Les modes de recrutement du renseignement français

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Les modes de recrutement du renseignement français
B. Squarcini et E. Corbin de Mangoux // © 
Un dossier spécial de La revue de la Documentation française s'interroge sur la formation initiale des agents du renseignement en France. Les universités et les grandes écoles sont-elles des creusets de recrutement et d'information pour les agences de renseignement français. Deux acteurs clé de ce secteur de l'ombre répondent à cette question : le directeur de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure), Erard Corbin de Mangoux, et le directeur de la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur), Bernard Squarcini.

Questions internationales - On sait qu’aux États-Unis la CIA est largement immergée dans la société civile, tout comme le sont au Royaume-Uni les services de renseignement britanniques. En France, en revanche, la tradition d’opacité, les difficultés de contact entre services de renseignement et société civile sont traditionnelles, pour un ensemble de raisons. Le moment n’est-il pas venu de faire évoluer cette situation ? Notamment en matière de recrutement, les services comme la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) ou la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) que vous dirigez ne pourraient-ils pas développer leurs contacts avec les universités et les grandes écoles, par exemple en favorisant l’élaboration de thèses et de formations postdoctorales qui renforceraient à leur profit le vivier de compétences disponibles ?

Erard Corbin de Mangoux – Pour des raisons à la fois historiques et culturelles, il est exact qu’en France les services de renseignement n’entretiennent pas avec la société civile des relations aussi ouvertement institutionnalisées qu’aux États-Unis. Ce constat mérite toutefois d’être relativisé et nuancé. Depuis le début des années 80, la DGSE, désormais composée aux deux tiers de personnels civils aux origines socioprofessionnelles très diversifiées, se tient au courant avec grand intérêt des travaux des « milieux informés » (journalistes, universitaires, chercheurs et humanitaires) lorsqu’ils rejoignent ses propres sujets de préoccupation. Pour autant, la DGSE, dont le métier reste d’abord la recherche et l’analyse du renseignement, ne souhaite pas s’engager plus avant dans des activités de prospective, d’études ou de recherche universitaire, déjà largement prises en charge par d’autres institutions publiques.
En matière d’ouverture aux universités et aux grandes écoles, la DGSE est en contact avec certaines d’entre elles, mais ne rencontre en fait, à proprement parler, pas de difficultés de recrutement. Les concours qu’elle organise chaque année attirent un très grand nombre de candidats de qualité et affichent un taux de sélectivité parmi les plus élevés de la fonction publique.
Il est également important de noter qu’au travers d’offres de stage, la DGSE propose désormais à des jeunes ingénieurs et scientifiques disposant de qualifications très pointues l’occasion de participer à la réalisation de projets de haute technologie innovants et très motivants. Des évolutions importantes sont en cours dans ce domaine.

Bernard Squarcini – Au moment de la création de la DCRI, certains commentateurs ont évoqué une sorte de « FBI à la française ». Mais, comparaison n’est pas raison. Si par certains aspects existent des similitudes entre les deux services (la disposition d’une capacité judiciaire et le traitement de sujets identiques, tels que le terrorisme et le contre-espionnage), d’importantes différences les séparent, notamment en matière de tutelle – agence fédérale indépendante pour l’une, direction rattachée à la Direction générale de la police nationale (DGPN) pour l’autre –, de domaine de compétence – la criminalité organisée ne relève pas de la compétence de la DCRI, sauf si elle constitue une ingérence ou une gêne dans le fonctionnement de l’État.
À titre personnel, je ne verrais qu’avantage au développement des relations entre la communauté du renseignement et la société civile, qu’il s’agisse des universités ou des grandes écoles. Une piste similaire avait été évoquée dans le rapport Bauer présenté le 20 mars 2008. Sans me prononcer sur sa mise en œuvre, le principe qui sous-tend cette démarche me paraît aussi raisonnable que prometteur.

Extrait d’une interview parue dans le dossier spécial de Questions internationales, « Renseignement et services secrets », n° 35, La Documentation française, Paris, janvier-février 2009.

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