Former à l’entrepreneuriat : la nouvelle tendance dans les écoles d’ingénieurs

Sophie Blitman Publié le
Former à l’entrepreneuriat : la nouvelle tendance dans les écoles d’ingénieurs
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Les écoles d’ingénieurs sont de plus en plus nombreuses à proposer des cours, et même parfois des filières, spécifiquement dédiés à l’entrepreneuriat. Au programme : gestion de projet, management, élaboration d’un business plan, propriété industrielle… Ces formations suivent le double objectif de susciter la création d’entreprise et de développer un état d’esprit différent chez les étudiants.

Alors que la France est souvent stigmatisée comme un pays où manque l’envie d’entreprendre, les écoles d’ingénieurs – comme les écoles de commerce et de management – ont réagi ces dernières années pour contrer cette tendance. Aujourd’hui, 26% des ingénieurs de moins de 30 ans ont reçu une préparation à l’entrepreneuriat, contre 13,6% en moyenne toutes générations confondues, d’après l’enquête 2011 des Ingénieurs et scientifiques de France. Une évolution qui témoigne de la volonté des écoles de répondre à une demande de plus en plus forte des étudiants, en les accompagnant sur le chemin de l’entrepreneuriat.

C’est ainsi que SupOptique propose à ses élèves une option, dans le cadre du programme européen YEP ( em>Young Enterprise Project), qui vise à leur faire découvrir les différentes étapes de la vie d’une nouvelle entreprise, de manière accélérée : définition d’un concept, étude de marché, fabrication du produit, levée d’un capital de 1.000 €, constitution d’une société, vente et commercialisation du produit, et enfin clôture de l’entreprise.

Des miniprojets inventifs voient alors le jour comme cette guirlande lumineuse dont les ampoules clignotent au rythme de la musique ambiante, ou cette boule qui calcule automatiquement l’angle nécessaire pour découper un gâteau en un nombre de parts impaires, et trace des rayons qu’il suffit de suivre avec le couteau !
En dernière année, les élèves de SupOptique peuvent aussi rejoindre la Filière Innovation Entrepreneur (FIE), et travailler sur un projet de création d’entreprise. Créé en 2006, ce parcours spécifique accueille chaque année une vingtaine d’élèves, soit environ 15% de la promotion. Encadrés par un ingénieur, un enseignant-chercheur et un entrepreneur, ils doivent «réaliser un objet technologique pour le marché». Autrement dit, un produit qui soit techniquement réalisable et économiquement viable.

Les cours dédiés à l’entrepreneuriat permettent d’élargir le champ de vision des élèves

Développer de nouvelles compétences

À l’INSA Lyon, c’est au sein de la filière Ingénieurs Entreprendre que les élèves de dernière année peuvent faire mûrir un projet de création d’entreprise qui remplace le traditionnel projet de fin d’études. Des intervenants majoritairement composés d’industriels viennent dispenser 180 heures de cours, organisés autour de trois mots clés : oser, imaginer et manager. «Les élèves doivent apprendre à réfléchir autrement», soutient Béatrice Frézal. La responsable de la filière aime à surprendre ses troupes, en leur proposant de faire des jeux de ballon mais avec des règles différentes de celles qu’ils connaissent, ou en leur demandant de rédiger une nouvelle d’anticipation…
Ce qui n’empêche pas des cours plus classiques, à l’INSA comme dans les autres écoles engagées dans l’entrepreneuriat, dispensés en général sous forme d’ateliers. L’objectif ? Appréhender la gestion de projet et l’élaboration d’un business plan, mais aussi apprendre à gérer des équipes et des conflits, ou encore se familiariser avec la propriété industrielle et les risques juridiques inhérents à la création d’entreprise. Autant de nouvelles compétences, moins techniques que celles traditionnellement apportées par les formations d’ingénieurs, et qui élargissent le champ de vision des élèves.

