Jean-Baptiste Lesort : "Le numérique a davantage modifié la formation que la gouvernance des universités"

Erwin Canard Publié le
Jean-Baptiste Lesort : "Le numérique a davantage modifié la formation que la gouvernance des universités"
L'Université de Lyon regroupe 12 établissements membres et 22 associés sur la métropole Lyon Saint-Étienne. // ©  Université de Lyon
Quelle place le numérique occupe-t-il à l'Université de Lyon ? En marge du Before d'EducPros, organisé à Lyon le 18 janvier 2018, Jean-Baptiste Lesort, directeur de l'ENTPE et vice-président de l'Université de Lyon en charge du numérique, revient sur la politique de la Comue en la matière.

Quelle stratégie l'Université de Lyon a-t-elle adopté en matière de numérique ?

L'UDL (Université de Lyon) est composée de douze établissements. Chacun d'entre eux impulse sa propre stratégie numérique, aussi bien en termes de recherche que de formation. Le rôle de l'UDL est de rendre cohérentes les actions menées par les établissements et de développer un certain nombre de projets transversaux.

Jean-Baptiste Lesort
Jean-Baptiste Lesort © Photo fournie par le témoin

Par exemple, pour créer la formation diplômante Adilys, dédiée à l’accompagnement de la transformation numérique des entreprises, nous avons rassemblé des enseignants de plusieurs établissements. De plus, grâce au financement de l'Idex, nous avons conçu le CDproIP (Centre de développement professionnel et d'innovation pédagogique), où sont mises au point des ressources d’accompagnement de l’innovation pédagogique, notamment dans le domaine du numérique.

Nous pilotons également le renouvellement du réseau métropolitain Lyres (Lyon recherche et enseignement supérieur), une infrastructure mutualisée de communication permettant à tous les établissements de se raccorder à Internet à un meilleur coût.

Le développement du numérique implique un budget (formation, matériel, supports pédagogiques…). Comment ces initiatives sont-elles financées ?

Nous avons plusieurs façons de travailler. Une première consiste à ce que chaque établissement apporte sa part de financement ou de temps lorsqu'il s'agit d'un projet concernant l'ensemble de la Comue, comme pour Lyres. Il est également possible que seuls les établissements souhaitant participer à un projet le financent, c'est le cas du projet d'académie digitale.

Enfin, il peut s'agir d'une réponse à un appel à projet émanant du ministère ou de l'État, comme les Idex.

Pour l'Institut Montaigne, le numérique pourrait "parachever l'autonomie des universités". En quoi a-t-il déjà transformé la gouvernance des établissements ?

Le numérique n'a pas encore eu beaucoup de répercussions à ce niveau-là, si ce n'est sur le plan des systèmes d'information. Ce n'est pas tant la gouvernance qui a évolué, que la formation, sur au moins trois niveaux majeurs : les formations aux métiers du numérique, qui se sont fortement développées dans les établissements ; la présence du numérique dans des secteurs traditionnels, comme dans celui de la construction avec les modélisations numériques des bâtiments ; l'utilisation du numérique dans la formation. C'est cela la vraie révolution numérique dans les universités.

Je ne suis pas sûr que les enjeux de l'autonomie des universités soient liés autant que cela au numérique.

Quant à la prévision de l'Institut Montaigne, je ne suis pas sûr que les enjeux de l'autonomie des universités soient autant liés que cela au numérique. Les enjeux politiques et financiers me semblent primer, même si le numérique peut mettre de l'huile dans les rouages. De là à considérer cette dimension comme déterminante, il y a un pas que je ne franchirai pas.

Le numérique, c'est aussi les EdTech et ses start-up. Comment l'UDL travaille-t-elle à leur développement ?

C'est un domaine dans lequel le site de Lyon-Saint-Étienne est en pointe, le jury de l'Idex l'a d'ailleurs salué. Depuis plusieurs années, l'UDL a lancé Beelys, un projet autour de l'entrepreneuriat étudiant. Il y a un mouvement extrêmement puissant de créations de start-up et de processus facilitant ces créations, en lien avec le monde économique.

C’est tout le sens de la "Fabrique de l’innovation" développée par l’UDL et de l’action de la Satt (société d'accélération du transfert de technologies) Pulsalys, qui accompagne et finance la valorisation de la recherche, notamment par la création de start-up.

Vous évoquiez le numérique au sein des formations. Les technologies faisant appel au blended learning ou aux learning analytics se généraliseront-elles ?

Actuellement, il s'agit davantage d'expérimentation. Les learning analytics, qui analysent les traces d'apprentissage, permettent de réfléchir à l'accompagnement de nos étudiants dans leur réussite, notamment au premier cycle, où ils sont très nombreux. C'est une direction de développement intéressante à suivre.

Toutefois, ce sont des sujets portés par des enseignants motivés, ce qui me fait dire que la généralisation n'est pas certaine, mais qu’un large développement est possible.

Comment la formation, initiale et continue, des enseignants doit-elle davantage accompagner ces derniers dans la prise en main du numérique ?

C'est un sujet qui nous questionne beaucoup. Nous avons la volonté de mettre en place des ressources, un accompagnement des enseignants dans l'évolution de leur pratique, à l'image des initiatives portées par les learning labs. Il n'y a en revanche rien de cœrcitif. Nous en sommes au début de l'histoire, ça se développe progressivement et petit à petit ce type de choses va devenir naturel.

Nous avons la volonté de mettre en place des ressources, un accompagnement des enseignants dans leur pratique.

Aujourd'hui, il existe essentiellement des expérimentations, et non pas un système global à l'échelle de l'Université de Lyon, opérationnel dans tous les établissements. Toutefois, c'est un mouvement relativement rapide. C’est tout le sens du projet CDProIP et de l'appel à manifestation d'intérêt "Transformation numérique de l’université".

Un "campus numérique" vient d'ouvrir à Lyon. Quels sont les liens de l'UDL avec ce projet ?

Nous avons eu un certain nombre de discussions avec la Région, qui a lancé deux appels à proposition. L'UDL a considéré difficile d'y répondre directement, en proposant des formations nouvelles hors les murs de ses propres établissements. En revanche, nous avons profité de l'occasion pour recenser et mettre en évidence notre offre de formation. Elle est maintenant disponible sous la forme d’une cartographie interactive sur le site de Lyon French Tech.

Le numérique interroge la sécurité des données. En 2015, Lyon 3 avait été victime d'un vol de données. Les étudiants peuvent-ils faire confiance au système actuel ?

Il serait dangereux de dire avec certitude que tout est en place. Il y a toujours des failles. En revanche, nous progressons chaque jour. Aujourd'hui, la question de la sécurité des données est explicitement prise en compte. Toute la difficulté consiste à avoir un temps d'avance sur ceux qui souhaiteraient nous nuire…


Jeudi 18 janvier, à Lyon, le Before d'EducPros

EducPros organise le 18 janvier 2018 à Lyon, en partenariat avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes et l'Esdes, la deuxième édition des Before, un événement pour les décideurs de l’enseignement supérieur, à la veille du Salon de l’Etudiant.

Dans un lieu à la pointe de l’innovation, les responsables de l’enseignement supérieur de la région sont invités à échanger autour d’une table ronde sur le thème "La révolution numérique de l'enseignement supérieur en Auvergne-Rhône-Alpes".

Informations sur l'événement

Erwin Canard | Publié le