Grande-Bretagne : le financement privé des universités remis en cause par l'affaire du fils Kadhafi

De notre correspondante à Londres, Élisabeth Blanchet Publié le
À l'heure où le régime Kadhafi vacille, les généreux dons financiers de son fils acceptés par la prestigieuse London School of Economics (LSE) suscitent bien des remous outre-Manche. Fortement encouragées à chercher des financements privés, les universités britanniques se montrent parfois peu regardantes sur leur provenance. Cette attitude soulève une question éthique et morale de taille : les institutions d'enseignement supérieur britanniques publiques peuvent-elles accepter tout et n'importe quoi ? Et à quel prix ?

"Je suis responsable de la réputation de LSE et elle a souffert de mon erreur de jugement", a déclaré Sir Howard Davies, l'ex-directeur de la London School of Economics, en démissionnant jeudi 3 mars 2011. En effet, en 2009, après avoir suivi un PhD dans la prestigieuse université, l'un des fils de Kadhafi, Saïf Al-Islam – on l'accuse d'ailleurs d'avoir payé un "nègre" pour rédiger une partie de sa thèse – a signé un contrat de 2,6 millions d'euros avec LSE. En échange de l'argent, l'école s'engageait dans un programme de formation des fonctionnaires de l'État libyen. Faisant suite aux protestations des étudiants de LSE la semaine dernière, l'école s'est engagée à attribuer les fonds déjà reçus (350.000 €) à des bourses d'études destinées à des étudiants d'Afrique du Nord.

La LSE n'est pas la seule en cause

Mais LSE n'est pas la seule institution à accepter des dons provenant de régimes dictatoriaux. Les récents événements qui ont terni sa réputation ont permis de lever le voile sur d'autres universités qui n'ont pas hésité à signer des contrats "embarrassants" pour financer leur fonctionnement. Ainsi, Oxford a organisé une série de conférences dédiées au fondateur de l'Arabie saoudite en échange d'une donation fort conséquente du gouvernement. SOAS (School of Oriental and African Studies) a créé un événement glorifiant l'ayatollah Khomeini suite également à un don important de l'Iran. Quant aux membres des comités de gestion des centres d'études islamiques de Cambridge et d'Edimbourg, ils sont en partie nommés par un donateur saoudien... Et ce ne sont que quelques morceaux de la partie visible de l'iceberg. Ils ont cependant le mérite de remettre en question la liberté des universités d'accepter n'importe quel financement, notamment ceux qui sont octroyés par des régimes totalitaires.

Vers des règles plus strictes de financement

"En acceptant des dons de dictatures, les universités britanniques confèrent de la crédibilité à des gouvernements qui n'en ont aucune auprès de la majorité de leurs citoyens", analyse Robert Simcox, auteur de l'étude "A Degree of Influence" et chercheur au Centre for Social Cohesion . Par respect pour les populations des pays opprimés, mais aussi pour les étudiants et les personnels des universités britanniques concernées, la nécessité de mettre des garde-fous s'impose. C'est d'ailleurs l'avis de plus en plus de parlementaires, dont le conservateur Robert Halfon, qui vient de demander au Parlement que des mesures immédiates soient prises pour stopper les financements issus de régimes oppressifs et que des règles plus strictes soient établies au plus vite en ce qui concerne les dons privés aux universités.

De notre correspondante à Londres, Élisabeth Blanchet | Publié le