Les enseignants-chercheurs et la crise : deux regards originaux sur la mobilisation actuelle

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En parallèle des débats houleux qui se déroulent depuis plusieurs semaines dans la presse, à propos de la réforme du décret de 1984, deux enseignants-chercheurs s'expriment le 10 février 2008 dans La Tribune et Libération, l'un d'un point de vue économique soumettant plusieurs mesures à appliquer en temps de crise, l'autre en mettant en scène la petite histoire de la modification du décret sur le statut des enseignants-chercheurs.

« L'enseignement supérieur dans la relance de l'économie » , un point de vue de Jean-Marc Schlenker, mathématicien professeur à l'université Toulouse 3, publié dans la Tribune du 10 février 2009.

Jean-Marc Schlenker ouvre un nouveau volet de réflexion, économique, sur les réformes actuelles dans l'enseignement supérieur. « Les investissements dans la recherche, bien que nécessaires pour l'avenir, sont inadaptés », note le mathématicien, d'entrée de jeu. Pour ensuite proposer deux mesures intéressantes.

Première d'entre elles : « Augmenter temporairement, mais massivement, le nombre d'allocations de thèse ». Cela permettrait notamment de retarder l'entrée des diplômés sur le marché de l'emploi, dans un moment de crise difficile. Coût annuel de l'ordre de 120 millions d'euros.

Seconde mesure : « accorder des moyens spécifiques aux universités pour employer des étudiants avancés (meilleurs étudiants de L3, M1 et M2 et doctorants) pour enseigner aux premiers niveaux et pour contribuer à la recherche ». Grâce aux « teaching » ou « research assistants », les enseignants-chercheurs seraient déchargés et des économies seraient réalisées. Une heure de TD menée par un étudiant de M1 ne coûte pas le même prix que celle dispensée par un professeur.

Le mathématicien de Toulouse 3 voit dans cette seconde mesure la possibilité, à plus long terme, de « diminuer le coût de l'enseignement supérieur en réduisant le nombre de postes d'enseignants-chercheurs ». Une proposition qui risque de ne pas plaire à tout le monde. De nombreux syndicats étudiants avaient ainsi dénoncé le recours à des étudiants « avancés », pour effectuer les tutorats renforcés du Plan Licence.

Autre option avancée par Jean-Marc Schlenker pour l'avenir de cette mesure : un moyen d'améliorer la recherche publique, en déchargeant les chercheurs les plus actifs d'une partie de leur enseignement. Plus consensuelle.

« Socrate, au boulot », une tribune publiée par Emmanuel Pernoud, maître de conférences en histoire de l'art (université de Picardie), dans Libération du 10 février 2009.

Emmanuel Pernoud écrit une petite parabole en imaginant les origines du projet de réforme du décret de 1984, né dans l'esprit de Nicolas Sarkozy, scandalisé d'apprendre qu'un enseignant-chercheur publiait de nombreux articles, tandis qu'un autre, rien.

Le « bon » publie, exerce des fonctions administratives et assume sans broncher diverses missions officielles, tandis que l'autre a décidé « d'aller prodiguer son enseignement dans les hall des gares ou des grands hôtels ». « Un vrai clodo de la recherche française », raconte avec ironie le maître de conférences en histoire de l'art.

« On a donc décidé d'en finir avec cette mascarade des enseignants-chercheurs qui ne font qu'enseigner, qui ne cherchent rien, qui donc ne risquent pas de trouver quoi que ce soit ». Une petite histoire à méditer.

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