C'est un défricheur de l'e-éducation, un pionnier de l'EdTech française : le Learning Lab de l'Inria (Institut national de recherche en informatique et automatique) se définit comme "un soutien aux équipes de recherche en e-éducation." Ainsi, cette excroissance de l'organisme public de recherche défriche de nouveaux champs inexplorés du secteur, en nourrissant un important travail autour de la donnée.
Modéliser mathématiquement les apprentissages
"De façon générale, il existe une intéressante recherche sociologique sur l'e-éducation. On peut ainsi modéliser des masses d'air, des mouvements de foules à l'entrée ou la sortie d'une gare. Mais en comparaison, il existe très peu, en e-éducation, de modèle mathématique d'apprenant", pointe Jean-Marc Hasenfratz, le responsable d'Inria Learning Lab.
Les cours en ligne sont-ils suivis de façon chronologique ou séquentielle ? Quel temps de pause les apprenants marquent-ils entre chaque cours ? Quels outils de machine learning implémenter pour proposer des exercices adaptés ou des cours de rattrapage, en fonction des bonnes et mauvaises réponses de l'apprenant ?
Voilà quelques questions qui se posent aujourd'hui aux éditeurs de Mooc. Y répondre revient à modéliser mathématiquement une classe d'e-apprenants. Une solution qui ne relève pas de l'utopie, selon Jean-Marc Hasenfratz, par ailleurs docteur en informatique de l'université de Limoges.
Soutien aux établissements et contenus personnalisés
Ici, le rôle du Lab, composé de sept personnes réparties sur les sites de Grenoble et Sophia-Antipolis, n'est pas d'apporter de réponse toute faite aux universités et organismes de recherche français. En revanche, il peut mettre à leur disposition des jeux de données, afin de les aider à construire leur modèle mathématique.
"Chaque apprenant laisse des traces numériques quand il consulte un Mooc. Correctement analysées, ces données peuvent concourir à une personnalisation des contenus, comme le ferait un enseignant dans une classe", résume l'ingénieur de recherche.
Aider à la diffusion des Mooc via FUN
Si l'Inria Learning Lab s'intéresse de si près aux Mooc, c'est qu'il a concouru à leur diffusion en France, dès 2013, en aidant au développement de la plate-forme FUN (France université numérique). "À la demande du ministère de l'Enseignement supérieur, nous avons travaillé de concert avec Renater (Réseau national de communication électronique pour la technologie, l'enseignement et la recherche) et le Cines (Centre informatique national de l'enseignement supérieur) de Montpellier, qui héberge serveurs et outils de calcul dédiés à la recherche française", détaille Jean-Marc Hasenfratz. Objectif ? Conserver l'ensemble des données sur le territoire national. Il en fut ainsi jusqu'au choix de la plate-forme de diffusion : Dailymotion, alors propriété d'Orange, est préférée à YouTube.
Depuis juillet 2015, FUN est autonome. La plate-forme est régie par un GIP (groupement d'intérêt public), ce qui lui permet, en accord avec les enseignants (droits d'auteur obligent) et l'université ou l'organisme de recherche producteur, de facturer ses services, notamment auprès d'entreprises intéressées par le contenu des Mooc.
L'Inria Learning Lab, qui n'a pas vocation à produire ou commercialiser des contenus, n'a plus de rôle opérationnel, mais conserve une mission d'administrateur dans les instances dirigeantes du GIP. "Nous sommes heureux de ne pas avoir manqué le virage du Mooc, analyse, avec le recul, Jean-Marc Hasenfratz. Notre objectif est désormais de ne pas manquer le suivant."
Des nouvelles pistes de recherche
Dans son plan d'actions 2018-2022, l'Inria Learning Lab met en exergue quatre nouvelles pistes de développement.
- L'exploitation intensive et la copie des données disponibles sur le Web pour créer du matériel d'apprentissage. Cet enjeu implique notamment une indexation et une intégration de données nombreuses et hétérogènes.
- La capacité des apprenants à réfléchir et à suivre leur propre apprentissage, ce qui nécessite de travailler autour d'une modélisation de l'apprenant.
- L'adaptation du matériel didactique et des parcours d'apprentissage, afin de personnaliser au plus près l'enseignement. Il s'agit d'analyser le comportement de l'apprenant, sans empiéter sur les libertés individuelles.
- L'analyse des interactions homme-machine dans l'environnement d'apprentissage, avec l'introduction d'interactions, de réalité virtuelle, ou encore de 3D, etc.
Jeudi 29 mars, conférence EducPros
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