Les couacs de la mobilité européenne

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Le diagnostic n’est pas nouveau, mais la conférence sur la mobilité européenne organisée le 4 et 5 novembre 2008 à Nancy dans le cadre de la présidence française de l’union a eu le mérite de rappeler sans fard combien la mobilité des étudiants en Europe reste l’apanage d’une minorité. «Elle est encore considérée comme une forme de tourisme amélioré », résume Yves Bertoncini du Centre d’analyse stratégique (CAS).

Seuls 4 % d'étudiants "mobiles"

Les chiffres communiqués par Valérie Pécresse en ouverture de la conférence nancéienne sont sans appel. Seuls 4 % d’étudiants européens peuvent mentionner un séjour à l’étranger sur leur cursus, 3% des enseignant-chercheurs travaillent dans un autre pays membre, plus de 600 établissements européens (sur 3500) ne proposent aucun programme Erasmus (comme c'est le cas pour les écoles d’infirmières), et en France, sur les 27 000 bourses Erasmus attribuées en 2007, 4000 n’ont pas trouvé preneur.

Envie de partir ?

Finalement, au cœur du débat sur la mobilité, reposent deux présupposés qui n’ont longtemps jamais été vraiment questionnés. Le premier, l ‘existence d’un désir de mobilité « naturel » chez les étudiants a été largement démonté par le rapport du Centre d’analyse stratégique (juillet 2008) . Quant à l’existence d’une plus-value évidente de l’expérience à l’étranger sur un CV, elle mérite aussi d’être précisée. Les étudiants sont loin d’en être convaincu. La multiplicité des obstacles à surmonter (linguistique, financier…), parfois réels, parfois dûs à un manque d’informations, expliquent leur sédentarité tant le rapport coût du départ/retour sur investissement apparaît négatif.

Pour plusieurs experts, les étudiants européens travaillant de plus en plus pour financer leurs études, ils ne veulent pas prendre le risque de perdre leurs ressources en partant six mois ou un an à l’étranger. Autre difficulté : la validation du séjour d’études est loin d’être systématique. Plus de 80 % des étudiants Erasmus partent sans que leur contrat d’études (qui définit la liste des cours suivis et des ECTS correspondants) ne soit signé a estimé un français, expert de Bologne.

Des cursus à l'étranger mal reconnus

Cette absence de garantie quant à la validation du cursus n’est « pas tolérable », selon Valérie Pécresse. D’après la ministre, 20 % de la mobilité Erasmus n’est pas reconnue dans le cursus, sans que l’on sache si ces chiffres concernent la France seule ou l’Europe. Au final, on notera qu’aucun objectif chiffré ne devrait être finalement proposé aux 27 partenaires européens par la présidence française lors du prochain conseil des ministres de l’éducation le 20 novembre 2008, à Bruxelles.

A défaut, la France travaille à une proposition pour s’engager à reconnaître une période à l’étranger (étude, formation ou stage) comme une composante pleine et entière d’un cursus. «Dans la situation économique actuelle, tout engagement avec un objectif ciblé et des ressources en conséquences suscite beaucoup de réticences des partenaires européens », a insisté Barbara Nolan, représentant la direction de l’éducation à la commission.

Le financement en question

Parmi les propositions envisagées pour relancer la mobilité figurent la diversification des moyens de financement (fond de la Banque européenne d’investissement, Fond social européen, bourses parrainées par des entreprises privées…), l’amélioration de la portabilité des bourses des prêts et droits sociaux d’un pays à l’autre ou encore un engagement des établissements sur une charte de qualité en matière d’accueil et d’information des étudiants. Pas sûr qu’en absence d’un signe politique fort, cela soit suffisant pour sortir du concept de « tourisme amélioré ».

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