Laurent Batsch (président de Paris-Dauphine) : "Nous ne voulons pas d’une fondation 'roue de secours' de l’université"

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
Laurent Batsch (président de Paris-Dauphine) : "Nous ne voulons pas d’une fondation 'roue de secours' de l’université"
Laurent Batsch président Université Paris Dauphine // DR // © 
La fondation Dauphine lance officiellement sa campagne de levée de fonds le 6 octobre 2010. Avec un objectif de taille : 35 millions d’euros en quatre ans. A ses côtés six grands groupes : Bolloré, Bouygues, le Crédit foncier, Exane, GDF-Suez et Lagardère. Le président de l’université, Laurent Batsch , détaille sa stratégie à Educpros.

La Fondation Dauphine organise une "convention" le 6 octobre 2010. Quel est l’objectif ?

Nous voulons faire connaître la fondation aux anciens et amis de Dauphine. C’est le lancement de la campagne de levée de fonds. Avec un objectif assez ambitieux pour mobiliser les énergies et assez réaliste en même temps : 35 millions d’euros en quatre ans. Nous n’excluons pas de le dépasser, bien sûr.

Dans une période où nous sommes en plein cœur de la compétition internationale, j’espère que les 60.000 alumni et les amis de Dauphine nous aideront. Ils y ont tout intérêt. Pour conserver la valeur du diplôme de Dauphine et atteindre le niveau d’un champion international. Qui n’avance pas recule !

Mais la fondation existe déjà depuis plus d’un an et demi…

Certes. Une période nécessaire pour être fin prêt. Nous avons lancé la fondation avec six grands groupes fondateurs – Bolloré, Bouygues, le Crédit foncier, Exane, GDF-Suez et Lagardère – en 2008. Avec eux et d’autres entreprises, nous avons d’abord créé des chaires. Parallèlement, nous avons mis en place une organisation et nous avons testé nos idées auprès de grands donateurs potentiels. Dans un domaine où nous sommes un peu "bizu", il y a une phase d’apprentissage. Maintenant, nous savons où nous allons et comment y aller, on démarre. Pour la plupart des alumni et des dauphinois, la fondation naît le 6 octobre 2010 !

Est-ce aussi la crise financière qui vous a fait repousser le lancement de la campagne ?

Pas du tout. Nous ne savons d’ailleurs pas quand elle va s’arrêter, cette crise ! Elle provoque en outre des effets contradictoires. Tandis qu’elle peut induire un réflexe de précaution, elle peut, à l’inverse, développer la générosité. Certains épargnants peuvent en effet estimer que, s’ils avaient mis leur argent chez nous, il n’aurait pas fondu comme neige au soleil.

Quelle est la stratégie de la Fondation Dauphine ?

Avant tout, nous ne voulons pas d’une fondation "roue de secours" de l’université, existant seulement pour boucher les trous. Il s’agit vraiment d’un moyen de faire plus pour l’université. Avec six axes de développement, sur lesquels les donateurs pourront flécher leurs dons s’ils le souhaitent.

Tout d’abord, œuvrer à l’égalité des chances, non en instaurant une discrimination positive à l’entrée, mais en aidant les lycéens de première et de terminale à se projeter dans l’avenir et à atteindre le niveau pour intégrer Dauphine. C’est un dispositif exigeant, en partenariat avec les équipes pédagogiques des lycées concernés. Nous voulons d’ici à deux ans élargir nos effectifs de première année avec 10 % de lycéens mis à niveau grâce à ce dispositif.

Deuxième axe : la recherche, car la qualité a un prix, pour attirer et maintenir les cerveaux, et donner du temps aux chercheurs. Ensuite l’international, la mobilité pour tous les étudiants, avec des bourses, et le développement de nos partenariats stratégiques. Quatrièmement, l’ouverture culturelle pour tous, c’est déjà le sens d’un partenariat que nous venons de conclure avec la RMN (Réunion des musées nationaux).

