Innovation pédagogique : grandes écoles et entreprises dessinent 2030

Agnès Millet Publié le
Innovation pédagogique : grandes écoles et entreprises dessinent 2030
innovation pédagogique 2030 Adobe // ©  metamorworks/AdobeStock
Faciliter les relations avec les entreprises, accompagner les enseignants et reconnaître l’innovation pédagogique tout en faisant la part belle au numérique et aux pédagogies actives : telles sont les pistes pour la pédagogie de 2030, issues d’une étude réalisée par la Conférence des grandes écoles (CGE). Le point sur les conclusions.

Quelles sont les tendances pédagogiques dans les grandes écoles et quels leviers activer pour parvenir à une "situation idéale dans dix ans" ? C’est à ces deux questions que veut répondre l’étude "Apprendre en 2030" de la CGE, réalisée avec ChooseMyCompagny, en partenariat avec la banque des territoires et publiée en mai 2021.

Ce livre blanc propose cinq orientations stratégiques, après avoir sondé 1.381 répondants parmi les personnels dirigeants et enseignants de grandes écoles et entreprises.

Des enseignants en demande d’accompagnement...

Le constat est rassurant : 83,6% des enseignants sont fiers d’exercer dans leur école. Et 87,1% se sentent libres d’adapter leur pédagogie en fonction des besoins des apprenants. "Le corps enseignant tient à son rôle de transmission et de 'sensemaking'", précise l’étude.

Mais derrière cette fierté se cache une réalité plus nuancée. Ils ne sont que 45% à penser que leur établissement sait valoriser et récompenser l’innovation pédagogique. Et ce, alors que la crise sanitaire et les évolutions sociétales - notamment les attentes des étudiants -, ainsi que la nécessité de redonner du sens aux apprentissages, sont des accélérateurs de changement, dans un contexte de transition et de nouveaux outils.

"Nous ressentons tous une demande d’accompagnement et de reconnaissance de la part de nos professeurs, notamment ceux qui se sont engagés depuis le début de la pandémie", note Frank Bournois, président de la commission Formation de la CGE et directeur d’ESCP, en présentant l’étude.

"La communauté enseignante est en demande d’animation pour développer ses compétences d’ingénierie pédagogique, tant avec les outils qu’avec les méthodes. Ils sont avides d’inspiration, de partage et de formation", notent les auteurs de l’étude.

...et d'incitation à l’innovation pédagogique

Dans ce cadre, l’école est garante de la vision pédagogique. Elle doit inciter à l’expérimentation d’outils et de formats et faire émerger des communautés de partage d’expériences, épaulées par des ingénieurs pédagogiques. Et bien sûr, valoriser les efforts des enseignants, tout en allégeant l’administratif pour libérer du temps.

Reste à lever les freins que sont, selon les sondés, la résistance des acteurs à l’abandon des modèles classiques et le mythe du tout numérique.

Et la marge de progression est importante. Près de 52,9% des entreprises pensent que le contenu des cours n’est pas renouvelé assez vite, au vu de l’évolution des métiers, tandis que 80,4% des écoles estiment relever ce défi ! Pour les entreprises, il faut mieux former les enseignants et renforcer les moyens pour accélérer l’innovation pédagogique.

Trouver la bonne place pour le numérique

Qui dit innovation pédagogique dit aussi nouvelles technologies (IA, big data, réalité virtuelle). Et l’on constate que les directeurs d’école et de programmes, les professeurs permanents et vacataires sont unanimes : les salles de classe connectées et les outils de visioconférence seront les deux leviers de l’innovation technologique en 2030.

Mais si l’on creuse davantage, les avis sont partagés. Car les enseignants sont "plus attirés par les modalités favorisant les interactions directes pour partager les savoir-faire. Le distanciel et les technologies avancées sont sources de questionnement", notent les auteurs. Ils sont moins de 50% à penser que l'intelligence artificielle et le big data sont une opportunité d’adapter les parcours d’enseignement (données collectées et analysées, modules proposés).

Dans l’ensemble, 62% des écoles pensent que les nouvelles technologies (immersion, RV, gamification, micro learning) sont un levier pour enrichir les pédagogies, contre 97% des entreprises !


La place de la pédagogie active
Selon l’étude, la pédagogie active ("learner-led learning"), les parcours personnalisés et les outils associés reçoivent des appréciations très différentes entre les directeurs et les professeurs. Et ce sont les écoles de management qui tracent le chemin pour cette nouvelle vision.

Renforcer les relations entreprises/écoles

Une fluidité réelle dans les relations entreprises/écoles est le dernier des cinq leviers pour la pédagogie de 2030 et, ce via les partenariats, l’agilité des contenus et le partage de modalités pédagogiques.

Si écoles et entreprises s’accordent à dire que ce lien sera l’avantage concurrentiel des grandes écoles dans leur écosystème, le fossé est grand entre leurs ressentis : 92,8% des écoles pensent préparer réellement leurs élèves pour impacter positivement l’environnement socio-économique de demain, contre 54% des entreprises.

Pour Frank Bournois, "l’obsolescence des compétences s’accroissant, il faut être proche des entreprises". Les auteurs suggèrent donc que les entreprises partagent leurs bonnes pratiques, car elles "ont une vraie longueur d’avance en termes d’innovation pédagogique (réalité virtuelle, big data ou learning experience platforms)".

Agnès Millet | Publié le