
Ce 17 mars 2025, le grand amphi du Medef (Mouvement des entreprises de France) est comble. Entrepreneurs et monde de l’éducation sont réunis autour du président des 200.000 entreprises adhérentes, Patrick Martin, au chevet d’une orientation "non satisfaisante" aux conséquences aussi nombreuses que dramatiques.
A titre individuel d’abord, pour les milliers de jeunes qui peinent à trouver leur voie, mais aussi à moyen terme pour les entreprises, qui peinent à recruter les talents dont elles ont besoin.
Nous faisons face à un enjeu absolument majeur, il faut faire de l’orientation une grande cause nationale.
Patrick Martin est clair, "nous faisons face à un enjeu absolument majeur, il faut faire de l’orientation une grande cause nationale." Une ambition qui ne pourra se réaliser que "collectivement, en engageant l’ensemble des acteurs concernés" : éducation, régions, entrepreneurs, milieu associatif, partenaires sociaux.
Le président du Medef a souhaité se saisir de la question en créant un Pôle compétences, formation, jeunesse présidé par l’entrepreneur Pierre Courbebaisse. Patrick Martin a également recruté un expert de l’éducation et de la formation, Olivier Faron, ancien recteur et directeur d’institutions du supérieur (ENS Lyon, CNAM), pour le conseiller sur ces enjeux.
Créer un "bilan d’orientation" à l’image du bilan de compétences
Parmi les propositions, on peut noter l’idée d’instaurer un "bilan d’orientation" à l’image d’un bilan de compétences. Une piste intéressante, car au collège et au lycée, les élèves construisent leur avenir, une démarche pour laquelle la capacité à savoir s’orienter est cruciale. Or, s'orienter est une compétence qui s’apprend. Imaginer un bilan permettrait d’évaluer son développement et de l’accompagner individuellement.
Dans la même perspective, une autre proposition vise à mieux formaliser les compétences, cette fois comportementales, des élèves, en créant des open badges sur les soft skills acquises durant leurs différentes expériences.
Corréler la carte des formations aux besoins des entreprises
L'organisation patronale a une carte importante à jouer dans son souhait de faire entendre la voix des entreprises dans la définition de la carte des formations. L’enjeu : la corréler aux besoins en recrutements et en compétences.
Le risque : tomber dans une forme d’adéquationnisme dénoncé par les enseignants et une partie de la société au motif que l’orientation ne peut suivre une logique purement technique d’adéquation stricte entre besoins de l’économie et formation de profils formatés.
Il y a urgence à réfléchir et agir pour préparer les compétences de demain.
Le lien entre formation et donc orientation, intéresse les entrepreneurs au premier chef en tant que recruteurs de jeunes diplômés. "Nous faisons face à des difficultés à recruter aujourd’hui dans certains domaines", a rappelé Patrick Martin, qui a aussi souligné les immenses défis à venir en matière climatique, liés à l’IA, au nucléaire ou encore à la question démographique. Le président des entrepreneurs souligne l’urgence de réfléchir et agir pour préparer les compétences de demain."
Les entrepreneurs sont ainsi des soutiens de la première heure de la réforme de la voie professionnelle. Ils ont applaudi la création des bureaux des entreprises dans les lycées pour renforcer les relations école entreprise. Autant de relations qu’ils appellent à multiplier pour éviter "le développement de formations hors sol et déconnectées de la notion d’employabilité".
La Dgesco (directrice générale de l'enseignement scolaire), Caroline Pascal, a également abondé dans ce sens. "Il faut sortir des représentations et stéréotypes sur les formations généralistes et professionnelles, insistant sur le fait de sortir du paradoxe sur une formation adéquationniste avec les besoins des entreprises et une formation éthérée qui servirait tout et le tout le monde."
Développer les immersions en entreprises pour les élèves et les enseignants
Patrick Martin a rappelé que la "contribution [du Medef] sur le sujet formation et orientation est ancienne", avec notamment la création de la semaine école entreprise par le Medef Rhône-Alpes, il y a 29 ans.
L'an dernier, au lancement du stage de seconde, les entrepreneurs ont répondu présents, alors que cette première édition a été lancée tardivement par le gouvernement. Ils se sont engagés cette année à accueillir les 700.000 lycéens concernés.
Pour aller plus loin, le Medef propose de consacrer un tiers des heures dédiées à l’orientation entre la 5e et la terminale à des immersions en entreprise, pour découvrir des métiers et des secteurs.
La connaissance des métiers permet "de se faire une vision du travail pour pouvoir s’y projeter de manière positive" a ajouté Samuel Tual, vice-président du Medef. C’est l’objet de la proposition visant à multiplier les ponts entre les mondes de l’éducation et de l’entreprise en favorisant des immersions pour les élèves, les enseignants et les salariés.
Les entrepreneurs proposent, par ailleurs, de cartographier les initiatives des Medef territoriaux qui peuvent contribuer aux activités pédagogiques d’orientation.
La mobilisation en faveur de l'orientation sera collective ou ne sera pas
Pour mettre au point ses propositions, le Pôle compétences, formations et jeunesse a mené des auditions auprès d’experts de l’orientation et de la formation. Il a également travaillé avec le cabinet Olecio qui avait réalisé le rapport sur le service public régional de l’orientation pour le compte de Régions de France.
Cette démarche collaborative fait écho à la nécessité d'œuvrer collectivement en matière d'orientation. Olivier Faron a insisté sur le fait que pour permettre une orientation réussie et pertinente de chaque jeune, "chacun à un rôle à jouer en collaboration et complémentarité : acteurs politiques, régions, Etat, et monde de l’entreprise."
Les propositions du Medef sont ainsi un appel à toutes les forces vives dans les territoires. Un appel important alors que l’articulation des responsabilités et missions entre l’Etat et les régions depuis la loi de 2018 qui leur confie la mission d’information à l’orientation n’est pas encore optimale. La Dgesco a elle aussi insisté sur le nécessaire consensus entre acteurs éducatifs, régions et entrepreneurs pour agir en matière d’orientation.
Sur un sujet de l’orientation si immense et complexe, les seuls enjeux et engagements des entrepreneurs, aussi cruciaux soient-ils, ne pourront être le seul paramètre à la réussite de leurs ambitions.
"Être les entrepreneurs de l’orientation"
Les propositions des entrepreneurs pour accompagner la découverte des métiers et du monde professionnel vont dans le sens de la volonté du ministère "que la connaissance des métiers doit avant tout éviter que les jeunes se dirigent uniquement vers ce qu’ils connaissent. Il faut donc les ouvrir le plus tôt possible", a rappelé Caroline Pascal.
Dans une analogie chère au Medef, l’ancien recteur Faron a résumé "nous devons tous être entrepreneurs de l’orientation et chaque jeune doit être l’entrepreneur de sa propre orientation."
L’objectif du Medef est de rapprocher aspirations des jeunes et besoins des entreprises.
Les propositions des entrepreneurs s’articulent autour de trois enjeux :
Enjeu 1 : Faire de l’orientation une grande cause nationale, articulée autour d’une stratégie nationale concertée.
Enjeu 2 : Renouveler les représentations des filières de formations et des métiers, pour lutter contre l’ensemble des biais, obstacles à une orientation réussie.
Enjeu 3 : Développer la contribution des acteurs du monde économique aux parcours d’orientation.