D. Manceau : "Nous ouvrirons un nouveau campus parisien en 2021."

Étienne Gless Publié le
D. Manceau : "Nous ouvrirons un nouveau campus parisien en 2021."
Neoma BS annonce l'ouverture d'un nouveau campus parisien en 2021. // ©  Neoma
Neoma BS a acquis un immeuble de 6.500 m2 à Paris intramuros pour y accueillir dès 2021 quelque 1.500 étudiants. L'école de management annonce aussi la signature de 30 nouveaux partenariats académiques internationaux. Rencontre avec Delphine Manceau, sa directrice.

Lors de la présentation de votre plan stratégique pour 2022 en octobre dernier, vous affichiez une grande priorité donnée à l’international. Comment se traduit-elle dans votre école et où en êtes-vous aujourd'hui ?

Notre parti pris, à l'international, est l’immersion des étudiants et la coopération avec des institutions. Notre objectif n’est pas d’envoyer un grand nombre d’étudiants dans le même pays, mais plutôt de les disperser et de les immerger dans le plus de pays possible.

D. Manceau
D. Manceau © David Morganti/Neoma BS

Nous nous appuyons sur nos partenaires académiques, dont nous renforçons le nombre, grâce à la signature de 30 nouveaux partenariats avec des institutions accréditées qui comptent parmi les meilleures business schools du monde, comme l’Instituto de Empresa à Madrid, qui est la toute première business school en Espagne, Xavier school of management en Inde (XLRI) ou encore l’American university of Beirut, une référence au Liban. Neoma dispose désormais de 320 partenariats.

Cette multiplication des partenariats internationaux vise-t-elle à éviter le tourisme académique ?

Oui. Neoma veut offrir une plus grande diversité de choix à ses étudiants. Nous ne voulons pas envoyer plus de cinq étudiants à la fois dans la même université pour éviter qu’ils restent entre eux. Notre mission est de faire en sorte que nos étudiants s’immergent vraiment et découvrent une autre culture, de nouvelles manières d’apprendre. Tout en gardant toujours notre principe directeur qui est de garantir la continuité de l’excellence académique.

Au-delà des accords d’échange classique, nous innovons, par exemple, en lançant un nouveau format "Entrepreneurs sans frontières". Il permet à nos étudiants ayant un projet entrepreneurial incubé chez nous de suivre un semestre chez un partenaire académique avec des cours sur l’entrepreneuriat, des rencontres avec les autres étudiants, les investisseurs locaux... et peut-être de créer d'emblée une start-up internationale. Nous avons ainsi signé des accords avec l’université de Berkeley dans la Silicon Valley, Copenhagen business school ou l’université Jiao Tong de Shanghai, qui réalise le fameux classement de Shanghai.

L’international pour nous n’est pas un sujet immobilier mais d’immersion. Raison pour laquelle nous n’ouvrons pas de campus à l’étranger.

Autre axe stratégique fort annoncé, la transformation digitale. Quelle vision avez-vous du numérique pour votre école ?

Le digital pour nous n’est pas là pour se substituer à l’enseignement présenciel. Nous ne sommes pas dans une logique de MOOC avec du e-learning et moins de cours en salle. Au contraire, nous utilisons le digital pour enrichir l’expérience d’apprentissage en salle de cours avec par exemple la réalité virtuelle immersive. Neoma s’est distinguée avec plusieurs prix internationaux sur le sujet. Nous testons aussi actuellement de nouveaux espaces pédagogiques dans une logique de pédagogie augmentée.

À ce propos, vous aviez annoncé un projet d’achat de nouveaux locaux à Paris. Cet achat s'est-il concrétisé ?

Nous avons en effet acquis un immeuble de 6.500 m2 près de la place d’Italie dans Paris intramuros, qui accueillera 1.500 étudiants pour y faire de la formation continue, des masters of science (MSc) mais aussi pour y débuter nos programmes post-bac. L'entrée dans l'enseignement supérieur peut être anxiogène pour certains bacheliers. Leur donner la possibilité de démarrer leur cursus à proximité de leur lieu de vie est un atout. Ce qui n'empêche pas qu'ils peuvent ensuite partir à l'étranger, avant de rejoindre nos campus historiques de Rouen et Reims. C’est pourquoi, nous avons des projets d’extension de ces campus dans les 5 ans à venir.

Neoma va-t-elle devenir de plus en plus parisienne ?

Le nouvel immeuble n’a pas vocation à accueillir les élèves du programme grande école. Le but n’est pas que nos étudiants aillent à Paris plutôt que Rouen et Reims. Notre stratégie est de développer notre activité à Paris et de l’utiliser comme levier de croissance pour nos campus historiques de Rouen et Reims. On ne se parisianise pas, au contraire de certaines autres écoles.

Quand comptez-vous accueillir les étudiants dans ce nouvel immeuble parisien ?

