Jean-Marie Charon : "Avec ce partenariat avec Google, l’école de journalisme de Sciences po raisonne à courte vue"

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
L’école de journalisme de Sciences po a annoncé le 26 mai,  la signature d’un partenariat avec Google  portant sur la création d’un prix de l’innovation en journalisme, la dotation d‘une bourse de journalisme entrepreneur,  l'attribution de bourses de mérite et la délivrance de cours sur le référencement. Jean-Marie Charon, sociologue des médias à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales) réagit à ce qui ressemble à une première dans le monde des écoles de journalisme.

Que vous inspire le partenariat que vient de signer l’école de journalisme de Science po  avec Google ?

Non seulement Google est en position de quasi-monopole en France mais en plus l’entreprise refuse de partager les revenus issus d’internet. Dans le bras de fer actuel entre les fournisseurs de contenus et les agrégateurs comme Google, Sciences po se positionne donc du côté de l’agrégateur comme si cette position était sans importance. Mais ce raisonnement est à courte vue. Car le refus de Google de partager les revenus contribue à affaiblir le modèle économique des fournisseurs de contenu. En bout de chaîne, ces derniers n’auront pas les moyens de fournir une information de qualité. En plus, Google profite de ce partenariat pour se redonner une bonne image alors que l’entreprise est aux prises avec de multiples procès.

Google va également assurer une formation au référencement…

C’est également problématique. Traiter directement avec l’opérateur revient à dire aux étudiants qu’ils n’ont pas à prendre du recul sur les moteurs de recherche et leur mode de fonctionnement. Au contraire, il serait très utile que les étudiants en journalisme savent comment fonctionnent les algoritmes utilisés par Google. Je pense notamment aux travaux de Franck Rebillard sur ces questions d’agrégats. Devant un outil de référencement que tout le monde utilise, et qui comporte des défauts, il faudrait plutôt en expliquer les limites. Car la logique marketing interfère de plus en plus dans le traitement de l’information.

Plus généralement, comment les écoles de journalisme forment-elles leurs étudiants aux nouveaux outils liés à internet ?

Leur difficulté est d’être confrontée à un secteur qui évolue très vite. Ce sont des petits établissements en terme de budgets et de moyens qui sont obligés de faire de gros investissements dans un matériel qui se déprécie très vite. Ces écoles sont régulièrement confrontées à des difficultés financières. Et la prospérité des écoles dépend aussi de celle du secteur. Quand les entreprises de presse sont fragilisées, cela se répercute forcément sur le secteur de la formation.

Propos recueillis par Mathieu Oui | Publié le