Enseignement à distance : les universités montent en ligne

Céline Authemayou Publié le
Enseignement à distance : les universités montent en ligne
Depuis avril 2017, l'enseignement à distance est reconnu comme une forme d'enseignement à part entière. // ©  plainpicture/Blend Images/Hill Street Studios
Absorption de la hausse du nombre d’étudiants, ouverture de l’enseignement supérieur à de nouveaux publics... Pour Jean-Marc Meunier, président de la Fédération interuniversitaire de l’enseignement à distance, cette modalité d’apprentissage est vouée à se développer au sein des universités. Entretien.

La FIED (Fédération interuniversitaire de l’enseignement à distance) a fêté ses 30 ans fin 2017. Pourquoi a-t-elle été créée ?

La FIED (Fédération interuniversitaire de l’enseignement à distance) a été créée à l’initiative du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur de l’époque. L’objectif était que la France soit représentée au sein du bureau de l’association européenne des universités à distance, créée en 1987. Il fallait pouvoir se faire entendre.

Jean-Marc Meunier, président de la FIED
Jean-Marc Meunier, président de la FIED © Photo fournie par le témoine

Aujourd’hui, une trentaine d'universités, ainsi que quelques Comue, sont regroupées au sein de la FIED. La plupart disposent d’un centre d’enseignement à distance, d’autres proposent simplement quelques formations. Mais le point commun de toute notre offre est de proposer des formations diplômantes. C’est notamment l’un des points qui nous différencie d'avec la plate-forme FUN (France université numérique).

L’enseignement à distance français a cette particularité d’être portée par les universités plutôt que par une seule structure nationale. Pourquoi ?

Cela relève d’un choix politique. En Europe, c’est plutôt le schéma de l’open university [université à distance], créée de toutes pièces, qui prédomine, à l’image du modèle espagnol ou anglais. Mais dans les années 1990, en France, les événements de mai 68 avaient encore une résonance, et l’idée de concevoir une nouvelle université qui viendrait concurrencer les autres était difficilement tenable. D’autant plus que certaines s’étaient déjà lancées dans l’aventure de l’enseignement à distance, dès les années 1970. L’université de Franche-Comté, l’université de Bourgogne, Paris 8 comptent ainsi parmi les pionnières.

Le modèle français étonne, de notre habitude de mettre en réseau nos universités.

De fait, le modèle français étonne nos confrères européens, de par son éparpillement et notre habitude de mettre en réseau nos universités. C’est vrai avec la production de Mooc, avec les UNT (universités numériques thématiques)... Les réseaux d’établissements sont à la manœuvre, tout en conservant leur autonomie.

Au niveau national, le Cned ne remplit-il pas cette mission ?

Le Cned est un bien un opérateur national pour l’enseignement à distance dans le secondaire, mais pas pour l'enseignement supérieur où les universités ont le monopole de la délivrance des grades. Le Cned collabore cependant avec de nombreuses universités pour les aider à mettre en place leur formation.

Avec l’évolution des outils pédagogiques et l’avènement du numérique, en trente ans, l’enseignement à distance a dû beaucoup évoluer.

Dans les années 1990, l’ordinateur personnel en était à ses balbutiements et Internet n’était pas encore utilisé par le grand public. Il fallait envoyer les documents aux étudiants par courrier, ouvrir des permanences téléphoniques, organiser des rencontres pour échanger…

Depuis, les outils ont évolué, mais la question reste finalement la même : comment assurer une formation à distance de qualité, qui ne soit pas simplement un dépôt de document assorti de quelques exercices ? Il faut arriver à engager l’étudiant, à l’accompagner dans sa formation. La distance est une contrainte, en matière d’organisation du travail notamment. Il faut donc trouver des moyens de minimiser ces obstacles. Cela passe par de nouveaux outils, tels que les forums, les foires à questions, les documents consultables de jour comme de nuit, etc.

Pour l’heure, la contrainte pèse toujours sur les examens, qui nécessitent encore la venue des étudiants sur les campus…

La quasi-majorité des universités demandent effectivement à leurs étudiants de se déplacer pour les sessions d’examens. C’est un sujet sur lequel nous travaillons. Des expérimentations de télésurveillance des épreuves sont menées, à l’université de Caen et à Sorbonne université (ex UPMC). Tout ceci pose des questions techniques et réglementaires.

Plus largement, le développement de l’enseignement à distance remet en question le cadre du métier d’enseignant. Aujourd’hui, ce sont les heures de cours face aux étudiants qui sont comptabilisées. Il faut trouver d’autres modes de calcul...

L’évolution du Code de l’éducation, intervenue en avril 2017 via un décret d’application de la loi pour une République numérique, peut-elle simplifier ces démarches ?

Ce décret instaure ce qui était attendu depuis très longtemps : l’enseignement à distance est désormais reconnu comme une forme d'enseignement à part entière et n’a donc plus besoin d’avoir son pendant en présentiel.

En conséquence, l’offre de formation des universités va progressivement se renouveler, au rythme des contrats quinquennaux. Des initiatives sont déjà menées. À Aix-Marseille, l’université mène une réflexion importante pour refondre son offre de formation avec une hybridation des cursus, mêlant présentiel et distance. Cette mixité est encore relativement rare dans le paysage français, mais elle est vouée à se développer.

Les enseignements à distance et en présentiel semblent donc devenir complémentaires plutôt que concurrents ?

Sous la pression du nombre d’inscrits à l’université, l’enseignement à distance sera certainement être sollicité. À cela s'ajoutent l’arrivée de nouvelles formes de pédagogie et le besoin pour de nombreux étudiants-salariés de disposer d’un emploi du temps aménagé : la modalité à distance ouvre des perspectives intéressantes.

Sous la pression du nombre d’inscrits à l’université, l’enseignement à distance sera certainement sollicité.

Autre aspect essentiel, l’internationalisation de l’enseignement supérieur. Internet élargit le champ des possibles et certains collègues ont déjà commencé à explorer cette piste, en permettant par exemple à leurs étudiants de suivre à distance des cours d’autres universités.

L’enseignement à distance coûte-t-il plus cher que l’enseignement en présentiel ?

C’est une question qui revient très souvent ! Si l’on s’en tient aux budgets de fonctionnements, on serait tenté de dire : oui, cela coûte cher. Mais il faut aller chercher un peu plus loin les points de comparaison.

Avec l’enseignement à distance, on peut avoir une augmentation assez significative du nombre d’étudiants sans coûts supplémentaires. Une fois qu’un support est développé, les enseignants peuvent le réutiliser pour dédoubler les cours. La question essentielle est la suivante : comment utiliser l’enseignement à distance pour répondre de façon intelligente à la massification de l’enseignement supérieur ? De ce point de vue, quand on sait ce que peut coûter la construction d’un bâtiment, l’EAD peut être une modalité plus économique. Mais tout cela relève de choix stratégiques !


Service dédié ou non ?

Si la plupart des universités à la pointe de l’enseignement à distance avaient créé un service dédié, certaines d’entre elles font marche arrière en réintégrant au sein de leur service formation ce pan de leur activité. "C’est un paradoxe, commente Jean-Marc Meunier. Alors que l’offre se structure, les universités renoncent à leur centre dédié. Ce qui pose plusieurs questions, notamment en terme de pilotage de cette offre à distance."

Céline Authemayou | Publié le