Le classement 2010 des écoles d’ingénieurs de l'Etudiant

Sylvie Lecherbonnier Publié le
Le classement 2010 des écoles d’ingénieurs de l'Etudiant
Centrale Paris // © 
Educpros publie, pour la troisième année consécutive, le classement 2010 des écoles d’ingénieurs du groupe l’Etudiant. Comment conjuguer sélectivité relevée, relations entreprises haut de gamme, ouverture internationale de qualité et fort potentiel académique ? Parmi les 170 écoles à bac ou à bac+2 passées en revue, celles qui réussissent à répondre à cette équation arrivent en tête de notre palmarès.

Lire les tableaux du palmarès 2010 de l'Etudiant pour les écoles d'ingénieurs .

Le diplôme d’ingénieur a de beaux jours devant lui. Un grand nombre d’écoles augmentent leur nombre d’étudiants ou ouvrent de nouvelles formations pour répondre à la demande des industriels. La CTI (Commission des titres d’ingénieur) en fait le constat : « Sur le long terme, en lissant les effets des cycles économiques qui peuvent temporairement changer la donne, délivrer 30.000 diplômes d’ingénieur par an est encore insuffisant. » À côté du vivier traditionnel des élèves de classes préparatoires, les écoles s’ouvrent donc de plus en plus largement aux bacheliers et aux titulaires de BTS, de DUT ou de licence.

Face à cette évolution, notre classement des écoles d’ingénieurs s’est lui aussi adapté. Nous ne parlons plus d’« écoles après prépa », mais d’« écoles après bac+2 ». Une terminologie qui permet d’accueillir dans le classement l’EI-CESI et l’école d’ingénieurs IMAC de Marne-la-Vallée (77), qui ne recrutent pas d’étudiants sur concours après prépa. Les critères et les méthodologies des palmarès après bac et après bac+2 ont été rapprochés pour pouvoir comparer les deux catégories d’établissements.
Enfin, nous avons encore relevé le niveau d’exigence, avec des critères plus pointus comme le label Erasmus Mundus pour le volet international, la participation directe des entreprises au financement de l’école pour la partie « relations avec les entreprises » ou la prise en compte des bourses européennes Curie dans la performance de la recherche.

Une élite de 19 écoles

Résultat pour cette année ? Les 19 établissements au-dessus de 500 points forment l’élite des écoles d’ingénieurs françaises. Une élite caractérisée par une grande stabilité. Malgré les changements méthodologiques du palmarès, le top ten des écoles après bac+2 évolue à la marge. L’École centrale de Paris et Supélec passent respectivement devant l’École des mines-ParisTech et l’École des ponts-ParisTech, en grande partie en raison de leur force sur nos critères internationaux. Après bac, l’INSA de Lyon et l’UTC Compiègne restent nos leaders incontestés depuis trois ans. L’INSA de Lyon pourrait même se hisser à la cinquième place d’un classement unique.

Les 17 établissements qui cumulent entre 400 et 500 points constituent aussi des formations d’excellence et font office de bons challengers au premier groupe. Issues de la recomposition de Grenoble INP, Phelma, ENSE3 et Génie industriel, portées par un potentiel académique impressionnant, progressent d’année en année. Autres ascensions à noter : Montpellier ­Supagro, issue de la fusion de quatre établissements en janvier 2007, et SupOptique, qui récolte les fruits de ses performances en recherche et de son appartenance au PRES (pôle de recherche et d’enseignement supérieur) ParisTech.

La très grande majorité des écoles obtient entre 150 et 400 points, avec des écarts qui ne dépassent pas 15 points. Une homogénéité qui souligne les difficultés de beaucoup d’écoles d’ingénieurs – handicapées le plus souvent par leur petite taille – à tout concilier : sélectivité, relations entreprises, recherche et international. Chacune des écoles possède alors ses points forts et ses points faibles.
Enfin, avec moins de 150 points, 20 écoles ferment la marche pour des raisons diverses : isolement géographique, moins de 50 diplômés par an, établissements jeunes ou atypiques.

