Le nombre de saisines traitées par la médiatrice de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur a explosé en 2020

Thibaut Cojean Publié le
Le nombre de saisines traitées par la médiatrice de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur a explosé en 2020
Remise du rapport de la médiatrice de l'Education nationale // ©  Thibaut Cojean
Plus de 18.000 saisines ont été traitées en 2020 par la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Une très forte augmentation de demandes qu’elle attribue en partie à la crise sanitaire et à ses conséquences.

En 2020, l’équipe de 64 médiateurs académiques de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur n’a pas chômé : 18.800 demandes ont été traitées au cours de l’année civile. "Une augmentation de 18%, contre 4 à 5% par an en temps normal", observe Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice nationale de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur.

Des difficultés exacerbées par la crise sanitaire

A la remise de son rapport intitulé "Favoriser le bien-être pour la réussite de chacun", la médiatrice parle d’une "année très difficile, particulièrement à cause de la crise sanitaire, chambre d’écho à toutes les tensions, inégalités et failles du système éducatif". En 2020, la crise sanitaire a en effet entraîné la fermeture des écoles, collèges, lycées et établissements du supérieur pendant plusieurs semaines, suscitant logiquement de nombreuses saisines. "Globalement, les sujets sont les mêmes que d’habitude, mais exacerbés", poursuit Catherine Becchetti-Bizot, qui précise que "les publics défavorisés sont les plus touchés".

Globalement, les sujets sont les mêmes que d’habitude, mais exacerbés (C. Becchetti-Bizot)

Au total, huit saisines sur dix proviennent des usagers (élèves et leurs familles), dont 45% de l’enseignement secondaire public. Mais "à cause du contrôle continu, on a aussi reçu énormément de réclamations du privé hors contrat, qui ne savait pas si les méthodes des établissements allaient être reconnues pour le bac", développe la médiatrice. Les examens et concours d’entrée aux écoles sont le sujet de 28% des saisines des usagers en 2020, presque autant que l’inscription et l’orientation (31%) et un peu plus que la vie scolaire et universitaire (24%).

Une importante mission d’information

Dans le cas des questions relatives aux modalités des examens, la médiation endosse un rôle d’informateur. La médiatrice estime justement que "70% des saisines sont dues à un manque d’information ou une absence de réponse. Souvent, ce ne sont pas des réclamations mais des appels à l’aide, et on a fait beaucoup de pédagogie, avec l’objectif d’apaiser, de réduire les tensions."

Le service public a connu des discontinuités (C. Becchetti-Bizot)

Sans incriminer l’administration, Catherine Becchetti-Bizot estime que "le service public a connu des discontinuités" et que "les profs ont été en difficulté". "A un moment de l’année, nous étions les seuls à répondre au téléphone", a-t-elle constaté. Elle se félicite d’ailleurs d’un taux de saisines clôturées de 80%, et voit cette efficacité comme une autre raison de l’augmentation du nombre de sollicitations reçues.

Améliorer le départ et la transition des personnels

Par ailleurs, 20% des saisines provenaient des personnels, dont 55% des enseignants titulaires. De ces échanges, la médiatrice a souhaité mettre en avant la notion de bien-être. "Ce n’est pas un supplément d’âme. Se sentir bien dans son travail est une condition de la réussite, on s’en est encore mieux rendu compte cette année." Et si les questions financières sont les plus récurrentes (25%), "cette thématique dépasse très largement la rémunération", estime-t-elle.

Selon le rapport, améliorer les conditions de départ des personnels est une piste à explorer. La médiatrice recommande notamment de mieux accompagner les départs à la retraite, de mieux anticiper les ruptures conventionnelles pour répondre convenablement aux demandes ou encore de privilégier le règlement amiable des litiges. Catherine Becchetti-Bizot reconnaît que ce sera difficile, car "au-delà du rapport, c’est surtout un enjeu culturel".

Il n’est pas normal que des demandes qui pourraient être traitées facilement par l’administration arrivent chez le médiateur.

Le rapport pousse aussi à favoriser les relations entre les personnels et l’administration à travers la médiation et la communication. "Il n’est pas normal que des demandes qui pourraient être traitées facilement par l’administration arrivent chez le médiateur", martèle la médiatrice nationale, qui vise "les difficultés du ministère à répondre à ses interlocuteurs". Un sentiment encore plus présent en 2020, "accentué par le processus de dématérialisation des services, qui accroît la sensation de déshumanisation".

Pour Catherine Becchetti-Bizot, "répondre efficacement aux questions simples que se posent les usagers et le personnel" nécessite de "gros progrès". Elle recommande de pallier le manque d’intermédiaires en recrutant des personnels médico-sociaux et en format des profs et des cadres à la médiation.


Refonte de Trouvermonmaster.gouv.fr

En 2020, une saisine des usagers sur trois a été faite par un étudiant de l’enseignement supérieur public. De nombreuses réclamations émanaient d’étudiants refusés en master, qui voulaient faire valoir leur droit à la poursuite d’études. "La difficulté des étudiants en licence est qu’ils s’inscrivent dans des universités différentes avec des calendriers différents, sans visibilité sur le nombre de places ou la longueur des listes d’attente", résume Danielle Rabaté-Moncond’huy, chargée de mission auprès de la médiatrice.

Le plus souvent, les tensions sont constatées dans les filières en droit et en psycho. Et si le rectorat peut intervenir, "la plupart du temps c’est inefficace" car les listes d’attente sont encore pleines. Le rapport exprime plusieurs recommandations pour accompagner ces étudiants, qui passent notamment par la refonte de la plateforme Trouvemonmaster.gouv.fr : une meilleure information, une harmonisation des calendriers de recrutements ou encore "la création d’un portail sur le modèle de celui de Parcoursup intégrant l’offre de formation, les vœux des candidats et les résultats d’admission."

Une recommandation qui a été entendue, puisque la transformation de la plateforme a déjà été annoncée par Anne-Sophie Barthez.

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