Grippe A : les TICE sauveront-elles l'enseignement supérieur ?

Fabienne Guimont Publié le
Grippe A : les TICE sauveront-elles l'enseignement supérieur ?
©Eric Le Roux Service Communication UCBL // © 
Après la grippe aviaire, les grèves et blocages d’universités, la pandémie attendue de grippe A constitue une aubaine pour promouvoir les TICE dans l'enseignement supérieur. La fermeture des écoles et universités donnerait une occasion unique de mettre les ressources numériques, les environnements numériques de travail et le e-learning à l’épreuve des faits. Hot line, cours en ligne ou plateforme, nous avons cherché à savoir comment les établissements se préparaient.

Une fois les dispositifs sanitaires mis en place pour contenir au mieux la contamination de grippe A, les établissements se mettent à phosphorer sur les moyens de maintenir le lien entre les étudiants et leurs enseignants en cas de fermeture prolongée des locaux. Branle-bas de combat dans les services TICE (technologies de l’information et de la communication appliquées à l’enseignement) des universités. Ils ont flairé l’occasion depuis longtemps.

« Pour moi, les grèves et la grippe A, c’est super. L’année dernière, le nombre de comptes des enseignants sur Moodle a augmenté de manière exponentielle car en plus des grèves, il y avait des problèmes de droits pour les polycopiés. L’usage de l’ENT va être boosté car s’il n’y a plus l’annuaire papier, les enseignants iront sur l’ENT », s’enthousiasme avec humour Françoise Galland, responsable TICE à l’université d’Angers et présidente de l’association nationale des directeurs de services des technologies de l’information et de l’audiovisuel (ANSTIA).

Banaliser les TICE auprès des enseignants

« Nous n’avions pas été touchés par les dernières grèves. Mais cette fois, le président de l’université veut mettre un coup d’accélérateur et utiliser cet événement pour développer le e-learning. Pour nous, c’est une opportunité à saisir et on s’y attendait depuis cet été », se réjouit Yann Bergheaud, responsable du service universitaire d’enseignement en ligne (SUEL) de Lyon 3. A la tête du service NUTICE (Nancy université TICE) fusionnant les moyens et les ressources des trois universités nancéiennes (Nancy 1, Nancy 2 et l’INPL) depuis le 1er janvier 2008, Anne Boyer ne boude pas non plus son plaisir, entre deux réunions de crise. « Pour nous, c’est l’occasion de banaliser les TICE comme le papier et le crayon. Ca ne doit plus être quelque chose pour laquelle il faut réfléchir, douter avant de se lancer, mais un outil standard », explique-t-elle.

Mettre le plus de cours en ligne

Tous savent qu’il faut agir maintenant et vite. Avant la rentrée des étudiants et avant que tout le monde n’ait déserté les amphis si la pandémie déferle. La plupart des établissements focalisent leurs efforts sur la formation des enseignants. Les étudiants, eux ne sont pas à convaincre de l’utilité de ressources en ligne, une fois qu’ils ont ouvert leur compte sur l’ENT de l’établissement. « A Angers, nous avons établi un plan de continuité pédagogique a minima : les étudiants doivent tous avoir un accès à la plateforme pédagogique et les enseignants doivent être capables d’aller sur l’ENT pour déposer et enlever un cours avec l’outil Moodle », explique François Galland. Beaucoup d’établissements ont donc misé sur la formation des enseignants au BA BA des outils de mise en ligne. Des formations de base, en présentiel ou en ligne. A Lyon 3,  Angers ou à Nancy entre autres, des hot line répondront aux questions techniques ou pédagogiques des enseignants sur le e-learning. Si beaucoup d’établissements veulent inciter le plus possible d’enseignants à déposer leurs cours en version numérique, une école d’ingénieurs nancéienne en a fait une obligation.

