J-F. Verdier (DGAFP) : «La fonction publique n’a pas assez de contacts avec l'enseignement supérieur»

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J-F. Verdier (DGAFP) : «La fonction publique n’a pas assez de contacts avec l'enseignement supérieur»
Jean-François Verdier // © 
Jean-François Verdier dirige, depuis 2009, la DGAFP (Direction générale de l’administration et de la fonction publique). Le manque d’appétence des jeunes diplômés pour les carrières administratives le préoccupe. Son souci ? Attirer les talents – comme toute marque employeur – vers des métiers méconnus ou dévalorisés dans les fictions.

Les jeunes sont-ils moins nombreux à postuler dans la fonction publique ?

Nous sommes en période de crise économique et nous devrions constater un afflux de candidats, comme ce fut le cas au début des années 2000. Or, depuis 2008, le nombre de candidats est stable, voire à la baisse pour certains concours. Quand on interroge les diplômés, on constate que la fonction publique a une image assez négative : la hiérarchie est considérée comme pesante, les initiatives personnelles non prises en compte… Surtout, la plupart des professions sont inconnues car les concours administratifs qui y mènent ne permettent pas de les identifier. Les campagnes de recrutement se focalisent sur les mêmes métiers : la sécurité, la justice, l’Éducation nationale. Jamais sur les fonctions financières, juridiques, économiques. J’aimerais avoir les moyens de montrer, dans un spot télé par exemple, un jeune devant quatre ordinateurs toute la journée, exactement comme un trader, qui expliquerait qu’il travaille pour le ministère de l’Économie.

Les salaires ne constituent-ils pas un frein ?

Les jeunes rencontrés lors des forums de recrutement s’étonnent d’apprendre qu’au ministère de l’Économie et des Finances, un cadre débutant, âgé de moins de 30 ans, qui a réussi un concours de catégorie A, perçoit un salaire net mensuel de 2.500 à 2.700 €. Après quelques années d’expérience, le salaire moyen net mensuel d’un administrateur atteint 3.700 €. À la sortie de l’ENA, les salaires varient entre 3.500 et 4.000 €. Quand on regarde l’intégralité de la rémunération d’un fonctionnaire – primes comprises –, nous sommes compétitifs avec le secteur privé. Le seul problème reste le coût du logement : les indemnités de résidence ne permettent pas toujours de compenser les disparités entre les villes.

Les valeurs de la fonction publique correspondent-elles aux valeurs de la génération Y ?

La sécurité de l’emploi n’est plus un critère de motivation. Mais nous avons d’autres arguments qui peuvent séduire la génération Y : une large palette de métiers dans tous les domaines, la possibilité de changer plusieurs fois de carrière ou encore une mobilité géographique, en France et en Europe. Pour mieux communiquer vers les jeunes diplômés, il faudrait positionner la fonction publique comme marque employeur. Nous avons déjà un business game : le Challenge Administration [voir encadré]. Mais notre présence sur les réseaux sociaux devrait être bien plus considérable.

«Quand on regarde l’intégralité de la rémunération d’un fonctionnaire – primes comprises –, nous sommes compétitifs avec le secteur privé»


La fonction publique est-elle assez accessible et ouverte à tous les profils d’étudiants ?

Nous n’avons pas assez de contacts avec les grandes écoles et les universités. Et pourtant, 35.000 postes environ par an sont à pourvoir dans la fonction publique d’État. Nos concours sont connus essentiellement des étudiants en droit ou en sciences politiques. Alors que nous accueillons des stagiaires de tous horizons : environ 20.000 par an [y compris les stages de découverte des collégiens]. Un des leviers pour élargir le recrutement sont les classes préparatoires intégrées, de plus en plus nombreuses depuis leur création en 2009. Elles sélectionnent des jeunes d’origine modeste, diplômés du supérieur, pour les préparer en un an aux épreuves des concours les plus sélectifs. Les résultats sont probants et surtout ces jeunes fonctionnaires, qui ont pu bénéficier du service public avant d’en faire partie, ont un vrai sens de l’engagement lorsqu’ils postulent.

Les séries télé qui montrent des fonctionnaires ont-elles un impact sur les jeunes ?

C’est indéniable. On nous demande très souvent si les métiers correspondent à ce qui est montré dans les films ou les téléfilms. Mais ces séries ne concernent que très peu de métiers [professeur, policier, pompier…]. Et n’en donnent pas toujours une image très positive. Un professeur confronté à des collégiens difficiles ne donne pas envie de s’identifier à lui. C’est moins le cas pour les professeurs des écoles, mieux valorisés que leurs collègues du secondaire. Autre exemple, le corps préfectoral est très souvent ridiculisé. Le préfet, dans une fiction, c’est celui qui obéit de façon borné à des ordres venus d’en haut. Dans ces conditions, comment voulez-vous attirer les talents ?


Challenge Administration : le «business game» de la fonction publique

Le Challenge Administration est un concours organisé tous les ans par le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique. La quatrième édition a été lancée le 15 novembre 2012 et les étudiants ont jusqu’au 31 décembre pour s’inscrire, par équipes de deux ou trois. Il est ouvert aux élèves des écoles d’ingénieurs, de commerce, d’audiovisuel, d’informatique ou inscrits à l’université. Leur mission ? Imaginer l’administration de demain en proposant des projets de modernisation de l’action publique. L’an dernier, plus de 100 projets ont été déposés, dont plus de la moitié associent nouvelles technologies et administration.

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