Cinquième axe : l’entrepreneuriat, parce que l’esprit d’entreprise est très partagé à Dauphine, et nous voulons aller jusqu’à l’accompagnement financier des projets et des jeunes pousses. Enfin l’immobilier. Nous partons ici d’un constat : l’État finance le gros œuvre mais, pour disposer de locaux à la hauteur, il faut investir soi-même.

Nous ne nous en sortirons que si nous diversifions nos ressources financières pour les additionner

Mobiliser financièrement des acteurs autres que l’État, c’est nouveau pour une université ?

La fondation recherche des fonds auprès de deux publics différents : tout d’abord auprès des entreprises – ce qui n’est pas nouveau pour nous – pour financer des chaires ou des projets spécifiques dans les six axes de développement. Nous avons déjà trois chaires, nous en aurons six à la fin de l’année, et visons une dizaine d’ici à la fin 2011.

Ensuite auprès des particuliers. Comme les autres universités, nous avons moins d’expérience en la matière. C’est un sujet plus neuf, mais majeur. Les dons des alumni sont considérables dans d’autres pays. Nous ne nous en sortirons que si nous diversifions nos ressources financières pour les additionner.

Une équipe est-elle dédiée à la gestion de la fondation ?

La fondation s’appuie principalement sur la directrice des relations entreprises et sur celle des relations avec les donateurs. Nous sommes très attentifs à ne pas construire une bureaucratie. Nous gérons les ressources de la fondation avec parcimonie, comme une entreprise familiale. La structure suit, elle ne précède pas. Il y aura le personnel nécessaire en fonction de l’activité à venir. La fondation va se développer, non comme une structure lourde, mais comme une vraie force de frappe au service de l’université.

(1) Bolloré, Bouygues, Crédit foncier, Exane, GDF-Suez, Lagardère.

PRES et grand emprunt : Dauphine s'associe à Paris Sciences et Lettres

"Avec Paris Sciences et Lettres [PSL], nous allons ensemble au grand emprunt", indique Laurent Batsch. Dauphine a ainsi déposé un dossier commun avec le rassemblement de la Montagne Sainte-Geneviève sur plusieurs briques : Equipex et l’IRT (Institut de recherche technologique). En vue également : les Labex. Enfin le couronnement : "Il est clair que la logique de ces projets est de déposer ensemble une Initiative d’excellence", précise le président.

"C’est tout l’intérêt du grand emprunt , se réjouit-il. Remettre au cœur des regroupements les projets académiques. D’autant plus à Paris où Dauphine a pu être considérée comme trop différente pour être associée. N’étant pas enfermés dans une alliance équivoque, nous sommes disponibles pour un regroupement vraiment porteur de sens." Dauphine n’est en effet membre d’aucun PRES francilien.

Du sens ? "Nous apportons à PSL nos disciplines, notamment en économie et gestion, mais aussi un cycle intégré de la L1 au doctorat. Il se trouve en plus que nous sommes une université sélective, à l’image des écoles. Rappelons d’ailleurs que ces 'écoles' sont en fait de véritables universités de recherche", développe-t-il.

Quelle structure va gérer, a posteriori, la manne des appels d’offres remportés ? Dauphine n’est en effet pas membre du pôle PSL. "Nous verrons ensuite sur les formes organisationnelles et de gouvernance. Ce qui importe, c’est que le projet ait du sens", conclut Laurent Batsch.

Repères. Les objectifs de levée de fonds annoncés par les fondations des universités
• La "Fondation UTC pour l’innovation" , lancée fin septembre 2008 par l’UTC (université de technologie de Compiègne), affichait un objectif de 20 millions d’euros sur quatre ans.
• La Fondation sur la santé et le sport, impulsée par l’université d’Aix-Marseille 2 en octobre 2008, espérait lever 5 millions d’euros sur trois ans.
• La Fondation de l’université Lyon 1 , créée en juin 2010, affichait un objectif de 10 millions d’euros sur cinq ans.

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Le billet de Pierre Dubois sur son blog Le président Batsch et les PRES

Propos recueillis par Camille Stromboni | Publié le