Intelligence artificielle : vers une destruction créatrice d’emplois

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Intelligence artificielle : vers une destruction créatrice d’emplois
Au-delà de ce phénomène de "destruction créatrice d’emplois" se pose la question de la sensibilisation et de la formation des salariés occupant des postes liés à l’IA. // ©  phonlamaiphoto
Sur le site de "The Conversation France", Sébastien Tran, directeur de l’École de management Léonard-de-Vinci, revient sur les répercussions du déploiement de l’intelligence artificielle, notamment dans la transformation des entreprises.

Victoire de la machine sur les spécialistes humains du jeu de go, premiers tests de véhicules autonomes, multiplication des assistants personnels tels que Siri (Apple) ou Cortana (Microsoft)… L’intelligence artificielle est devenue ces dernières années très médiatique.

Il est un domaine dans lequel elle suscite de nombreuses espérances : celui de la transformation des entreprises. Le déploiement de l’IA, comme celui d’autres évolutions technologiques avant elle, se traduira probablement, en termes d’emploi, par une destruction créatrice.

L’intelligence artificielle est dans l’air

La problématique de l’intelligence artificielle s’inscrit au cœur de la société, comme en témoignent les nombreux rapports et études en cours, ou la mission confiée par le Premier ministre à Cédric Villani. En 2016, la plate-forme CBInsights recensait plus de 1.600 start-up spécialisées dans le domaine de l’IA.

Une analyse prospective récente de Statista révèle par ailleurs que le marché des applications dédiées à l’IA, en forte croissance, devrait peser plus de 30 milliards de dollars en 2025.

Au-delà de la question de la fiabilité des prévisions effectuées par les cabinets d’études et de conseil, on peut s’interroger sur l’impact qu’aura l’IA sur la transformation des métiers, ainsi que sur les changements sociétaux associés. En effet, d’importants moyens financiers sont engagés : la Commission européenne notamment a prévu 1,5 milliard d’euros pour développer la recherche consacrée à l’IA entre 2018 et 2020.

Non, votre chatbot ne deviendra pas (tout de suite) Terminator

L’IA est un concept apparu en 1956, mais sa généalogie remonte aux premiers travaux sur les réseaux de neurones formels, dans les années 1940. Ceux-ci avaient déjà pour ambition de reproduire les fonctions cognitives du cerveau humain, grâce aux progrès réalisés en informatique. Le concept d’IA s’appuie sur plusieurs disciplines portant sur le traitement du langage naturel, le raisonnement logique, les sciences cognitives etc.

L’un des principes clés de l’IA est l’apprentissage à partir de données collectées grâce à différentes plates-formes et dispositifs informatiques. La collecte de plus en plus massive des données (en lien avec le “big data”) couplée à l’incroyable augmentation des capacités de calcul (la fameuse loi de Moore) et aux avancées en matière d’algorithmique explique les progrès réalisés par l’IA ces dernières années.

Il ne faut pas non plus imaginer que l’IA pourrait évoluer en une machine intelligente, qui prendrait son autonomie vis-à-vis de son créateur-programmeur. En tout cas pour l’instant.

On ne peut donc pas dissocier l’IA des avancées réalisées dans les techniques d’apprentissage machine et notamment en deep et machine learning. Par ailleurs, il faut éviter la tentation simpliste de présenter les technologies développées à partir de l’IA comme permettant uniquement un traitement automatisé des tâches répétitives et fastidieuses.

L’IA est en effet capable d’actions complexes, comme la conduite de véhicules autonomes. Mais il ne faut pas non plus imaginer que l’IA pourrait évoluer en une machine intelligente, qui prendrait son autonomie vis-à-vis de son créateur-programmeur. En tout cas pour l’instant. En effet, l’IA est la résultante d’une architecture logicielle (type de réseaux de neurones, nombre de couches, méthodes d’apprentissage, etc.), issue d’une logique humaine.

Il reste un énorme fossé à combler avant d’arriver à une IA "forte", qui serait comparable à une intelligence humaine, notamment sur le plan de la capacité à comprendre des contextes d’interactions entre des individus et/ou avec des objets.

L’IA, un énième vecteur de destruction créatrice d’emplois ?

Comme à chaque évolution technologique majeure (Internet, la robotisation, etc.), avec l’émergence de l’IA se pose la question des conséquences en matière d’emplois et de qualifications. Sur ces points, les travaux actuellement disponibles fournissent des résultats contradictoires néanmoins, la menace sur l’emploi semble encore très limitée, comme le souligne l’étude France Stratégie. […]

Les technologies liées à l’IA, qui reposent sur des traitements massifs de données collectées via des dispositifs connectés, pourraient renforcer les besoins en métiers récemment créés (data scientists, programmeurs d’IA, etc.). Elles pourraient également en faire émerger de nouveaux : gestionnaires de plates-formes de distribution des services, designers de personnalité d’intelligence artificielle, knowledge engineers, etc.

Beaucoup de métiers sont à imaginer pour permettre une intégration entre les besoins métiers, qui deviendront de plus en plus complexes et décloisonnés du fait des possibilités permises par l’IA, et la configuration de ces technologies. On pourrait voir apparaître des "intégrateurs IA" dans les organisations qui seraient des chefs de projets transversaux sur le développement, l’intégration et la maintenance des systèmes d’IA.

Au-delà de ce phénomène, classique maintenant, de "destruction créatrice d’emplois", se pose la question de la sensibilisation et de la formation des salariés occupant des postes liés à l’IA. Formation aux enjeux techniques, mais également juridiques, sociaux, économiques et éthiques. Les risques d’aggravation des inégalités ou de polarisation sociale sont en effet bien réels, et ont été identifiés par plusieurs études.

Le contenu de l’offre de formation de l’enseignement supérieur (écoles d’ingénieur, de management, formation juridique, etc.) devra donc évoluer rapidement, pour intégrer ces dimensions.

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