La mobilité des étudiants africains loin des images d'Epinal

Fabienne Guimont Publié le
La mobilité des étudiants africains loin des images d'Epinal
@CampusFrance // © 
Les étudiants d'Afrique subsaharienne sont les plus mobiles au monde. Pourtant, aucun salon n'avait encore été organisé sur le continent. Bamako a accueilli du 28 février au 1er mars 2009 le premier salon international sur la mobilité étudiante. L'ambassade de France au Mali était l'initiateur de cette opération, avec l'appui de l'agence Campus France. Les ambassades des Etats-Unis, du Canada, de la Belgique et de l'Espagne ont proposé des pavillons en plus de celui de la France. Les universités Paris 1, Paris 8, Paris 13, Metz, Tours, Grenoble 1, l'INSA de Lyon, Ecole des hautes études de santé publique et l'Ecole de chimie de Clermont-Ferrand avaient délégué des représentants, à côté des écoles et université locales. Quelque 1500 étudiants essentiellement de licence et master sont venus les rencontrer.

« Est-ce que l’Afrique intéresse les établissements d’enseignement supérieur ? Comment travaille-t-on avec ce continent qui fait l’objet de toutes les tentations et de toutes les tentatives, notamment chinoises ? ». Celui qui tient ces propos, c’est André Siganos, le directeur général de l’agence CampusFrance lors de ses Rencontres annuelles à Paris organisées en décembre 2008. Cet enjeu posé, il y répond en partie en précisant que la France a à l’égard de ce continent « un héritage et un avantage avec la langue [française]».  

Etudiants africains : les plus mobiles au monde  

Jusqu’à 110 000 étudiants africains s'inscrivent chaque année dans des établissements d’enseignement supérieur français (chiffres 2005-2006 ). Ce fort contingent est aussi à relativiser avec la forte mobilité des étudiants africains à l’étranger. « Les étudiants africains sont les plus mobiles au monde », explique Pierre-Antoine Gioan, responsable géographique Afrique de CampusFrance. « 10 % d’entre eux partent étudier dans un pays étranger. Entre 30 % et 40 % en France, puis en Afrique du Sud, aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en Allemagne ».

Une mobilité qui elle-même résulte d'un enseignement supérieur local lacunaire. Beaucoup de pays africains francophones ont des formations qui s’arrêtent à bac+4 et toutes les filières ne sont pas représentées. A cela s’ajoute l’ampleur de la massification de l’enseignement supérieur – avec un doublement des effectifs tous les quatre ans - conduisant à sa dégradation.  

Le Maghreb, concurrent de la France  

La France n’est pas seule à attirer des étudiants africains. Elle fait même face à de sérieux concurrents dans la formation de ces élites. La moitié des étudiants d’Afrique noire en mobilité se tourne vers les trois pays du Maghreb : Maroc (largement en tête), Algérie et Tunisie.

« Depuis quelques années, la mobilité intra-africaine augmente, notamment vers le Maroc, a remarqué Pierre-Antoine Gioan, auteur de rapports sur l'enseignement supérieur en Afrique pour la Banque mondiale . Ce pays a construit une offre de formations assez complète, notamment privée, avec des partenariats interuniversitaires. Depuis quatre ans, la mobilité sortante marocaine diminue et son offre de formation attire des étudiants d’Afrique subsaharienne qui trouvent au Maroc des diplômes français pour des coûts moindre et sans subir trop de dépaysement ».  

Des masters et des scientifiques

Autre idée reçue à laquelle il faut tordre le cou : les étudiants africains ne viennent pas tous faire du droit et des lettres au pays de Molière. Un tiers est inscrit en sciences, 12 % en médecine, 27 % en économie et gestion et 10 % en droit. Les étudiants de niveau master sont en augmentation à l’inverse de ceux de licence. Le nombre de doctorants africains stagne en revanche. « Cette stagnation est préoccupante car les besoins d’enseignants et donc de doctorants sont très importants. On va vers un problème de fond dans l’enseignement supérieur en Afrique avec parfois un enseignant pour 100 étudiants », s’inquiète Pierre-Antoine Gioan. 

Des espaces CampusFrance en terrain francophone

La France garde l’avantage dans les pays francophones africains (56 % des étudiants africains en mobilité), mais est quasi-absente dans l’accueil d’étudiants de pays anglophones africains (2 %). Quinze espaces CampusFrance sont implantés sur le continent, essentiellement dans des pays francophones (Algérie, Bénin, Burkina faso, Cameroun, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Maroc, Ile maurice, Sénégal, Soudan, Tunisie). Les choses évoluent pourtant. Le nouvel espace en cours d'ouverture se situe en Namibie, en Afrique australe. Le Nigéria anglophone est aussi à l'étude, mais à plus longue échéance.

5 millions d'euros pour aider les étudiants africains à créer leur entreprise au pays

Le projet de co-développement « Entrepreneurs en Afrique » visant à « favoriser l’insertion des diplômés africains dans leur pays », selon CampusFrance, a été lancé fin février 2009. D’ici fin juin 2009, 25 projets de création de PME ou PMI à caractère technologique portés par des Africains seront sélectionnés et mis en relation avec une des 75 écoles d’ingénieurs du réseau n+i (d’autres pourront intégrer le projet à terme).

Ils recevront une enveloppe financière ainsi que des conseils pour le lancement de leur future entreprise par des étudiants et laboratoires de ces écoles d’ingénieurs. Le réseau d’écoles n+i est à l’origine du projet. Ce dernier a reçu le soutien financier du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire à hauteur de 3 millions d’euros sur les 5 millions d’euros au total pour trois ans.

Outre ce ministère et celui des affaires étrangères, le comité d’orientation du projet est composé de représentants de l’AFD (Agence française de développement), l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel), l’AUF (Agence universitaire de la francophonie), CampusFrance, Développement sans frontière, l’ACPI (association des conseils en propriété), le CIAN (conseil français des investisseurs en Afrique) et l’Académie des technologies. 

Fabienne Guimont | Publié le