La Halde s'en prend aux stéréotypes dans les manuels scolaires

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Les stéréotypes n'épargnent pas les manuels scolaires. Sans aller jusqu’au racisme ou au sexisme, ils véhiculent certains clichés bien difficiles à dépasser. Le médecin et l’infirmière, le chef d’entreprise et sa secrétaire, la personne d'origine étrangère pauvre, le senior malade, etc. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a décidé de mener l’enquête sur les manuels scolaires de la 6ème à la terminale, et plus particulièrement de décrypter les illustrations et photos dans leur contexte. Cinq critères - l’origine, le sexe, le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle - ont été choisis pour cette étude rendue publique le 6 novembre 2008.

Plus de 3000 images passées au peigne fin

Résultat : peut mieux faire ! Les manuels d’éducation civique tout d'abord, ne s’intéressent que très peu aux discriminations et à l’égalité des chances. « C’est surtout un problème de programme, explique Louis Schweitzer, président de la Halde, une heure seulement est prévue, en cinquième, pour en parler ». Dans les 29 autres manuels décortiqués par l’étude - toutes matières confondues - et comprenant plus de 3000 images, le constat est différent. « Ces images sont plutôt le reflet d’hier, elles n’incitent pas à dépasser les stéréotypes », regrette Louis Schweitzer.  

UN chirurgien et UNE gynécologue

Petit cas pratique. En comparant le nombre d’illustrations avec des femmes et des hommes mis en situation professionnelle, le résultat est sans appel : une femme pour trois hommes. Et quels métiers exercent les femmes ? Des métiers traditionnellement attribués aux femmes, donc moins valorisés. L’homme sera chirurgien, la femme gynécologue.

Les stéréotypes sont également très présents sur les représentations liées à l’origine, soit 276 images avec des personnes « pouvant être perçue d’origine étrangère », représentées fréquemment dans des situations de pauvreté. Comme le montrait une scène du film (et livre ), Entre les murs, où l'un des élèves s'étonne de retrouver toujours « Véronique » dans ses exercices, et jamais « Fatima », le choix des prénoms est édifiant : 3 prénoms à consonance étrangère apparaissent sur 71 prénoms ou noms de famille dans les manuels de mathématiques.

Rarement évoqué, le handicap apparaît sur 25 illustrations, et ce jamais dans une situation de la vie de tous les jours. Les seniors sont associés aux problèmes de santé, d’isolement, de déficience physique ou d’inactivité. Enfin, l'orientation sexuelle est la plus mal lotie : une seule image dans l'ensemble des manuels, sur la Gay Pride à Paris.

« Il faut casser ces représentations »

Après le constat, que préconise la Haute autorité ? D’une manière générale, elle demande l’élimination dans les manuels scolaires des stéréotypes susceptibles d’alimenter la discrimination. « Bien sûr, nous ne disons pas qu’il faut autant de reines que de rois dans l’histoire de France, mais il existe quand même un décalage », explique Louis Schweitzer. Prenant l’exemple de la série 24H Chrono, qui donne le role de président à un acteur noir, le président poursuit, volontariste, « il faut casser ces représentations ».

Les recommandations de la Halde s’adressent tout d’abord au ministère de l’Education nationale, pour corriger le vide des programmes du secondaire en matière de lutte contre les discriminations. Dépassant la question des manuels, la Halde recommande également une formation (initiale et continue) pour les enseignants sur le sujet. « Les enseignants sont confrontés à des problèmes de discrimination sans toujours savoir y faire face », déplore Louis Schweitzer. Second interlocuteur interpellé : les éditeurs, afin qu’ils corrigent ces représentations passéistes de la réalité. La Haute autorité compte suivre les évolutions qui seront données à ses recommandations, et songe à étendre son étude aux manuels du primaire.

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