Les présidents d’université et le pouvoir

Camille Stromboni Publié le
Les présidents d’université et le pouvoir
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La loi LRU a redessiné les contours de la fonction présidentielle. Nous avons demandé à quatre présidents en quoi l'exercice de leur pouvoir différait. Ils s'expriment sur les rapports de force au sein de la communauté universitaire.

GEORGES MOLINIÉ, nouveau président de Paris 4, qui a effectué un premier mandat de 1998 à 2003

Avec la loi LRU, je vois un risque de despotisme de la part du président

"Je ne vois pas de différence entre avant la loi et maintenant que je reviens à la tête de Paris 4. Nous avons simplement de moins en moins de moyens pour exercer les nouvelles compétences données à l’université. Je n’étais pas favorable à la loi LRU. Je vais bien sûr l’appliquer, mais j’y vois un risque de despotisme de la part du président. C’est pourquoi j’essaie de mettre en place des structures pour assurer la démocratie, par exemple avec des groupes de travail informels. Tout ce qui est prévu en concentration des pouvoirs, j’essaie au maximum de le répartir."

ALBERT MAROUANI , président réélu à Nice

La méfiance s’est accrue envers le président

"Je ne crois pas au pouvoir autocratique dans l’université. Il ne faut pas se faire d’illusions, c’est avant tout un pouvoir de négociation dont dispose le président, même avec la LRU. Sans convaincre la communauté universitaire, on ne fait rien. Par exemple, quelles que soient les décisions que je prendrai avec le conseil d’administration concernant le renouvellement des méthodes d’enseignement, elles resteront inappliquées si je ne convaincs pas. L’université, ce n’est pas le modèle d’une entreprise privée avec un chef, mais plutôt une coopérative. Je n’ai jamais imaginé que cette loi allait me donner des pouvoirs différents. Les structures ont changé, mais il s’agit toujours de faire partager des objectifs et de mobiliser."

"Plus que jamais d’ailleurs. Avec cette loi, la méfiance s’est accrue envers le président, avec l’idée qu’il aurait tous les pouvoirs. Je réfléchis donc à des structures intermédiaires et à des processus de validation afin de légitimer chacune de mes décisions et qu’elle ne soit pas simplement parachutée d’en haut. Par exemple, j’essaie de trouver comment le conseil scientifique peut, en pratique, jouer le rôle de structure faisant émerger des projets et des stratégies. La loi LRU augmente surtout les possibilités d’adopter un modèle de gestion professionnelle, c’est-à-dire qui répond efficacement aux besoins des usagers. Par exemple, cette loi donne au président, avec son service ressources humaines, la possibilité de mettre en place un certain management, grâce au système de primes pour la recherche et l’enseignement ou à la capacité à donner des décharges de service."

MARC PÉNA, nouveau président d’Aix-Marseille 3

De plus en plus de responsabilités

"La loi LRU donne de plus en plus de responsabilités au président. Je préfère ce terme à celui de “pouvoirs”. Cela m’a d’ailleurs attiré. C’est très motivant de construire dans une période de changement. Je n’ai pas l’impression d’administrer avec une tutelle très pesante. Il faut néanmoins une acclimatation à cette loi. Les présidents ont longtemps demandé plus d’autonomie, mais il existe encore beaucoup d’habitudes anciennes."

"Cette loi nous donne des moyens d’agir, mais aucune structure pour les mettre en oeuvre. Il va falloir les installer. La condition indispensable pour exercer ces nouvelles fonctions, c’est une gestion rigoureuse. Il faut professionnaliser la gestion de l’université. Pour cela, nous avons besoin de moyens humains, qui nécessitent un effort de l’État. Ce n’est évidemment pas en diminuant le nombre de postes que l’on améliorera la situation."

BERNADETTE MADEUF, nouvelle présidente de Paris 10-Nanterre

Penser à des procédés pour que la décision émerge de la collectivité

"L’université, ce n’est pas l’armée, il ne suffit pas de donner des ordres. Il n’existe pas un véritable pouvoir de sanction. Ce n’est pas un lieu d’obéissance. Les universitaires sont, par définition, des individualistes. Il faut les convaincre, grâce à une autorité et à une vision. Ça, c’est intéressant. Je suis du bord réservé face à la LRU, il faut l’appliquer de manière intelligente. La communauté universitaire de Nanterre est très sensible à la concentration des pouvoirs entre les mains du président. Plus qu’ailleurs, je crois. Cela ne peut fonctionner sans débat, avec un président qui décide seul. Il faut penser à des procédés pour que la décision émerge de la collectivité. Nous réfléchissons d’ailleurs à des structures supplémentaires, des commissions, des intermédiaires."

Camille Stromboni | Publié le