En outre, commencer un projet de création d’entreprise en étant étudiant, c’est aussi une façon de gagner du temps… et de l’argent ! En effet, les élèves commencent à travailler sur le projet alors qu’ils sont encore à l’école, au lieu de se lancer après leur diplôme sans être payé – ce qui est généralement le lot des créateurs d’entreprise.

Enfin, il est plus aisé de se lancer sans famille à charge, et «l’échec est souvent moins difficile à encaisser à 20 ou 25 ans qu’à 50», relève Pierre Bois, directeur adjoint de l’École des mines d’Alès, qui a placé l’entrepreneuriat et l’innovation au cœur de son projet pédagogique. Sans pour autant souhaiter que tous les élèves deviennent des chefs d’entreprise ! Car, à travers leurs cours et filières spécifiques, c’est aussi un état d’esprit que les écoles souhaitent transmettre.

Former au management de projets innovants

Former des «ingénieurs-entrepreneurs» : telle est donc la mission que se sont donnée les Mines d’Alès. En première année, tous les élèves participent à un «séminaire de créativité». Au programme : brainstorming et travail en groupe sur des sujets réels soumis par des entreprises partenaires de l’école.
Par la suite, «il n’existe pas de cours spécifiquement consacré à la créativité, celle-ci fait partie de l’approche transversale de l’innovation que nous leur dispensons», explique Jean-Christophe Lallement, responsable de l’École de l’innovation et de la performance des Mines d’Alès. En particulier, les élèves ont la possibilité de travailler sur des projets innovants lors des «missions de terrain» qu’ils effectuent pendant cinq semaines en entreprise.

Les sujets sont pour le moins divers : dans l’industrie, il peut s’agir de rechercher de nouvelles matières pour améliorer des systèmes d’irrigation, plus durables, permettant d’avoir des fonctionnalités différentes tout en réalisant des économies d’échelle. Une petite maison d’éditions propose, quant à elle, de travailler à la création d’une activité connexe à l’édition pour lisser sa trésorerie, tandis qu’une entreprise de produits ludo-éducatifs pour handicapés s’attache à développer de nouvelles applications pour tablettes. Au-delà de la création ou reprise d’entreprise, l’objectif, in fine, est de préparer les élèves à animer la créativité en entreprise et manager des projets innovants.

On peut se montrer entrepreneur tout en étant salarié ! (C.Guicherd, INP Grenoble)

Préparer les étudiants au monde de l’entreprise

À Grenoble INP, 20% des élèves des différentes écoles, soit environ 200 chaque année, choisissent de mener un projet de création d’entreprise. Pendant un an, ils y consacrent environ 150 heures, de la recherche d’idée à la finalisation d’un business plan. Cependant, «il est rare que ces projets débouchent sur la création réelle d’entreprise. Ce n’est pas l’objectif», précise Christian Guicherd, responsable de la cellule Entreprises et innovation du groupe.

À Grenoble INP, l’idée est plutôt de «leur faire découvrir l’entreprise, son organisation et son fonctionnement, et ce de la manière la plus concrète qui soit : il s’agit vraiment de "learning by doing". Durant leur projet, les étudiants vont énormément sur le terrain. Ils sont amenés à rencontrer des clients, des fournisseurs, des distributeurs… C’est incomparable avec le fait de suivre un cours de marketing ou de stratégie !»

Ainsi, au-delà de la création d’entreprise en elle-même, beaucoup d’écoles d’ingénieurs considèrent l’entrepreneuriat comme une manière de préparer les étudiants à l’insertion professionnelle, dans la mesure où il s’agit avant tout d’un état d’esprit. «Des diplômés peuvent créer mais aussi reprendre une entreprise, ou encore se montrer entrepreneur tout en étant salarié !» insiste Christian Guicherd, c’est-à-dire «remettre en question l’existant pour l’améliorer». Presque une philosophie, qui d’ailleurs ne concerne pas seulement l’activité professionnelle, mais peut aussi guider la vie personnelle !

En savoir plus
"Comment les écoles sensibilisent leurs élèves à l'entrepreneuriat" :  lire le dossier de letudiant.fr.

Sophie Blitman | Publié le