et surtout sans mensonges ni faux semblants", indique Marie-Claude Zitrone.

Trois nécessités : manifester de l’empathie envers les victimes de la situation, reconnaître ses erreurs et expliquer ce qui va être fait.

Durant toute cette phase, la communication doit rester centralisée, pour éviter tout débordement ou incohérence. "Nous demandons à chacun de nous transmettre toutes les demandes de contact de journalistes et informons tous les salariés qu’ils ne sont pas autorisés à parler au nom de l’école", commente Sabine Havard, directrice de la communication de Rennes School of Business, confrontée récemment à des rumeurs de cluster de méningite dans ses murs.

Le tout, sans oublier le volet interne. "Nous donnons toujours la primauté à notre écosystème pour le partage d’informations, en restant très factuels", ajoute Blandine Dollé, directrice transformation, RH et communication à Rennes SB.

Post-crise : veille et allumage de contre-feux

Une fois la crise passée, un debrief des principaux acteurs, récapitulant bons points et dérapages, aidera à être mieux armé pour affronter une éventuelle prochaine vague.

Dans les jours et les semaines qui suivent, une veille intensive de la presse et des réseaux sociaux s’impose, pour allumer d’éventuels contre-feux. "Je m’y plonge deux à trois fois par jour, je programme même des alertes. Et en cas de propos erronés, je contacte le journaliste en question pour en discuter", témoigne Sabine Havard. "Nous avons demandé des droits de réponse dans la presse et renforcé nos formations en interne", évoque Jean-François Huchet.

À plus long terme, il importe de mettre en place une stratégie de communication "positive", mettant en avant actions correctives et projets motivants. Objectif : contrebalancer les effets délétères de la crise et rétablir la confiance, en interne comme en externe.

Catherine Piraud-Rouet | Publié le