Les écoles d’ingénieurs à l’épreuve des politiques de site

Sylvie Lecherbonnier Publié le
Les écoles d’ingénieurs à l’épreuve des politiques de site
L'Insa de Strasbourg // © 
Quelle place dans les PRES pour les écoles d'ingénieurs ? La commission «Territoires» de la Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) a effectué un premier tour de France des sites universitaires du Nord-Pas-de-Calais, de Bretagne, Bordeaux, Nancy, Strasbourg et Toulouse. Son constat : un sentiment d’incertitude domine aujourd’hui au sein des écoles d’ingénieurs. « La tête à l’international et les pieds dans le local », elles ressentent un décalage entre le rôle qu’elles jouent pour l’attractivité de leur territoire et la place centrale des universités au sein des PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur).

Les écoles d’ingénieurs reprochent avant tout aux PRES de s’être construits « dans une logique de structure alors qu’elles ont une approche “projet” de leur coopération, confie Jean-Claude Duriez, directeur de l’École des mines de Douai et président de la commission Territoires précitée. Pour les écoles, la logique de structure n’est pas une fin en soi. Elles ont une vision plus “bottom-up” des collaborations. »

Parmi les freins à la coopération entre écoles et universités, la gouvernance de ces nouveaux pôles est clairement en cause. Globalement, les écoles d’ingénieurs ont eu l’impression de « subir la gouvernance du PRES et de ne pas avoir assez participé à son élaboration ». Jean-Claude Duriez le confirme : « Les écoles d’ingénieurs participent toujours au PRES, mais ne sont pas forcément représentées de la manière qui serait la plus légitime. »

Des effets déstructurants sur la concertation entre écoles

Dans certains cas, la commission fait même état des effets « déstructurants » du PRES sur la collaboration entre écoles d’ingénieurs. « Une politique concertée devient difficile à mettre en place à partir du moment où, sur un même site, des écoles sont membres fondateurs du PRES, certaines membres associés et, d’autres, complètement exclues », commente le directeur des Mines de Douai.

Autre dommage collatéral : le PRES peut faire écran dans la relation directe qu’avaient nouée les écoles avec les collectivités territoriales. Pour Jean-Claude Duriez, « les élus locaux ont un rôle décisif à jouer sur les politiques de site. Ils peuvent peser sur l’influence des uns et des autres. »

Une plus grande implication dans les pôles de compétitivité

Les écoles d’ingénieurs se sentent beaucoup plus à l’aise dans les pôles de compétitivité. « Nous y avons retrouvé nos interlocuteurs, nos intérêts et nos modes de fonctionnement », souligne le président de la commission Territoires. Dans ces structures, les écoles d’ingénieurs sont en position de force. Ainsi, ce sont souvent les écoles internes aux universités qui représentent ces dernières au sein des pôles. Petite déception cependant : l’absence de coordination entre le PRES et les pôles de compétitivité.

Les collégiums, la solution miracle ?

La mise en œuvre de ces différentes politiques de site n’a pas eu que des effets négatifs pour les écoles d’ingénieurs. Un « nouveau dialogue » s’est instauré entre écoles et universités. « Partout où la discussion a réussi à s’établir, les difficultés se sont peu à peu estompées », selon l’optimiste Jean-Claude Duriez.

Autre conséquence : les écoles d’ingénieurs ont été obligées de « redéfinir leur positionnement stratégique au niveau de leur territoire et d’envisager de nouvelles synergies ». Pour s’affirmer par rapport à un PRES, promouvoir l’offre de formations d’ingénieurs ou développer des projets communs, les écoles d’un même site adoptent peu à peu des stratégies concertées.

À chaque situation, sa réponse : Institut polytechnique de Bordeaux, ToulouseTech, AlsaceTech... Face à ces problématiques, Jean-Claude Duriez croit à l’avenir des collégiums. Une manière de concilier, selon lui, l’existence du PRES et la visibilité des écoles d’ingénieurs sur un même site.

Sylvie Lecherbonnier | Publié le