Nous emménagerons dans ce nouvel immeuble au printemps 2021 pour être prêts pour la rentrée suivante. Nous sommes en train de travailler avec l’architecte pour en faire un espace capable d'accueillir les pédagogies de 2030, 2040. Nous réfléchissons à ce que sera une business school dans 10 ans, avec beaucoup d’espaces de coworking, de créativité et de flexibilité dans les pédagogies.

Pourquoi avez-vous décidé de faire de la dernière année de votre programme grande école un master of science (MSc)?

Nous proposerons 14 MSc. L’idée c’est d’offrir aux étudiants du PGE une année complète de spécialisation au lieu des options classiques de dernière année qui duraient trois mois. De plus, ces MSc étant dispensés en anglais, ils nous permettent d’intégrer des étudiants internationaux venus faire, à Rouen et Reims, un an de spécialisation. Cela donnera donc une coloration très internationale à la fin du cursus pour les étudiants du PGE. Ces MSc sont communs à nos partenaires. Nous avons, par exemple, un MSc dans le luxe avec le Politecnico de Milan, ce qui permet aux étudiants d’avoir aussi ce diplôme. Tous les étudiants de Neoma auront donc un diplôme grande école et un MSc, voire un troisième diplôme car cinq de nos MSc sont des triples diplômes.

Notre stratégie est de développer notre activité à Paris et de l’utiliser comme levier de croissance pour nos campus historiques de Rouen et Reims.

Quel premier bilan tirez-vous de la nouvelle structuration de vos programmes ?

Les indicateurs sont dans le vert. Pour nos différents concours, Neoma enregistre davantage de candidatures. Des chiffres encourageants qui témoignent de notre attractivité, en particulier auprès des classes prépa. Au concours Ecricome - pour le PGE - nous avons enregistré 8.160 candidats. De même, le concours d’entrée dans notre programme international Cesem - une formation de type bachelor avec double diplôme franco-international à la clé - connait une augmentation des candidatures de +18% sur un an. Troisième concours avec une croissance très importante des candidatures, notre global BBA a enregistré 55% de candidatures en plus.

Michel-Édouard Leclerc est le président de votre école. Qu'apporte-t-il à Neoma en tant que chef d’entreprise ?

Il s’implique sur quelques sujets qui sont des convictions fortes pour lui. Il a, par exemple, stimulé cette année la création d’un cycle de conférences sur l’utilité sociale des entreprises. Neoma a invité des personnalités à réfléchir autour de Michel-Édouard Leclerc sur les enjeux sociétaux (pauvreté, environnement, nouveaux modes de travail…) auxquels sont confrontées les entreprises : Emmanuel Faber (Danone), Louis Gallois (PSA) sont venus. Jean-Paul Agon (L'Oréal) viendra en septembre prochain. Michel-Édouard Leclerc s’est aussi beaucoup impliqué sur le sujet des bourses. Sous son impulsion, Neoma a redéfini sa politique de bourses pour renforcer son ouverture et sa diversité sociales. Nous sommes dans une campagne de fundraising, et il s’implique personnellement pour lever des fonds et proposer encore plus de bourses à nos étudiants.

La réforme de l’apprentissage a beaucoup inquiété les grandes écoles. La récente détermination des coûts-contrats, publiée par France compétences, a fait pleurer certaines écoles et sourire d’autres. Où vous situez-vous ?

Ni Jean qui pleure ni Jean qui rit, mais nous sommes perplexes ! Ce qui nous étonne, c’est l’hétérogénéité des montants : d’une branche professionnelle à l’autre, les niveaux de prise en charge des coûts varient presque du simple au double. Cela nous interroge quant à l’orientation de nos étudiants. Nous ne voulons pas les pousser dans un secteur d’activité parce que le coût est mieux pris en charge ! La branche caoutchouc, par exemple, est extrêmement généreuse. Nous n’allons quand même pas y pousser nos étudiants pour ce seul motif. De plus, certaines branches importantes n’ont pas fait remonter leurs coûts comme c'est le cas du secteur bancaire.

Depuis 2018, vous êtes à la tête de l’European advisory council (EAC) de l’AACSB. Quel bilan tirez-vous à mi-parcours de votre mandat d’un an ?

C'est assez passionnant ! L’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) est un organisme américain qui conçoit ses dispositifs d’accréditation selon les normes américaines et le modèle des business schools américaines. Notre rôle, au sein de l’European advisory council (EAC), est de réfléchir à l’impact d’AACSB en Europe et d’influencer et faire prendre conscience à AACSB des spécificités européennes.

Prenez le sujet de la diversité : pour les Américains, la diversité est surtout conçue en termes de genre ou d’origine ethnique, et la diversité sociale n’est pas un sujet pour eux. Alors que nos grandes écoles en Europe essaient de s’impliquer sur la diversité sociale. C’est important d’avoir ce débat-là. L'AACSB remet actuellement à plat ses critères d’accréditation, et nous attendons les premières orientations sur les nouveaux critères l’an prochain.

Étienne Gless | Publié le