Julien Blanchet (FAGE) : "Une vraie réflexion doit être engagée sur la pédagogie en licence"

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier et Emmanuel Vaillant Publié le
Suite de notre série d’entretiens avec les leaders des organisations étudiantes : Julien Blanchet, nouveau président de la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), deuxième organisation étudiante avec 3 élus au CNESER et 3 élus au CNOUS, livre ses impressions de rentrée face au nouveau gouvernement à quelques semaines des élections aux CROUS.


Dans quel état d’esprit êtes-vous à l'occasion de ces Assises de l'Enseignement supérieur et de la Recherche?

Nous sommes inquiets et interrogatifs. Inquiets parce que la situation des jeunes s’aggrave qu’il s’agisse de leurs conditions de vie ou de leurs difficultés d’insertion. Et interrogatifs car on ne sait pas où veut aller la ministre. Nous sommes dans le flou et en plus, maintenant, il faut aller vite ! Il semble qu’il n’y ait pas de pilote. On nous rassure en nous disant qu'il y a un processus de concertation dans lequel chacun doit s’exprimer, que tout va bien… Nous répondons : non, tout ne va pas bien !


Sur le fond des dossiers, et d’abord sur les conditions de vie étudiante, la proposition du gouvernement de remise à plat des aides sociales ne répond-elle pas aux attentes de la FAGE ?

"Nous insistons pour que les critères sociaux soient maintenus dans le calcul des bourses"

Oui, sur les aides sociales, nous sommes plutôt satisfaits puisque la ministre semble reprendre notre proposition d’aide globale d’indépendance. Cela consisterait en une refonte du système sous critères de ressources en prenant en compte la situation familiale de l’étudiant avec des cas particuliers pour ceux qui sont en situation de rupture familiale. Seulement ce qu’on regrette un peu c’est que la ministre fasse plaisir à une autre organisation étudiante [ndlr : l’UNEF] en parlant d’allocation d’autonomie. Ce n’est pas très honnête et ça participe au flou. Car l’aide globale d’indépendance n’est pas une allocation universelle qui serait socialement injuste en donnant la même somme à tout le monde. Nous insistons pour que les critères sociaux soient maintenus dans le calcul des bourses ! Là-dessus nous ne transigerons pas, d’autant plus que cette aide globale d’indépendance est finançable.



Sur quel autre point lié à la vie étudiante ne transigerez-vous pas ?

L’autre sujet qui nous semble prioritaire ce sont les CROUS. Il faut les renforcer. Ils sont notamment menacés par les collectivités territoriales et par les universités qui voudraient bien récupérer la gestion des logements universitaires. Les CROUS doivent rester le guichet unique des aides sociales en France. A ce propos, il est temps de mettre fin à l’exception des bourses des formations sanitaires et sociales qui sont encore gérées par les régions. LeS CROUS doivent être l’opérateur unique pour garantir une équivalence de traitement. Nous souhaitons aussi que la médecine préventive soit gérée par les CROUS et non plus par les universités.


Concernant la réussite étudiante, partagez-vous le constat de la ministre sur l’échec du Plan réussite en licence ?

"Il faut dire notamment aux IUT que ce ne sont pas des classes prépas"

Le taux de réussite en licence qui est en baisse est à mettre en parallèle avec le fait que des bacs pros et des bacs technos se retrouvent à l’université faute d’avoir trouvé une place dans les filières qu’ils souhaitaient, notamment les BTS et les IUT. Il ne s’agit pas de mettre en place des quotas. Seulement il faut dire notamment aux IUT que ce ne sont pas des classes prépas. Ils doivent davantage recruter sur un profil de projet professionnel plutôt que sur critères académiques. Remettre les IUT à leur place c’est sortir de la logique de prépa et rappeler que ces formations courtes assurent une insertion en deux ans, même si des poursuites d’études sont toujours possibles. En ce sens les IUT sont le symbole de l’échec de la sélection à l’entrée de l’université.


Faut-il remettre à plat le plan Réussite en Licence ?

Non. Si la ministre a raison de critiquer le bilan du précédent gouvernement qui est plutôt négatif, notamment sur les questions de vie étudiante, nous souhaitons que tout ne soit pas détricoté. Des dispositifs sur la licence ont été mis en place, tout n’est pas mauvais. Ce n’est pas parce que les financements ont été donnés par un gouvernement d’une autre couleur politique que ce qui a été fait par les établissements est mauvais. Il faut faire une évaluation et qu’on en tire les conclusions sans crainte de dire : ça n’a pas marché, on arrête. L’accompagnement individualisé, c’est bien mais évaluons ce qui fonctionne ou pas. Aussi, une vraie réflexion devrait être engagée sur la pédagogie en licence, par exemple sur le maintien des cours magistraux qui ne sont plus adaptés et qui participent au décrochage.


Quels autres chantiers vous semblent prioritaires ?

"L’offre de diplômes des masters a explosé et les étudiants ne s’y retrouvent pas"

Aujourd’hui la priorité devrait être donnée aux masters. C’est urgent. L’offre de diplômes des masters a explosé et les étudiants ne s’y retrouvent pas. Il faut rappeler qu’un établissement qui augmente son offre de formations en master n’attire pas plus d’étudiants. Au contraire car c’est illisible.

Aussi, il n’est pas normal que les filles qui sont majoritaires en licence se retrouvent minoritaires en master. De même, la sélection sociale qui s’accroît pose une vraie problématique sur la démocratisation de l’enseignement supérieur. Par ailleurs, la situation des doctorants qui sont des étudiants avant d’être des chercheurs doit être un autre priorité. Personne ne s’en occupe alors que leurs conditions sociales est préoccupante.


Tous ces sujets vont justement faire l’objet de discussions aux Assises. De quoi vous rassurer, non?

Il y a certes une vraie volonté de la part du ministère d’aborder tous les sujets. Maintenant il nous tarde d’arriver dans les négociations avec les différentes organisations représentatives. Or, comme le rapport [ndlr : rapport du comité de pilotage des Assises] est rendu mi-décembre et que la loi est censée être écrite pour janvier, on se demande quand auront lieu ces négociations.


Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier et Emmanuel Vaillant | Publié le