Jeunes enseignants : des vocations et des doutes selon l’enquête du Se-Unsa

Fabienne Guimont Publié le
Comment les jeunes enseignants (moins de 35 ans) perçoivent leur métier, leur avenir et le système éducatif ? Les réponses à la dernière enquête du Se-Unsa menée auprès des enseignants du premier et du second degré dressent le tableau d’une génération d’acteurs motivés par leur métier mais frustrés par un système qui ne tient plus ses promesses.

Vous avez dit malaise des enseignants ? Trois quarts des moins de 35 ans qui ont répondu à l’enquête du Se-Unsa, disent « s’éclater » dans leur métier malgré des horaires de plus de 40 heures hebdomadaires déclarés (pour deux tiers d’entre eux).

En revanche, cette vocation semble déjà donner des signes de faiblesse. Ils sont 45% à ne pas se voir exercer ce métier jusqu’à leur retraite et la moitié souhaiterait entamer une seconde carrière dans l’Education nationale. Le besoin de mobilité est donc très fort, sachant que 35% d’entre eux ont déjà effectué un autre métier avant d’embrasser la carrière enseignante. « A 30 ans, ils songent déjà à une seconde carrière, ils sont attachés à la mobilité à l’intérieur de la fonction publique mais l’administration ne sait pas gérer », analyse Nathalie Meyer, conseillère technique en charge de la formation au syndicat. Si deux tiers déclarent ne pas être satisfaits de leur formation professionnelle, ils sont 82% à dénoncer la gestion des ressources humaines de leur ministère. Les trois situations professionnelles les plus stressantes sont pour ces enseignants l’inspection, la mutation et l’accueil d’un élève handicapé.

L’école et l’égalité des chances : un vieux rêve ?

Ces jeunes enseignants portent « un regard lucide et critique sur le système éducatif » selon le syndicat. Pour eux, si l’école est efficiente pour « transmettre des connaissances », « extraire les meilleurs » ou « former des citoyens », ils lui font beaucoup moins confiance pour « garantir l’égalité des chances », « orienter les élèves » ou « préparer à l’insertion professionnelle ». Aveu de cet échec : 44% déclarent ne pas savoir faire progresser un élève en difficulté et 90% ne pas être formés à accueillir un élève handicapé.

« Nos jeunes collègues s’interrogent sur le sens de leur métier. Ils ont bien compris que le système donnait de la connaissance mais qu’il était là pour trier. Le cœur du métier qui est de faire progresser les élèves ou ceux qui sont le plus en difficulté n’est pas possible. Ils ne sont pas non plus aussi bardés de certitudes que leurs aînés et remettent en cause leurs pratiques », affirme Joël Péhau, secrétaire national chargé des jeunes enseignants. Ainsi le clivage est très fort entre ceux qui pensent qu’attribuer des notes est nécessaire (48%) et ceux pensent le contraire (46%). En revanche, le travail en équipe est plébiscité.

Le supplice de Tentale

« Pour le métier, cela demeure une chance que les jeunes viennent par vocation, c’est un choix positif. Mais ce qui nous a le plus surpris, c’est le grand écart entre ces jeunes qui disent s’éclater et le mur d’infaisabilité auquel ils se heurtent. C’est le supplice de Tentale : ils savent vers quoi ils veulent aller, mais c’est impossible d’y parvenir : ils annoncent le gâchis en vue », analyse Christian Chevalier, secrétaire général au Se-Unsa.

Les places laissées vacantes aux concours en sont peut-être un signe : « la garantie de l’emploi n’est plus un produit d’appel pour les jeunes alors qu’en temps de crise les candidats aux concours de la fonction publique étaient d’habitude plus nombreux ». La mastérisation est aussi passée par là.

Près de 5000 réponses
Cette enquête a été réalisée par le SE-Unsa du 14 avril au 20 septembre 2011. 4898 réponses ont été recueillies par Internet auprès d’un public d’enseignants et de personnels d’éducation. 80% des répondants sont des femmes, 85% ont moins de 35 ans. La moitié exerce en milieu rural, l’autre moitié en milieu urbain.

Fabienne Guimont | Publié le