La communauté des chercheurs sceptique après les annonces de Nicolas Hulot

Catherine de Coppet - Mis à jour le
La communauté des chercheurs sceptique après les annonces de Nicolas Hulot
Nicolas Hulot entend créer toutes les conditions pour faciliter l'accueil des chercheurs, grâce à un site Internet dédié. // ©  Hamilton / R.E.A
Après l'appel lancé par Emmanuel Macron, le 1er juin, aux chercheurs menacés par la politique de Donald Trump, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, a annoncé mardi 6 juin la création d'un site Internet pour "faciliter [leur] l'accueil". Ce qui suscite un certain scepticisme dans la communauté scientifique de France.

Une feuille de route d'ici à la fin juin pour établir le programme de la "transition écologique" et ... un site Internet, à destination des chercheurs étrangers, notamment américains, pour les aider à intégrer des programmes de recherche français dans le domaine du climat et des nouvelles technologies.

C'est ce qui a été annoncé, mardi 6 juin, par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, à l'issue d'une réunion à l'Élysée incluant Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, ainsi qu'une vingtaine de personnalités issues d'ONG ou du monde de la recherche. 

Cette annonce intervient quelques jours après la prise de parole d'Emmanuel Macron à l'attention du président américain Donald Trump, en réaction à sa décision de sortir de l'accord de Paris sur le climat. 

"Est-il prévu de leur donner des moyens ?"

Selon Nicolas Hulot, ce site permettrait de "créer toutes les conditions pour faciliter l'accueil de ces chercheurs, dont nos propres chercheurs qui se sont exilés, pour qu'ils puissent venir nourrir la recherche fondamentale et appliquée dans ces sujets".

En attendant d'éventuelles précisions sur les contours que pourraient prendre cette initiative, les réactions de la communauté scientifique en France n'ont pas tardé. En particulier sur Twitter, où plusieurs chercheurs ou anonymes ont exprimé leur scepticisme face à une telle annonce, la mettant en regard des conditions difficiles de la recherche en France.

"C'est la première annonce de l'exécutif concernant la recherche", souligne au nom du comité organisateur de la Marche pour les sciences française Olivier Berné, astrophysicien et chargé de recherche au CNRS et à l'IRAP. "Elle n'est pas du tout à la hauteur de l'enjeu – la recherche sur le climat , ni de la demande de la communauté scientifique en France, qui déplore les conditions matérielles et la précarité de l'emploi des chercheurs !"

Beaucoup dénoncent l'importance de la communication au niveau de l'exécutif, et attendent d'en savoir plus sur les axes de la politique de l'ESR du nouveau quinquennat. "Il y a eu un effet d'annonce après le discours du 1er juin du président. Mais personnellement, j'ai l'impression que le sujet n'a pas été préparé. D'ailleurs, sur un plan juridique, l'existence d'un tel site Internet s'adressant spécifiquement aux chercheurs venus des États-Unis pose question", poursuit Olivier Berné.

"La solidarité scientifique existe déjà"

Cette initiative n'est pas sans rappeler un autre dispositif, qui s'adresse quant à lui aux scientifiques "en danger". PAUSE, pour Programme d'aide à l'accueil en urgence des scientifiques en exil, a été mis en place par le gouvernement précédent : il permet l'accueil, dans des universités et centres de recherche français, de chercheurs dans des situations d'urgence. 

"Le dispositif PAUSE doit être salué, mais évidemment il est difficile de mettre sur un même plan des personnes qui fuient une dictature, et celles qui travaillent aux États-Unis", souligne Olivier Berné. "La solidarité scientifique existe déjà, et la coopération internationale entre chercheurs pour le partage de la connaissance est une réalité qui dépasse les décisions gouvernementales."

Un budget spécifique de 30 millions d'euros
Ouvert le jeudi 8 juin 2017, le site Internet annoncé par Nicolas Hulot s'adresse, en anglais, aux chercheurs mais aussi aux étudiants, entrepreneurs et membres d'ONG potentiellement intéressés par le fait de venir en France. Tous les pays sont représentés dans le menu déroulant à disposition de l'utilisateur du site, y compris la France. Un site assez sommaire, aux couleurs voyantes, présenté comme "une initiative du président Emmanuel Macron", qui a coûté entre 20.000 et 22.000 euros.

Pour les chercheurs et enseignants, après trois cases à remplir librement ("Je lutte contre le changement climatique parce que...", "Je travaille sur...", "Mon rêve est de...") et une brève présentation de la France et de sa recherche (intitulée "Votre nouvelle patrie"), le parcours du site permet d'accéder à une liste d'établissements universitaires et organismes de recherche, non exhaustive.

En termes de moyens financiers, le site indique la mise à disposition de bourses de recherche d'une durée de quatre ans, pour un budget de 1,5 million d'euros pour un chercheur "senior" et de 1 million d'euros pour un chercheur "junior". Un budget incluant "le salaire du chercheur, celui de deux personnels, de deux étudiants ainsi que les frais de fonctionnement".

La ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation Frédérique Vidal a indiqué ce jeudi 15 juin sur France Culture que le montant débloqué pour ce dispositif "à destination des chercheurs internationaux" serait de 30 millions d'euros "en extra-budgétaire". Un programme piloté par le CNRS et l'ANR "pour la partie opérationnelle", avec pour but d'attirer des chercheurs. "L'Allemagne est prête à nous suivre sur cette question de l'accueil de chercheurs", a indiqué la ministre.

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