Car même si les services TICE n’ont pas plus de personnel pour faire face à l’urgence,  l’occasion est trop belle pour être manquée. « On va aller plus vite que prévu pour s’abonner au logiciel de webconférence. Les administratifs, enseignants et chercheurs pourront ainsi faire des réunions et travailler de chez eux », reconnaît Françoise Galland. L’université Paris 5 a pris la décision de développer à grande échelle ses 3000 cours déjà podcastables à travers l’ENT.

Tout n’est pourtant pas rose dans le monde TICE à l’heure de la grippe A. Tous les cours ne seront pas en ligne le jour J, lors de la fermeture. Lyon 3, une des universités en avance dans ce domaine, affiche une proportion de 60 % de cours numérisés à ce jour, essentiellement en droit. Les cours, souvent produits en vue d’un accompagnement de l’enseignement en amphi, ne sont pas peaufinés pour être utilisés en autoformation si les profs ne peuvent suivre à distance leurs étudiants. Autre crainte : la saturation des serveurs d’université et providers si les ENT sont consultés par tous les étudiants en même temps.

Sous le soleil de la médiatisation

Mais tout le monde reconnaît bénéficier à plein régime de la médiatisation des ressources numériques comme solution pour faire face à la crise à venir. Le ministère de l’Enseignement supérieur est en ce moment leur premier VRP en les plaçant au rang de solution numéro 1 dans le plan de continuité pédagogique.

Pour Hervé Lièvre, directeur du Cérimes/Canal U , cette grippe A marque un tournant dans la prise de conscience politique de l’enjeu représenté par les outils numériques. « Pendant la grippe aviaire, la sous-direction des TICE du ministère m’avait simplement envoyé une demande écrite pour me demander ce que Canal U avait comme ressources pour les personnes potentiellement claquemurées. Cette fois, le ministère lui même a découvert et promu Canal U en parlant de 5000 heures de cours… même si ce sont des approfondissements de cours avec des vidéos de conférences, colloques…Je n’entends plus personne sourire par rapport à ces outils considérés aujourd’hui comme sérieux. La grippe A permet aux politiques de découvrir des outils qui peuvent rendre de grands services en temps de grève. Une fois la grippe A passée, on aura une élévation durable du niveau de la mer. Ce ne sera pas un tsunami avec une vague qui déferle et qui repart après ».

Valérie Pécresse aimerait convaincre les présidents d’université d’ouvrir les ressources de leurs enseignants aux autres universités, voire de faire profiter plus largement des services des universités numériques thématiques -pour celles développées sur le modèle payant-. Pour Canal U, le ministère verrait bien 10 000 heures de vidéos au lieu des 5000 aujourd’hui. De belles batailles sur les ayant droits en perspective !

Les ressources en ligne en cas de pandémie
Aux ressources numériques mises en ligne par les enseignants de son université, les étudiants peuvent aussi avoir accès aux cours des universités numériques thématiques (UNT ) comme AUNEGE en économie et gestion, UNF3S en santé et sport, UNISCIEL pour les sciences fondamentales, UNIT pour les sciences de l'ingénieur et technologie, l’UNJF pour les sciences juridique et politiques, UOH en sciences humaines et sociales, langues et arts et UVED pour l’environnement et le développement durable seront aussi des ressources très utiles en cas de fermeture.

La plupart des ressources sont libres, mais certains UNT ont un accès payant que l’université a négocié ou non pour l’ensemble de ses étudiants. Des coûts non négligeables pour les établissements pluridisciplinaires. La vidéothèque de Canal U fournit aussi dans huit disciplines, 5000 heures de vidéo : colloques, conférences, illustrations filmées… Si le cours d’anatomie ne vous semble pas assez concret, une dissection par exemple peut l’illustrer. L'uel, pour université en ligne propose gratuitement des cours, des exercices et des tests d'autoévaluation sur quatre matières : mathématiques, physique, chimie et biologie. Dur, dur pour les 5 % d’étudiants sans ordinateur et ceux sans connexion à Internet ! 

Lire le dossier de letudiant.fr : Grippe A : quand télé et radio prennent le relais des profs , avec Le soutien scolaire en embuscade

Fabienne Guimont | Publié le