ESCP Europe à la recherche de la taille critique

Cécile Peltier Publié le
ESCP Europe à la recherche de la taille critique
L'école de commerce veut continuer à faire de ses campus européens (Berlin, Londres, Madrid, Paris, Turin et Varsovie) un argument de différenciation. // ©  ESCP Europe
L'école de commerce multicampus, qui devra bientôt se passer de la dotation de sa tutelle, vise d'ici à 2022 un doublement de ses effectifs et une augmentation de son corps professoral. Des évolutions qui doivent lui permettre de conserver son rang sur la scène internationale.

Atteindre la fameuse "taille critique" pour trouver sa place sur un marché désormais mondialisé. Cette nécessité n'aura échappé à personne ou presque dans le milieu des business schools françaises. L'ESCP Europe ne fait pas exception à la règle. Le plan stratégique 2017-2022, présenté mardi 12 septembre 2017 par le directeur général de l'école de management, Frank Bournois, mise sur une croissance quantitative et un rayonnement de la marque, dans le respect de son identité européenne.

"Les business schools qui, comme nous, veulent être à la fois des teaching et des research schools ont besoin d'une production de recherche significative, assurée par un corps professoral en propre. Plus ce dernier est fourni, plus sa production est importante et plus il renforce la différenciation stratégique de l'école sur des thématiques données comme l'interculturel ou le management comparé", décrypte le patron. 

La doyenne mondiale des business schools vise ainsi, à l'horizon 2022, 195 professeurs permanents contre 145 aujourd'hui, et plus de 6.000 étudiants (elle en compte actuellement environ 3.800) dans ses formations diplômantes. Un effectif qui la placerait au niveau des plus belles écuries européennes.

Plus d'étudiants dans le Bachelor et les masters spécialisés

Un partie de cette croissance porterait sur le bachelor en trois ans de l'école, lancé en 2015, dont les effectifs devraient passer de 290 étudiants (165 à Londres et 125 dans le bachelor parisien ouvert à la rentrée 2016) à plus de 400 dès 2018. "Nous observons, comme en témoigne notre dernier recrutement, qu'une part croissante d'étudiants de bon niveau souhaite s'orienter vers un bachelor en France et à l'étranger. Et l'ESCP le permet", se félicite Frank Bournois. 

Les business schools qui, comme nous, veulent être à la fois des teaching et des research schools ont besoin d'une production de recherche significative, assurée par un corps professoral en propre.
(F. Bournois)

L'école prévoit aussi de développer son portefeuille de Msc (Master of Science) et de MS (Mastères spécialisés). Elle envisage également de déployer une partie de ses programmes au format online, à l'image de son Executive Master in International Business, lancé il y a deux ans sur le campus de Madrid. Mais ces cursus ont un coût pédagogique et d'encadrement.  Ils ne devraient donc pas concerner plus d'un étudiant sur dix d'ici à cinq ans.

Il n'est pas question, en revanche, de toucher au programme grande école – autour de 900 étudiants – dont l'établissement souhaite au contraire conforter l'image d'excellence. "Nous avons renforcé la sélectivité des admissions sur titre et le nombre de places ouvertes aux étudiants de prépa au concours qui était de 355 places en 2016 passera à 370 en 2018", précise le directeur académique, Léon Laulusa. Une nouvelle qui devrait réjouir les petites écoles qui peinent déjà à recruter...

Une expérience internationale renforcée

Sur le plan pédagogique, l'école promet pour l'ensemble de ses programmes une expérience internationale renforcée et davantage d'individualisation des parcours, grâce notamment à l'utilisation du numérique. D'ici à 2022, les cours classiques en amphithéâtre ou en travaux dirigés ne devraient plus représenter qu'un tiers du volume horaire. Un deuxième tiers sera occupé par des cours au format numérique. 

"Quant au tiers restant, il sera occupé par des sessions d'accompagnement par petits groupes de 10 ou 15 élèves réunis autour d'un professeur afin d'échanger sur ce qui a été acquis sous les deux formules et mérite un approfondissement", détaille Frank Bournois.

Cinq ans pour atteindre l'autonomie financière

Les frais de scolarité versés par ces nouveaux étudiants devraient, comme c'est le cas aujourd'hui, contribuer à hauteur de 75 % au budget de l'école. Ce dernier devrait passer de 84 millions à 125 millions d'euros en 2022 (+49 %).

L'école, qui vise l'autonomie financière à cinq ans, mise sur l'augmentation des recettes tirées de l'executive education, de la Fondation ou des fonds européens pour compenser la disparition de la dotation d'équilibre annuelle de la CCI Paris-Île de France – soit une perte d'environ 10 millions d'euros – et la diminution de la partie "barème" de la taxe d'apprentissage.

En route vers l'EESC

Le passage au 1er janvier 2018 de l'ESCP au nouveau statut d'EESC devrait faciliter le développement de ces nouvelles activités. "L'assemblée des élus qui s'est tenue en juillet a permis de régler la question des statuts, assez proches de ce qui a été mis en place à HEC", indique Frank Bournois. La chambre, qui reste actionnaire majoritaire, possédera l'essentiel des voix (13 sur 25) au sein du conseil d'administration de la nouvelle société anonyme, où siégeront également des représentants des salariés, des étudiants, des anciens ou encore des membres de la gouvernance des campus étrangers. 

La nature des éléments apportés par la tutelle au capital de la nouvelle EESC, en revanche, ne sera pas arbitrée avant le mois de décembre. La chambre décidera-t-elle, comme elle l'a fait pour HEC de faire cadeau à l'école de son patrimoine immobilier ? "La question, qui fait l'objet d'une discussion ouverte et concertée avec les parties prenantes concernées, n'est pas un objet de tension. L'essentiel est d'avoir les moyens de développer une pédagogie de qualité. Ensuite, que cela se pratique dans des locaux en propre ou dans des locaux loués, cela n'a pas d'importance !", esquive Frank Bournois.

La valorisation de la marque – en cours – devrait également aboutir fin 2017. "C'est un processus complexe. ESCP Europe intervient sur le marché national et sur le marché international, où nous faisons face en Espagne ou en Angleterre à de très gros compétiteurs, dotés de moyens bien supérieurs à ceux des institutions françaises", précise Dimitri Champollion, directeur de la communication. Une réflexion intéressante pour l'école, dont l'avenir passe dans les années qui viennent par un rayonnement accru de sa marque.

Après l'aventure Hésam, les discussions avec Paris 1 et Paris 2 se poursuivent
La visibilité des écoles de management dans les classements internationaux dépend en partie de leur capacité à s'allier à d'autres institutions. Après son départ d'Hésam, en juillet 2017, ESCP Europe poursuit les discussions entamées avec les universités Paris 1 et Paris 2 en vue d'un nouveau projet de coopération.

"Nous voulons une association avec le système de pilotage le plus léger possible, l'idée n'est pas de passer notre temps à gérer des questions de manière technocratique", rapporte Frank Bournois. Quant à savoir quand la nouvelle organisation verra le jour, le directeur est prudent : "Il faut respecter le rythme des différents partenaires", répond-il, tout en espérant que le projet verra le jour en 2018.

Cécile Peltier | Publié le