Présidentielle 2017 : les grandes écoles veulent faire entendre leurs voix

Paul Conge Publié le
Présidentielle 2017 : les grandes écoles veulent faire entendre leurs voix
La Conférence des grandes écoles a commencé son travail de lobbying pour peser dans l'élection présidentielle. // ©  Denis Allard / R.E.A
Alors que les questions d’enseignement supérieur et de recherche risquent d'être reléguées au second plan pour 2017, la Conférence des grandes écoles entend peser dans le débat. Elle dévoile, ce 29 septembre, 24 propositions pour l’enseignement supérieur.

La Conférence des grandes écoles cherche des porte-voix pour la présidentielle. Ce jeudi 29 septembre, au Sénat, la CGE présente 24 propositions "pour un enseignement supérieur agile, attractif, soutenable et ouvert", qui ne se limite pas aux seules grandes écoles. Son leitmotiv : "Faire réussir la jeunesse."

un changement de culture dans le sup

Peser dans le débat présidentiel, la tâche est ardue. Pierre Tapie l'a bien compris. Assis sur un strapontin rouge de la salle Monnerville, l'ancien président de la CGE observe que "le sentiment d'urgence de la société porte sur d'autres priorités : les décrocheurs, la sécurité, les questions militaires... La question de la paupérisation de nos établissements, je ne suis pas sûr qu'elle ait percolé dans les têtes de notre personnel politique."

À la tribune, Jean-Michel Blanquer, directeur général du groupe Essec, ne dit pas autre chose : "Le sujet paraît élitiste, pas très sexy, alors que c'est un sujet clé, un pivot, l'institution matricielle de la société..."

La conférence s'ouvre sous les auspices de la marraine de la rencontre, Dominique Gillot, sénatrice (PS) du Val-d'Oise. Dans son discours d'ouverture, elle témoigne du souci de porter le sujet aux oreilles des politiques : "Il faut faire état des changements à opérer dans notre système éducatif, de la maternelle au doctorat, tout en accompagnant l'épanouissement des étudiants." Aux yeux de la présidente du CGE, Anne-Lucie Wack, ces 24 propositions aspirent à provoquer un "changement de culture dans l'enseignement supérieur, qui, dans sa forme actuelle, grève la trajectoire des jeunes en France."

L'ouverture sociale, une grande cause nationale

Cinq propositions visent d'abord à "faire de l'ouverture sociale une grande cause nationale". La CGE entend mettre sur pied un programme d'égalité des chances et proposer davantage de bourses aux étudiants. Et, plus que d'ausculter les critères sociaux, "regarder le niveau d'éducation des parents." Anne-Laure Wack en est convaincue : "nous pouvons gommer les biais sociaux."

Autre chantier du CGE, accroître la présence des entreprises à l'université. Hervé Biausser, vice-président de la Conférence, insiste sur le "nécessaire lien entre l'enseignement supérieur et le milieu économique, dans un pays où 24 % des jeunes sont au chômage." Le programme met l'accent sur une "alliance forte" avec les entreprises et entend privilégier la formation professionnelle des doctorants.

Il y a, en France, une fascination pour la structure, et derrière, pour l'obésité.
(J-L. Dupont)

Des organisations "agiles"

Tout un pan du programme de la CGE est axé sur le développement d'"une gouvernance et une organisation agile" des établissements. "Les acteurs agiles, ce ne sont pas de gros acteurs. Ce sont ceux qui ont une excellence académique", estime Jean-Michel Blanquer. Le sénateur du Calvados, Jean-Léonce Dupont, lui emboîte le pas : "On croit toujours qu'on est bon parce qu'on est gros alors qu'il faut être réactif. Il y a, en France, une fascination pour la structure, et derrière, pour l'obésité." Cinq des points soutiennent ainsi la nécessité de renforcer l'autonomie des établissements, de simplifier la gouvernance et d'encourager les stages et les années de césure.

Ces problématiques sont pensées à l'échelle mondiale. "Il faut que nos étudiants vivent à l'international, car c'est là qu'ils vont créer leurs entreprises", lance Hervé Biausser. Quitte à s'inspirer des autres : grands campus américains, modèle professionnalisant asiatique... Mais à la française.

"Dans les pays où les frais de scolarité sont élevés, la dette étudiante est énorme. On a des exemples de l'absurdité d'autres systèmes, alors analysons-les, et faisons un système intelligent, à notre façon", suggère Laurent Batsch, président de l'université Paris-Dauphine.

Depuis un an, on a rencontré presque toutes les équipes de campagne.
(A.-L. Wack)

La stratégie des primaires

Une question reste en suspens : pourquoi dévoiler ce programme aujourd'hui ? "Nous voulions nous situer suffisamment en amont des primaires pour que les candidats puissent se saisir de nos propositions", affirme Anne-Lucie Wack. En 2012, le programme de la CGE fut très peu relayé.

N'entendant pas répéter les mêmes erreurs, la Conférence a déjà entamé son travail de lobbying auprès des candidats à la présidentielle. "Depuis un an, nous avons rencontré presque toutes les équipes de campagne", confirme la présidente, sans exclure qui que ce soit : "Ce n'est pas à nous de faire de pronostics sur qui va gagner cette élection."

Cela paiera-t-il ? Seule une représentante officielle d’Alain Juppé, favori de la primaire de la droite et du centre, est présente : Fabienne Keller, sénatrice (LR) du Bas-Rhin. La CGE a rencontré ses équipes. "Alain Juppé a organisé une réflexion avec des groupes d’experts, des enseignants, des associations étudiantes et associé très probablement la CGE, pour établir son cahier [son programme] sur l’enseignement supérieur", confie-t-elle. Quid des autres ? Réponse quand la campagne aura (réellement) démarré.

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