Les "déchiffreurs de l’éducation" contre la "censure" des statistiques

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Le collectif des déchiffreurs de l’éducation est né le 4 avril 2012. Il entend garantir l’autonomie des professionnels de la statistique et de l’évaluation vis-à-vis des responsables politiques de tous bords.  

« Apporter des éléments objectifs au débat public sur l’éducation » et « lutter contre la désinformation et la censure », tels sont les principaux objectifs du « collectif des déchiffreurs de l’éducation », qui a vu le jour mardi 4 avril 2012. Ce collectif est né sous l’impulsion de professionnels de la statistique et de l’évaluation, comme Jean Claude Emin, ancien sous-directeur à la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), et Daniel Blondet, ancien chargé d’études à la Dgesco (Direction générale de l’enseignement scolaire). Regroupant également des organisations syndicales, des associations, ainsi que des personnalités du monde universitaire, ce collectif « ouvert à tous les acteurs amenés à produire, exposer et utiliser des données et des évaluations sérieuses » est né en réaction aux « publications bloquées, chiffres fantaisistes et statistiques détournées ».

Son ambition ? « Garantir les conditions nécessaires pour assurer l’indépendance et l’autonomie scientifique des professionnels des services statistiques et d’évaluation des ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche par rapport aux responsables politiques, et ce, quel que soit le gouvernement », assure Jean-Claude Emin. 

Les déchiffreurs de l’éducation se sont dotés d’un blog strong>www.lesdechiffreurs.com, hébergé par le Crap-Cahiers pédagogiques, l’un de ces membres, pour rendre public « des données scientifiquement fondées permettant de contrer les allégations mensongères ou fantaisistes qui circulent sur notre système éducatif » et « faire connaitre les données utiles au débat public qui pourraient être occultées ou censurées ».

Des études dans les tiroirs

« Des blocages ont entravé la publication des données relatives au système éducatif et des évaluations de la DEPP, ainsi que des rapports des inspections générales ou de chercheurs pourtant commandités par les services ministériels », poursuit l’ancien sous-directeur à la DEPP. « Une étude sur l’aide personnalisée, l’une des mesures-phare du gouvernement, est dans un tiroir du ministère alors qu’il faudrait savoir quels en sont les effets », complète Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUIPP-FSU, rappelant également la mise au pilon de l’enquête de Mathieu Valdenaire et Thomas Piketty sur l’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire (lire l’interview que Thomas Piketty avait accordée à Educpros sur ce sujet ).

« La FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) participe à la démarche parce que l’information doit primer sur la relation publique et qu’aujourd’hui la statistique publique est vécue comme un argument de promotion et non un outil d’info pour permettre aux gens d’agir », justife Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE, avant d’affirmer que « la statistique publique est un bien public qui doit être partagé par tous ». « Que le ministère demande ses propres études, c’est normal. Qu’il fasse de la rétention d’informations, cela ne l’est pas », renchérit Luc Bentz, secrétaire national de l’UNSA-Education.

"Une volonté de censure"

Témoignant du « mal-être de nombreux fonctionnaires dans une administration centrale qui s’est politisée à outrance depuis de nombreuses années », Claude Marchand, du syndicat CGT de l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale, se félicite de la naissance de ce collectif. Il n’hésite pas à dénoncer « une volonté de censure, en dépouillant la DEPP de ses responsabilités et en faisant de plus en plus appel à des consultants privés pour réaliser diverses études ».

223 000, 254 000, 306 000 ou 120 000 décrocheurs ?

Une première publication du collectif se penche sur le nombre de décrocheurs. Les déchiffreurs de l’éducation reviennent sur les chiffres avancés par Luc Chatel, ministre de l’éducation, qui a évoqué successivement 254 000, 223 000, ou encore 306 000 décrocheurs. Des chiffres jugés « non significatifs, incohérents et non comparables au fil des ans » par le collectif. Une surévaluation par l’addition de jeunes sortis sans diplôme avec ceux qui « risquent » de le faire et ceux qui quittent un établissement, alors qu’ils peuvent se réinscrire ailleurs. Les déchiffreurs de l’éducation comptabilisent pour leur part les jeunes quittant le système éducatif sans diplôme, c’est à dire sans le bac, le BEP ou le CAP. 120 000 décrocheurs chaque année. Une différence de taille.

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