Les prêts étudiants et la France : un mariage contrarié

Fabienne Guimont Publié le

Les prêts en France n'ont pas été jusqu’à présent une success story. En 1991, Lionel Jospin lance les prêts bancaires garantis par l’Etat, mais sans réussir à faire baisser de beaucoup les prix du marché. Face aux 30 000 prêts proposés, seuls 80 étudiants font une demande ! L’aventure des prêts s’arrêtera pendant près de 15 ans. Seuls les prêts d’honneur octroyés par les CROUS, prêts à taux zéro sur critères sociaux pour une somme maximum de 2282 euros, subsistent pour quelque 4000 bénéficiaires. En sursis ? La ministre a indiqué qu’ils étaient conservés « cette année ».

Quel écho peuvent avoir les prêts de Valérie Pécresse ? « Pour la majorité des étudiants, ces prêts étudiants sont un non-événement. Les prêts bancaires existent déjà pour les élèves des grandes écoles ou les étudiants en fin de cursus et eux seront toujours intéressés mais les prêts ne devraient pas avoir un grand succès tant que les frais d’inscription sont minimes à l’université », estime Aurélien Casta, auteur d’un mémoire de master sur « l’action publique dans les ressources financières des étudiants en France et en Angleterre depuis les années 1980 ». « Il y a 500 000 boursiers aujourd’hui et si les banques sélectionnent les dossiers, elles imposeront les mêmes critères qu’actuellement et ces offres ne concerneront au mieux que 200 000 étudiants », poursuit-il.

Quelles sont les conséquences induites par une politique publique impulsant les prêts bancaires pour financer les études supérieures ? L’économiste de l’enseignement Annie Vinokur, professeur émérite à Paris 10, agite plus volontiers des risques de marchandisation du système d’enseignement supérieur à l’aulne des exemples étrangers qu’elle a étudiés. Dans d’autres pays – USA, Angleterre, Amérique latine, Asie – l’augmentation des frais d’inscription a déclenché l’endettement des étudiants. « Ce que l’on constate, c’est que les étudiants sont obligés de s’endetter si les frais d’inscription augmentent. En France, les prêts ne fonctionneraient que si les bourses diminuaient et si les frais d’inscription augmentaient. Amorcer une politique de prêt, c’est se laisser la possibilité d’augmenter les frais d’inscription. Elle pourrait avoir plus d’écho que dans les années 1990, auprès des classes moyennes, davantage prêtes à s’endetter pour payer des diplômes plus pointus, plus éloignés des familles et plus chers ».

Aux USA, cette politique de prêts est remise en cause en raison des cycles d’endettement engendrés auprès des classes moyennes, dans la même logique que la crise des subprime, à un moment où la garantie de retour sur investissement des études n’est plus acquise sur le marché du travail.

Bourses et prêts

Pour l’heure, la ministre s’est gardée de lier cet offre de prêt à toute augmentation des frais d’inscription. Elle a habilement indiqué que cette mesure s’inscrivait dans une réforme globale des aides sociales. Selon les données du ministère, les bourses ont augmenté de 10% en deux ans et 50 000 bourses supplémentaires ont été délivrées à la rentrée 2008 avec 100 millions d’euros supplémentaires crédités.      


Les prêts étudiants en pratique

Tout étudiant de moins de 28 ans pourra contracter un prêt étudiant, sans condition de ressources et sans caution. Les dossiers seront sélectionnés in fine par les banques. Les  critères continueront donc à tester la maturité du projet professionnel de l’étudiant et devraient privilégier ceux bien avancés dans leur cursus. Cette année, le ministère table sur 20 000 prêts, avec des prêts moyens de 7500 euros. Les remboursements, possiblement différés pendant dix ans après la contraction du prêt, seraient de l’ordre de 160 euros mensuels avec des taux estimés entre 3,8% pour les Banques populaires et 4,5% pour Cétélem. Les dossiers pourront être déposés dès le 15 septembre 2008 auprès des Banques populaires et à partir du 22 septembre 2008 pour Cétélem.

En savoir plus : A. Vinokur "Stydy Now, Pay Later. Endettement étudiant et restructuration de l'enseignement supérieur", in : Pouvoirs et financement en éducation: qui paye décide?. L'Harmattan, 2007.

Fabienne Guimont | Publié le