Un modèle qui s’exporte jusqu’en Inde

Quel que soit leur rang dans notre palmarès, toutes les écoles défendent le modèle d’« ingénieur à la française » fondé sur une formation scientifique pluridisciplinaire de haut niveau, conjuguée à des enseignements d’ouverture en sciences humaines et sociales et des stages à différents stades du cursus.
Un modèle qui a fait ses preuves au niveau national – le titre d’ingénieur fonctionne comme un label dans la jungle des formations de niveau master – et qui commence à bien s’exporter. Les implantations des écoles d’ingénieurs françaises à l’étranger se multiplient. Elles sont même sollicitées par des pays émergents pour les aider à lancer leur école d’ingénieurs. C’est le cas en Inde, où un consortium d’établissements emmené par la CDEFI (Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs) travaille avec les universités locales à la création d’un IIT (Indian Institute of Technology) au Rajasthan.

Si collectivement les écoles d’ingénieurs arrivent à promouvoir leur modèle, individuellement, certaines peinent à surnager. La mondialisation de l’enseignement supérieur comme de l’économie rend, il est vrai, l’équation de plus en plus complexe à résoudre. Relations entreprises, recherche, international... Les maillons de la chaîne que les établissements doivent construire pour rester ou devenir performants sont de plus en plus imbriqués.

Arts-et-Métiers-ParisTech a lancé un club d’entreprises partenaires

Premier maillon : les relations avec les entreprises que les écoles cherchent à amplifier et à pérenniser. Les entreprises sont invitées à signer des conventions de partenariat pluriannuelles, des chaires ou à abonder les fondations universitaires qui se multiplient. C’est la raison pour laquelle nous avons remplacé, dans notre palmarès 2010, le critère « taxe d’apprentissage » par l’indicateur « participation des entreprises au financement de l’école », qui cumule la taxe et toutes les sources de financements directs versés par les entreprises : dons, chaires, mécénat...

Les écoles qui s’en sortent le mieux aujourd’hui sont celles qui arrivent à drainer ces financements irriguant à la fois la formation et la recherche. Comme les autres écoles de ParisTech, Arts-et-Métiers-ParisTech est en pointe sur cette question. L’établissement, qui a ouvert un bureau de développement pour récolter des fonds il y a deux ans, a lancé en mai dernier un club des entreprises partenaires et s’engage à mieux suivre leurs besoins : stage, formation continue ou en apprentissage, contrat de recherche... Autre piste en vogue pour rapprocher école et entreprise : l’apprentissage. Si l’EI-CESI ou l’EI-CNAM en ont fait leur marque de fabrique, 86 écoles d’ingénieurs proposent désormais un cursus en alternance. Avec un public cible : les titulaires de DUT et de BTS.

Tous ces efforts permettent aux écoles d’ingénieurs d’anticiper les besoins des industriels. Il suffit de voir les options énergie ou nucléaire qui fleurissent en dernière année des écoles pour s’en rendre compte. L’objectif des établissements ? Garantir l’employabilité immédiate et à long terme de leurs diplômés. Maurice Pinkus, directeur délégué de l’UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie), en est convaincu : « Les ingénieurs sont relativement moins spécialisés que ­d’autres diplômés. Leur formation leur permet de rebondir et de s’insérer dans d’autres secteurs. »

L’Institut Télécom et Alcatel-Lucent ouvrent un labo de recherche commun

Les relations écoles-entreprises prennent aussi de plus en plus de place sur le terrain de la recherche, le deuxième maillon de la chaîne. Là encore, les écoles qui parviennent à signer le plus de contrats de recherche marquent des points. Sur cet indicateur de notre classement, les valeurs s’étalent de 27,5 millions d’euros pour l’École des mines de Paris à 0 pour les dernières écoles. Une échelle qui en dit long sur les écarts qui peuvent exister entre les quelque 200 écoles d’ingénieurs françaises.

Certains établissements vont même jusqu’à ouvrir des laboratoires avec des entreprises. C’est le cas de l’Institut Télécom, qui regroupe les écoles de télécommunications de Brest, Évry, Lille et Paris et a ouvert début 2009 un laboratoire avec Alcatel-Lucent sur les applications du futur dans le domaine des médias numériques.

S’il peut attirer les entreprises, le potentiel académique d’une école lui permet avant tout d’être toujours à la pointe des évolutions scientifiques et technologiques. Un atout fondamental dans la formation des futurs ingénieurs et une force qui fait mouche pour le rayonnement international de l’établissement. Pour composer les groupes du critère « performance de la recherche », nous avons pris en compte cette année, outre le nombre de publications scientifiques, l’attribution de bourses européennes Curie à des doctorants ou à des enseignants-chercheurs des écoles ou accueillis par ces écoles, bourses révélatrices de l’attractivité académique d’un établissement. Se distinguent sur ce point l’ESPCI-ParisTech, Supélec, les écoles de ­Grenoble INP et l’INSA de Lyon.

