La crise du Covid-19 fait durablement bouger les lignes de la sélection post-bac

Élodie Auffray Publié le
La crise du Covid-19 fait durablement bouger les lignes de la sélection post-bac
La crise sanitaire oblige les établissements à revoir leurs modalités de sélection post-bac. // ©  DEEPOL by plainpicture/Sam Edwards
Après avoir testé des modalités de sélection post-bac dématérialisées pendant le confinement, plusieurs formations ont choisi de les adopter définitivement, y voyant plusieurs avantages : réduction des coûts pour les candidats, meilleure appréciation des profils, etc.

Des écrits remplacés par une étude de dossier, des oraux à distance... Au printemps 2020, le confinement a contraint nombre de formations post-bac sélectives à chambouler leurs épreuves, dans l'urgence. Certaines ont décidé de pérenniser tout ou partie de ces expérimentations dématérialisées.

Ainsi, Sciences po Paris, qui avait annoncé dès 2019 la suppression de son écrit au profit d'un dossier, a également confirmé que l'entretien se déroulerait désormais systématiquement par visioconférence. "Cette modalité ne faisait pas l'unanimité, mais la crise sanitaire nous a permis de la tester, de nous rassurer et de la valider. Tous les examinateurs ont constaté des échanges de qualité, plus apaisés. Les candidats se sentaient bien, dans un endroit qu'ils avaient choisi, sans le stress du transport", explique Gabriela Crouzet, directrice des admissions.

La crise comme catalyseur

Autre exemple : le concours Advance, commun à quatre écoles d'ingénieurs, remplace ses épreuves écrites par un examen du dossier Parcoursup (notes, appréciations...), complété par trois oraux de matières et un de motivation. "La crise a été un catalyseur : elle nous a non seulement montré qu'une étude approfondie du dossier était possible, mais aussi très éclairante. Jamais on n'aurait fait cet effort sans la crise du Covid", souligne Fabrice Bardèche, directeur général de Ionis Education Group, pour qui la fin de l'écrit à Sciences po Paris a aussi aidé à "franchir le pas".

Le réseau des écoles de gestion et de commerce (EGC, 22 campus) a également choisi de zapper l'écrit, pour le combo dossier-oral. "La crise nous a permis de concrétiser ce qu'on voulait déjà faire évoluer", relève Sandrine Lacombe, directrice de la communication du réseau. Car, dans plusieurs cas, la crise du Covid-19 n'a fait qu'accélérer un mouvement déjà enclenché. Jugé "un peu dépassé", l'écrit de l'EGC était "sur la sellette", informe Sandrine Lacombe : "Il n'apportait pas d'éléments supplémentaires, on retombait sur les mêmes résultats que ceux du dossier, très révélateur."

"On se posait déjà la question de l'écrit, qui est très vulnérable à l'état de forme et de stress du candidat ce jour-là", fait aussi valoir Fabrice Bardèche. De plus, selon lui, le calendrier serré de Parcoursup "ne permet pas de mettre en place des épreuves fouillées, elles sont un peu trop mécaniques". Alors que le dossier scolaire, lui, "reflète les performances dans la durée et montre les qualités d'obstination, de résilience... Son étude approfondie nous apporte beaucoup plus d'informations et permet une approche plus humaine."

Réflexions dans le paramédical et aux beaux-arts

D'autres filières sont en cours de réflexion à ce sujet, comme les formations paramédicales, qui ont déjà vu leurs modalités de sélection chamboulées avec leur entrée sur Parcoursup. "Elles attendent d'avoir un regard sur la nouvelle promotion", relate Florence Girard, présidente de l'Association nationale des directeurs d'écoles paramédicales (Andep).

Déjà, les 26 instituts de formation en ergothérapie, qui bénéficiaient d'une dérogation pour organiser un concours jusqu'en 2023, y ont tous renoncé après le confinement. "L'écrit était voué à disparaître, ça a juste accéléré les choses. Refaire un concours, avec la réforme du bac à prendre en compte et les incertitudes qui pèsent encore sur l'année à venir, c'était trop compliqué", résume Nicolas Biard, de l'Association française des ergothérapeutes.

De même, parmi les écoles des beaux-arts, qui organisent traditionnellement de copieux concours, "certaines s'interrogent, sans avoir arrêté les choses, indique Maud Le Garzic Vieira Contim, coordinatrice de l'Association nationale des écoles supérieures d'art (Andéa). Pour les épreuves écrites comme l'anglais ou la culture générale, certaines écoles se posent la question de maintenir, hors pandémie, un fonctionnement à distance."

Une question d'égalité des chances

A l'école supérieure d'art et de design de Marseille, la sélection sur dossier, qui a remplacé le concours cette année, a été "appréciée par les professeurs, qui ont eu plus de temps", relaye le directeur Pierre Oudart. Il compte proposer de sceller la fin de l'écrit au profit du dossier, doublé d'un oral.

Sa principale préoccupation : épargner aux familles le "coût effarant" des concours, qui engendrent frais de déplacement, de logement... "Il faut arrêter cette présélection économique, que seuls les plus aisés peuvent offrir à leurs enfants", défend-il. C'est aussi "l'égalité des chances" qui a poussé Sciences po Paris vers la dématérialisation.

Plus simples pour les candidats, ces nouvelles modalités ne le sont pas forcément pour les établissements. "Organiser des entretiens à distance est quasiment plus compliqué : il faut paramétrer le logiciel, générer un lien pour chacun, vérifier que tous disposent de bonnes conditions techniques...", souligne Gabriela Crouzet. Quant à l'étude des dossiers, elle "prend du temps, c'est une vraie analyse", avance Fabrice Bardèche, du concours Advance, qui balaie l'idée d'une sélection au rabais : "C'est exactement le contraire, ça complexifie le processus."

Élodie Auffray | Publié le