La sélection à l'entrée du master adoptée définitivement par les députés

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
La sélection à l'entrée du master adoptée définitivement par les députés
Le gouvernement a utilisé la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont (UDI, Calvados) comme véhicule législatif. // ©  Flickr / tamadhanaval
L'Assemblée nationale a adopté définitivement la proposition de loi réformant l'accès au master, lundi 19 décembre 2016. Les universités pourront sélectionner à l'entrée de leurs masters mais les étudiants bénéficieront d'un droit à la poursuite d'études. Des dérogations sont toutefois prévues, et la définition de leur périmètre risque de susciter de nouvelles polémiques.

Pari gagné pour le gouvernement. Le député Patrick Hetzel (Les Républicains, Bas-Rhin) a beau avoir demandé le retrait de la proposition de loi réformant l'accès au master en raison, selon lui, de "pressions sur les députés", l'Assemblée nationale l'a adoptée à main levée, dans les mêmes termes que le Sénat, lundi 19 décembre 2016. Le groupe Les Républicains, lui, a voté contre.

un "compromis historique"

Face aux députés, la ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Vallaud-Belkacem, a rappelé que ce dénouement était loin d'être gagné d'avance. Il y a encore quelques mois, les positions de l'Unef (Union nationale des étudiants de France) et de la CPU (Conférence des présidents d'université) semblaient effectivement irréconciliables.

Le gouvernement a alors utilisé comme véhicule législatif la proposition de loi UDI (Union des démocrates et indépendants) du sénateur du Calvados, Jean-Léonce Dupont. Amendée, celle-ci reprend mot pour mot l'accord signé par le ministère et les principales parties prenantes (CPU, Unef, Fage, PDE, Cdefi, Snesup-FSU, Sgen-CFDT, Sup'Recherche-UNSA et SNPTES), le 4 octobre 2016.

Après la promulgation de la loi d'ici quinze jours, la réforme sera mise en œuvre à la rentrée 2017. Comme prévu.

sélection en M1 et droit à la poursuite d'études

Désormais, les universités pourront donc sélectionner à l'entrée du master via "un concours ou l'examen du dossier du candidat" – ce à quoi s'opposait farouchement l'Unef. En contrepartie, les étudiants titulaires d'une licence bénéficient d'un droit à la poursuite d'études ; s'ils ne sont admis dans aucun des masters demandés, ils pourront saisir le recteur de la région académique et se verront proposer une inscription "tenant compte de leur projet professionnel et de l'établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence."

Autre contrepartie, la sélection entre le M1 et le M2 étant supprimée, le master pourra être repensé au niveau pédagogique sur quatre semestres, conformément au système européen LMD (licence, master, doctorat).

des dérogations restant à définir

Mais à peine la loi est-elle votée que déjà des divergences apparaissent. Pour tenir compte de la spécificité de certains domaines, le texte prévoit des dérogations. Ainsi, un décret listera, comme au printemps 2016, les masters dont l'accès en première année ne sera pas restreint et qui continueront de sélectionner à l'entrée du M2. L'accord du 4 octobre 2016 précise que la psychologie et le droit sont "notamment concernés". Pour les autres filières, la réforme devra s'appliquer "au plus tard à la rentrée 2018".

"Hormis en droit, psychologie et MEEF (enseignement), tous les masters doivent appliquer la réforme dès la rentrée 2017, insiste Lilâ Le Bas, la présidente de l'Unef. Si certains masters sélectionnent à l'entrée du M1 et d'autres à l'entrée du M2, la situation sera complètement illisible pour les étudiants." Pour Tarek Mahraoui, le vice-président en charge des affaires académiques de la Fage, "un maximum de masters doivent basculer dès cette année."

Si certains masters sélectionnent à l'entrée du M1 et d'autres à l'entrée du M2, la situation sera complètement illisible.
(L. Le Bas)

Le son de cloche est bien différent chez les présidents d'université. "Les dérogations pour l'année 2017 seront bien plus nombreuses que les seules formations de droit et de psychologie", assure Gilles Roussel, nouveau président de la CPU et président de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. "Certains responsables de master souhaitent temporiser : organiser un master en quatre semestres ou en deux fois deux semestres, ce n'est pas du tout la même chose", ajoute-t-il.

un portail loin de faire consensus

Support de la réforme, la plate-forme d'informations "trouvermonmaster.gouv.fr"' doit ouvrir fin janvier 2017. Elle recensera l'ensemble des masters proposés par les universités et précisera les prérequis demandés, les mentions de licence conseillées, les modalités d'admission et le calendrier de la procédure...

Dans ce cadre, les universités doivent faire remonter l'ensemble de ces informations d'ici la mi-janvier après les avoir votées,"un calendrier extrêmement serré, qui demande une forte implication de l'ensemble des personnels", relève Gilles Roussel.

À moyen terme, la nature même de la plate-forme suscite des interrogations. L'accord du 4 octobre 2016 est clair : "Ce site n'aura pas vocation à assurer une gestion des vœux." Autrement dit, il ne sera pas un nouvel APB. Néanmoins, il pourrait devenir à moyen terme un outil de gestion des candidatures. La possibilité, pour l'étudiant, de déposer "la partie commune aux dossiers de candidature" (CV, notes de licence...) et de "suivre ces candidatures" sur ce portail, avait un temps été prévue à partir de mars 2017.

Une option qui ne paraît toutefois pas réaliste à court terme. "Évoquer la dématérialisation des dossiers de candidatures sur la plate-forme me paraît extrêmement ambitieux, d'autant plus que toutes les universités n'ont pas les mêmes logiciels de candidatures... quand elles en ont un", fait savoir François Germinet, président de la commission formation de la CPU et président de l'université de Cergy-Pontoise.

un droit à la poursuite d'études À préciser

Enfin, Gilles Roussel s'interroge sur la concrétisation du droit à la poursuite d'études : "Un étudiant sur liste d'attente pourra-t-il saisir le recteur ? Si oui, qui sera prioritaire, entre un étudiant sur liste d'attente et un étudiant hors liste ? Quelle procédure devra suivre un recteur saisissant un établissement d'une autre académie ? Toutes ces questions doivent encore être arbitrées..." Et débattues dans les prochains mois.

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