Les chambres de commerce ont-elles vocation à piloter des écoles ?

Jessica Gourdon Publié le
Les chambres de commerce ont-elles vocation à piloter des écoles ?
La CCI de Lyon // © 
En pleine période de réforme des chambres de commerce, la question de la gouvernance des écoles est en débat. Dans un article de recherche, Jean-Michel Sahut livre son point de vue sur cette question, et revient sur les défis stratégiques auxquels ces écoles sont confrontées.

Pression des accréditations, flambée des salaires des profs, concurrence internationale… Autant de difficultés qui obligent les écoles de commerce à repenser leur modèle économique, aujourd'hui vacillant. Dans ce contexte, "La gouvernance est un sujet extrêmement sensible", notamment parce qu'elle elle est "intimement liée aux modes de financement", affirme Jean-Michel Sahut, professeur de stratégie à HEG Genève, dans son article intitulé "les grandes écoles de commerce, modèle économique et stratégies" paraître dans la revue « Management et Avenir ».

Le rattachement des écoles aux chambres de commerce d'industrie, particularité unique au monde, est aujourd’hui en débat, à l’heure de la réforme des CCI, et alors que les nouvelles exigences internationales (accréditations) questionnent la pertinence de ce lien hiérarchique. D’autant que les subventions des CCI aux écoles ne cessent de diminuer en volume, pour ne représenter en moyenne que 10% de leur budget, d'après les chiffres de l'ACFCI .

Le processus de nomination du directeur en question

« Le directeur d’une école ne doit plus être dans une relation hiérarchique avec une CCI, et devrait être recruté selon un processus académique par un comité rassemblent l’ensemble des parties prenantes comme c’est l’usage dans les business schools internationales accréditées », écrit Jean-Michel Sahut, qui a notamment enseigné dans les ESC d'Amiens et La Rochelle.

Il poursuit : « Comment peut-on intéresser des entreprises au développement d’une école si on ne leur donne quasiment aucun pouvoir ? » De même, l’absence d’implication des étudiants dans la gouvernance est une autre illustration de l'absence de "contre-pouvoirs". "Cela explique aussi pourquoi les anciens contribuent peu" dans les campagnes de fund-raising, note au passage Jean-Michel Sahut.

Le passage au statut associatif a peu d'effets

Alors que de nombreuses écoles sont passées, au cours des cinq dernières années, du statut de "service géré" de chambre de commerce à celui d'association - comme dernièrement Reims management school ou l'ESC Troyes -, Jean-Michel Sahut estime que cela ne change pas "réellement" le rapport des pouvoirs. "Le directeur général est embauché par la CCI et reste sous son autorité", la chambre de commerce continue d'être très présente dans les conseils d'administration, et les entreprises qui y sont représentées ne sont pas  "réellement indépendantes de la CCI". Résultat : "les CCI gardent le pouvoir de décision dans les écoles qu’elles ont fondées alors que leur part dans le financement global de ces écoles ne cesse de diminuer".

Pour Jean-Michel Sahut, il devient donc impératif "d’instituer de nouveaux modèles économiques et de gouvernance" pour que les ESC "continuent à exister". Dès lors, va-t-on assister à une vague de rachats d'écoles consulaires par des groupes privés ? Certaines ont déjà commencé à prospecter.


L'avenir des "sup de co" en trois scenarios

Comment vont évoluer les écoles françaises au cours des dix prochaines années ? Dans son article, Jean-Michel Sahut esquisse trois scénarios.

- Les fusions tous azimuts, avec des partenaires étrangers ou locaux. Le mouvement a commencé : rapprochement entre Reims Management School et Rouen BS,  fusion ESC Lille/Ceram, alliance entre l'IAE et l'ESC de Brest, rachat par l’INSEEC de l’université de Monaco…

- La spécialisation dans le niveau bachelor (post-bac) de toutes les écoles de « faible notoriété ». En effet, ce « marché » est considéré comme plus rentable, « moins concurentiel » (car au recrutement plus local), et structuré par des règles d’accréditations « plus souples » (moins d'exigences en termes de recherche).

La disparition de certaines écoles. Alors que les écoles leaders se détachent, les écoles les plus fragiles réduisent leur taille pour des questions de coût, puis « disparaissent » ou sont « intégrées à l’université ».

En savoir plus, lire dans L'Expansion (mai 2011) :

"La planète business school entre en fusions"

"Les coulisses du mercato des profs stars"

Jessica Gourdon | Publié le