Les masters Erasmus Mundus attirent les meilleurs étudiants étrangers

Autre maillon de la chaîne, l’international concentre les préoccupations de beaucoup d’écoles. Comment être visible à Shanghai, Tokyo ou Rio ? Comment attirer des étudiants étrangers ? Et les meilleurs d’entre eux ? La compétition internationale est de plus en plus rude à ce niveau. Là encore, nous avons voulu renforcer le volet qualitatif de notre palmarès, en introduisant, à côté des pourcentages d’étudiants étrangers diplômés, des taux de double-diplômés français et des bourses ­Eiffel, le critère Erasmus Mundus. Créé par la Commission européenne, ce programme vise à améliorer la qualité de l’enseignement supérieur européen à travers des masters conjoints ou des actions de coopération. Il donne un point de repère aux étudiants étrangers. Pour preuve, les deux masters Erasmus Mundus de Centrale Nantes attirent chacun 400 candidatures pour une vingtaine de places. Une attractivité qui rejaillit sur l’ensemble des formations de l’établissement.

La CTI veille au niveau des élèves-ingénieurs

Cette quête des étudiants étrangers participe aussi de la diversification des recrutements désormais chère aux écoles d’ingénieurs. Attirer de plus en plus d’étudiants tout en maintenant les exigences sur leur niveau scolaire, telle est la gageure des écoles d’ingénieurs aujourd’hui. La sélectivité : un maillon de la chaîne primordial pour ces établissements. Certains d’entre eux « n’atteignent pas leurs objectifs de recrutement soit quantitatifs soit qualitatifs », constate la CTI, qui ne compte « pas baisser la garde » sur le dossier. Si le niveau des élèves n’est pas suffisant, l’assise scientifique ou les débouchés ne sont pas garantis, la commission n’accorde pas la durée maximale d’habilitation. Un critère qualitatif que notre classement enregistre.

Comment tout concilier quand on veut, en plus, rester des établissements à taille humaine ? Les écoles d’ingénieurs ont trouvé une solution : se rapprocher. Celles qui sont adossées à une marque ou à un réseau (Centrale, Mines, INSA, UT, INP, FESIC...) ou participent à une politique de site dynamique (ParisTech, Alsace Tech, campus de Lyon ou de Toulouse...) s’en sortent le mieux. Et ce ne sont pas les propositions de la commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt suggérant de faire émerger des « campus d’innovation technologique de dimension mondiale » qui vont changer la donne. Bien au contraire.

Réalisé par Sylvie Lecherbonnier, avec Marie-Aline Desvignes et Solène L’Hénoret, assistées de Flavien Bascoul, Guihlem Bertrand, Marc-Antoine Bindler, Mathieu Brancourt et Cédric Zylberac

La méthodologie du classement
Cette troisième édition du classement des écoles d’ingénieurs a conservé la distinction entre écoles après bac et écoles après bac+2. Rappelons que nous considérons comme école après bac tout établissement qui recrute des bacheliers pour un premier cycle propre, quel que soit le nombre d’étudiants qu’elle peut ensuite intégrer après bac+2.
Pour établir ce palmarès, les 200 écoles habilitées à délivrer le titre d’ingénieur ont reçu en juin 2009 un questionnaire suivant leur catégorie.
Il portait sur leurs moyens, leurs liens avec les entreprises, leur ouverture internationale et leurs résultats académiques. Nous avons collecté et vérifié
les informations que près de 170 établissements nous ont transmises jusqu’à mi-novembre. Nous en avons ensuite extrait 12 critères auxquels nous avons appliqué des coefficients en fonction de leur pertinence.
La principale innovation réside dans le rapprochement de la méthodologie et des critères appliqués aux deux familles d’écoles (après bac et après bac+2). Avec pour but de pouvoir comparer les notes des unes et des autres. Autres nouveautés : l’ouverture aux écoles après bac+2 et non plus seulement aux écoles après prépa, nouveaux indicateurs...

Sylvie Lecherbonnier | Publié le