L'attente devrait bientôt se terminer. Pendant plus de 50 jours après la dissolution voulue par le président Emmanuel Macron et la défaite de son camp aux législatives qui a suivi, la France n’a pas eu de gouvernement de plein exercice, une situation inédite sous la Vᵉ République.
Mais le 5 septembre, Michel Barnier a succédé à Gabriel Attal au poste de Premier ministre. Reste à connaître désormais la composition de son gouvernement. En attendant, les chantiers sont nombreux dans l'Éducation nationale ainsi qu'au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
La rentrée scolaire, une affaire courante ?
Pendant près de deux mois, le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, a été en charge de gérer uniquement des "affaires courantes". Parmi celles-ci, on peut évidemment citer la rentrée scolaire, événement aussi majeur qu’habituel.
L'ex-ministre de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet s’est d’ailleurs prêtée au traditionnel exercice de la conférence de rentrée. Dans un format un peu moins calibré que d’habitude, elle a expédié les marronniers (nombre d’élèves, de professeurs, savoirs fondamentaux, excellence académique, etc.) et a assumé ses désaccords avec Gabriel Attal sur un ton inhabituel lors de ces moments habituellement formels, racontant le câlin que ce dernier a reçu de Brigitte Macron lors d’un cours d’empathie et se préparant à s’adonner à la "cueillette aux champignons".
Une feuille de route tracée pour l'Éducation nationale
Mais l'ex-ministre a aussi tracé un début de feuille de route pour l’année scolaire à venir. Si les textes concernant la réforme du brevet sont "gelés", les autres politiques initiées par son prolixe prédécesseur, Gabriel Attal, sont bien lancées. Les groupes de besoin (ou de niveau) sont mis en place, contre l’avis de l’immense majorité des enseignants et spécialistes de la pédagogie, dans une version allégée.
La réforme de la voie professionnelle suit sa route, alors même que le projet n’avait pas récolté de vote d’adhésion lors des conseils supérieurs de l’éducation. Et la prépa-2de sera bien testée cette année, sans savoir si, faute de refonte du brevet en 2025, elle a des chances d’exister plus d’un an.
Quel avenir pour les réformes engagées ?
L’année scolaire est donc lancée avec une incertitude qui ne date pas d’hier : en deux ans, quatre ministres différents ont déjà succédé au critiqué Jean-Michel Blanquer : Pap Ndiaye, Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castera et enfin, Nicole Belloubet.
Loin de clarifier la situation, la dissolution et les dernières élections législatives ont ajouté de l’incertitude à l’instabilité de la politique scolaire. Ces dernières années, les réformes se sont suivies au pas de course, sans études d’impact, sans assez de concertation selon les syndicats d'enseignants et encadrants de l'Éducation nationale, sans réel bilan et avec finalement peu d’ajustements. Les élèves sont incités à s’orienter de plus en plus tôt, et malgré les revalorisations, leurs enseignants restent parmi les moins bien payés d’Europe.
En cette rentrée 2024, de nouvelles réformes sont toujours en cours d’installation, sans que personne puisse se prononcer sur leur avenir. La prochaine nomination d'un ministre de l'Éducation ne résoudra probablement pas l'urgence à stabiliser l’école. Car parmi les seules certitudes de cette rentrée : il n’y a pas un enseignant devant chaque classe, comme le dénonce le Snes sur la base d'une enquête menée auprès de ses adhérents.
La régulation du privé lucratif et le budget, des chantiers sensibles dans le supérieur
Dans l'enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, ministre depuis mai 2022, a permis une plus grande stabilité dans le lancement et le suivi de réformes. Mais plusieurs chantiers demeurent aujourd'hui en suspens.
Le projet d'un label permettant de réguler les formations de l'enseignement supérieur privé, dans un contexte de boom des établissements lucratifs, favorisés par le financement de l'apprentissage, n'a pas pu aboutir alors que les annonces, enfin prêtes, étaient attendues pour le mois de juin. Nous vous en avions dévoilé les grandes lignes avant l'été.
"L'acte II de l'autonomie des universités" a aussi été lancé au printemps 2024, avec neuf établissements pilotes pour un an, à partir de juillet. Les universités choisies doivent mettre en place des expérimentations sur cinq thèmes : gouvernance, offre de formation, finances, patrimoine immobilier et ressources humaines. L'objectif à l'issue de cette année d'expérimentation est bien de généraliser le processus à tous les établissements. Un dossier dont devra se saisir le ou la prochaine ministre, dans un contexte délicat de budget restreint.
La question du budget pour le supérieur sera d'ailleurs à n'en pas douter un sujet épineux pour le prochain ministre. Les représentants des présidents d'université notamment (France Universités) tirent en effet la sonnette d'alarme depuis des années sur la sous-dotation d'un périmètre pourtant crucial pour l'avenir du pays, de sa jeunesse, de son économie et de son rang dans le concert mondial. Une communauté qui avait déjà réagi lors de l'annonce du budget 2024 pour le supérieur et la recherche.
Dès son arrivée, Sylvie Retailleau avait également pris en main le rapport Jouzel, délaissé par sa prédécesseure, et initié la formation obligatoire de tous les étudiants aux enjeux écologiques. Un projet ambitieux, mais coûteux. Alors que le nouveau Premier ministre, connu pour sa fibre écologique, a fait de la dette publique une priorité de son mandat, difficile de prédire si ce dossier restera en haut de la pile rue de Grenelle.
Par ailleurs, plusieurs postes stratégiques restent vacants dans le supérieur : c'est le cas du Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), mais aussi d'établissements prestigieux, comme l'Ecole polytechnique, Sciences po Paris ou PSL.
Orientation et précarité, des dossiers très attendus par les étudiants
Autre dossier important : la révision du système des bourses. Dans un contexte de précarisation croissante des étudiants, cette réforme, grand chantier du mandat de Sylvie Retailleau, a finalement été scindée en deux.
La première partie a été mise en place en septembre 2023. Une révision du barème a mené à une augmentation du nombre de boursiers, avec 35.000 étudiants supplémentaires cette année et au basculement à l’échelon supérieur pour 140.000 boursiers. Le second volet de la réforme, annoncé, pour la rentrée 2025, a pour principal objectif de supprimer les effets de seuil. Mais ce volet n'a pas été mené à son terme.
Un retard qui a laissé amers les syndicats étudiants qui alertent depuis des années sur la précarisation de la jeunesse. Ils avaient également dénoncé l'augmentation de la CVEC et le "non-gel", pour ne pas dire l'augmentation, des frais de scolarité à l'université que la ministre Retailleau avait annoncée pour cette année.
En revanche, le déploiement de la plateforme "Mon Master", créé en février 2023, continue, même si la plateforme évoluera sans doute encore pour sa troisième année de mise en place. Cet outil en ligne centralise, avec un calendrier commun, fixé au niveau national, toutes les candidatures en master, qui devaient auparavant être faites, une par une, auprès des universités.
Que ce soit dans le scolaire ou le supérieur, le profil et le positionnement des futurs ministres seront donc observés à la loupe par les acteurs de leurs écosystèmes. Du ou des futurs ministres d'ailleurs, car on peut aussi se demander si, comme le souhaite l'ensemble de la communauté éducative, Michel Barnier fera le choix d'un ministre de plein exercice pour le supérieur et la recherche.