Au lycée Galilée, l’égalité des chances à la portée de tous

Isabelle Dautresme Publié le
Au lycée Galilée, l’égalité des chances à la portée de tous
Au lycée Galilée de Gennevilliers, un tiers des élèves de première et terminale des filières générales prennent part à un dispositif égalité des chances. // ©  Isabelle Dautresme
Le lycée Galilée de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, a ouvert les dispositifs "Égalité des chances" en libre accès à tous les lycéens de la voie générale. L’objectif : les préparer à l’enseignement supérieur. Quatre ans après la signature des premières conventions, le bilan apparaît positif mais fragile.

Visage concentré et sourire aux lèvres, une poignée de lycéens de terminale S et ES ont pris place dans une petite salle baignée de soleil du lycée Galilée de Gennevilliers (92), situé en ZEP (zone d’éducation prioritaire). En cette fin d’après-midi de mars, c’est atelier Sciences po pour la préparation de l’oral d’admission. L’établissement genevillois n'est pas seulement en convention avec la prestigieuse école de la rue Saint-Guillaume,  il l'est également avec Paris-Dauphine, l’UPMC, l’Ensam, des écoles d’art… qui ont toutes leur programme "Égalité des chances".

Des cursus à la carte

“Nous sommes cinq à avoir déposé un dossier de candidature à Sciences po [dans le cadre des conventions éducation prioritaire], nous sommes tous admissibles”, lâche Inés, en terminale S, tout sourire. Depuis le début de l’année, la jeune fille participe, deux heures par semaine, au "cursus Engel". Au programme : culture générale, écriture, préparation à Sciences po et à Paris-Dauphine… Ce parcours fait partie, avec les cursus "maths", "SVT" et "physique-chimie", des quatre parcours "Égalité des chances" que propose le lycée Galilée à tous les élèves de première et de terminale générales, quels que soient leurs projets d’études et leurs résultats. Des dispositifs qui ne sont pas organisés par école mais par "grande discipline".

Au final, c’est une cinquantaine d’élèves, sur les 150 de première et de terminale générales que compte le lycée, qui participent activement à ces parcours tout au long de l’année. "Nous en parlons beaucoup entre nous. Certains viennent par curiosité et restent", témoigne Inés. Y compris des élèves en grande difficulté qui "grâce à une présence assidue, bien que non obligatoire, décrochent le bac", souligne à son tour Aurélien Sandos, professeur d’histoire-géographie et coordinateur des dispositifs. Et Badis, en terminale S, d’expliquer : "Tout ce que l’on apprend en cours de renforcement peut être réinvesti en classe. Que ce soit l’analyse de documents, la prise de notes, la manière d’exploiter les connaissances."

Préparer la poursuite d’études

Ces dispositifs "Égalité des chances" "visent surtout à donner les moyens, à ceux qui le souhaitent, de poursuivre des études supérieures dans le domaine de leur choix, pas nécessairement d’intégrer les écoles les plus prestigieuses", insiste Marie-Noëlle Tracq, proviseure adjointe du lycée.

Ainsi Badis suit, depuis la classe de première, le "renforcement" SVT (sciences de la vie et de la Terre), en vue de se préparer à de futures études de médecine. "Nous travaillons la méthodologie, la prise de notes, l’analyse de documents. Certaines séances sont plus proches des cours d’université que de ceux de lycée", détaille le jeune homme.

On voit bien que quelque chose a changé au lycée. Un climat de confiance s’est installé.
(A. Sandos)

un taux de réussite au bac en hausse... mais pas seulement

Si chefs d’établissement, professeurs et élèves s’accordent à dresser un bilan positif de ces dispositifs, il n’en demeure pas moins difficile d’en mesurer précisément les effets. Certes, le taux de réussite au bac est passé d’environ 70% pour les bacs généraux en 2008 à plus de 85% en 2014. La forte capacité du lycée à faire réussir les élèves a également été mise en avant : avec une valeur ajoutée de 6, Galilée fait partie des 19 lycées distingués par le ministère de l’Éducation nationale dans le cadre du palmarès des lycées 2015 pour leur performance. Mais, le reste relève plutôt du ressenti. "On voit bien que quelque chose a changé au lycée, commente Aurélien Sandos. Un climat de confiance s’est installé. Les élèves sont davantage dans une culture de la réussite qui profite à tous."

Lycée Galilée Gennevilliers (92). Pendule de Foucault

Côté études aussi, les évolutions sont perceptibles. Les jeunes, qui se sont longtemps autocensurés, osent "se lancer dans des parcours longs, et ça, c’est nouveau", fait valoir Lionel Picard, à la tête du lycée depuis quatre ans. À l’instar de Badis, qui s’est longtemps imaginé cuisinier avant de revoir ses ambitions en première. Un changement d’objectif qui ne surprend guère Pierre Baly, professeur de SVT : "L’un des effets bénéfiques de ces dispositifs, c’est de permettre aux jeunes de reprendre confiance en eux. Ils réalisent qu’ils sont capables de suivre et donc qu’ils pourront réussir dans l’enseignement supérieur." Pour preuve : l’augmentation constante du nombre de bacheliers généraux qui demandent une prépa ou un IUT.

Et puis, il y a tout le reste : le recul sensible de l’absentéisme, la quasi-disparition des conseils de discipline (un seul cette année), le climat apaisé, la blancheur immaculée des murs du lycée… Autant d’indicateurs d'un bien-être qui, sans être une conséquence directe du dispositif "Égalité des chances", n’en est pas complètement déconnecté non plus. Lionel Picard en est convaincu : "Les élèves ont pris conscience que, s’ils le veulent, ils le peuvent. Libre à eux de saisir la chance que nous leur tendons. Ils ne pourront pas dire que le lycée n’a rien fait pour eux."

Les élèves ont pris conscience que, s’ils le veulent, ils le peuvent.
(L. Picard)

Un avenir incertain

De là à en conclure que le dispositif "Égalité des chances" à la mode gennevilloise pourrait fonctionner ailleurs, il y a un pas. "L’engagement de l’équipe enseignante de Galilée est hors du commun", insiste Marie-Noëlle Tracq, qui a rejoint ce lycée en septembre dernier. À cela s’ajoutent des moyens importants du fait du classement du lycée en ZEP. Or la rumeur circule que, dès la rentrée 2015, ce pourrait ne plus être le cas. "Les profs perdraient alors leur bonification et demanderaient certainement à partir", s’inquiète Aurélien Sandos. Quant aux heures qui permettent à un tel dispositif de fonctionner (236 heures pour 2015), elles seraient revues à la baisse. Or, l'égalité des chances a un prix !

Isabelle Dautresme | Publié le