Jean-Charles Pomerol (ex-président de l'UPMC) : "L’Etat serait content de montrer qu’il faut reprendre en main des universités mal gérées"

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
Jean-Charles Pomerol (ex-président de l'UPMC) : "L’Etat serait content de montrer qu’il faut reprendre en main des universités mal gérées"
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Les difficultés budgétaires dans les universités ont donné lieu, dans un climat de confusion, à l'annonce de la mise sous tutelle rectorale de certains établissements à l'automne 2011. La faute à l'autonomie ? Jean-Charles Pomerol, ancien président et professeur à l'UPMC (université Pierre et Marie Curie), donne son point de vue, et dénonce la volonté de l'Etat de reprendre en main les universités.

Les mises sous tutelle rectorale des universités signent-elles la mort de l’autonomie ?

Ce n’est pas une remise en cause de l’autonomie - de toutes façons très partielle, quand on sait que près de 90% des budgets des universités dépendent de l’Etat. C’est d’abord le constat que les contrats quadriennaux ne fonctionnent pas : on ne prend pas en compte les spécificités des établissements. Le dernier contrat de l’UPMC représentait par exemple moins de 0.005% de notre budget.

C’est aussi le constat que l’on ne prend pas en considération les performances des universités : via le modèle Sympa, on donne juste la même chose à tout le monde. Laurent Wauquiez a beau dire que 20 % du budget repose sur la performance, c’est faux.

Pour une vraie autonomie, il faut prendre en compte les spécificités et les performances des établissements.

Comment expliquez-vous ce discours ministériel confus sur la situation budgétaire des universités ?

L’Etat serait content de montrer que les universités sont mal gérées et qu’il faut les reprendre en main, d’où cette publicité sur les 7 ou 8 cas d’universités en difficulté . Beaucoup de hauts fonctionnaires - qui ne sont jamais passés par l’université - en ont une image négative et estiment qu’elle doit être surveillée de très près. Ils veulent reprendre de la main gauche ce qui a été donné de la main droite.

La situation financière des universités risque-t-elle d’empirer ?

Je ne crois pas. L’image de l'université s’est améliorée. Le nombre d’étudiants a tendance à augmenter, ce qui devrait être pris en compte dans les calculs des budgets. Concernant les universités de recherche, je pense que nous allons obtenir le financement des coûts indirects (infrastructures, matériel, etc.), pour l’instant très peu pris en compte dans les contrats de recherche.

Peut-on totalement exonérer de responsabilités les présidents d’université ?

Le problème ne relève pas des présidents. Il y a pu avoir trop de postes en CDD, ou des politiques de primes très généreuses menées par les universités, mais c’est vraiment un phénomène à la marge.

 L’Etat a transféré beaucoup de nouvelles responsabilités aux universités sans les postes qui vont avec, et il a pris des décisions qui impactent la masse salariale, qu’il ne compense pas.

Essaie-t-on de faire faire aux universités la mauvaise besogne : couper dans leurs postes ?

Oui, c’est le but du jeu. S’il y a une pédagogie de la communication actuelle du ministère, c’est celle là. Le ministère devrait plutôt nous envoyer ses fonctionnaires centraux qui s’occupaient des missions transférées aux universités. Ils ne seraient pas plus malheureux chez nous.

Vous êtes depuis toujours un ardent défenseur de l’autonomie. En êtes-vous revenu ?

Pas du tout. Il est hors de question de revenir en arrière, au contraire, il faut l’approfondir. Aucun candidat à la présidentielle ne le demande d’ailleurs, hormis le FN, qui est sur ce point sur la même ligne que le Snesup en défendant une gestion étatique des universités.

Je suis partisan d’augmenter l’autonomie également concernant les cursus. Nous ne sommes pas assez réactifs là-dessus, il faut attendre l’AERES tous les quatre ans. Ce serait d'ailleurs un moyen d'endiguer l’inflation des licences : si les établissements étaient plus responsables de leur carte de formation, ils n’en feraient peut-être pas autant.

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Son interview : "Il ne faut pas un pilotage dirigiste du ministère" (mai 2010)
L'interview de son successeur à la tête de l'UPMC, Maurice Renard : "Président d'université par intérim, c'est un peu frustrant"

- La newsletter du 15 décembre 2011 de la CPU (Conférence des présidents d'université) : "Des universités bien gérées "
- La réaction de Pierre Dubois, blogueur EducPros, dans un billet intitulé également : “Des universités bien gérées”

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Propos recueillis par Camille Stromboni | Publié le