Les sénateurs veulent s’attaquer à l’orientation par l’échec

Natacha Lefauconnier Publié le
Les sénateurs veulent s’attaquer à l’orientation par l’échec
Dans leur rapport, les sénateurs dénoncent la pratique du tirage au sort pour les filières universitaires en tension. // ©  Gaëlle Le Page
La commission de la culture du Sénat a publié, mercredi 29 juin 2016, ses préconisations pour renforcer l'information délivrée aux jeunes lors de leurs choix d'études et mettre ainsi un terme à l'orientation subie.

L’orientation doit relever d’un choix éclairé de l’élève. Tel est le leitmotiv de ce nouveau rapport dédié à l’orientation scolaire, publié mercredi 29 juin 2016. Présidée par Jacques-Bernard Magner, sénateur du Puy-de-Dôme, la mission d’information de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, à l'origine du document, dresse un constat sévère : "Bien souvent, l’orientation se résume à une distribution de brochures de l’Onisep et à un stage d’observation en troisième", raille Guy-Dominique Kennel (Les Républicains), sénateur du Bas-Rhin et rapporteur de la mission d’information. 

Cette dernière dresse une série de préconisations, qui devraient permettre au système éducatif de "suivre les aspirations de l’élève et le remettre au centre de son orientation".

La transparence de l’algorithme APB demandée

Parmi les pistes évoquées, l’affectation des élèves au lycée et dans le supérieur doit être plus juste et plus transparente. "Nous souhaitons que le barème et la pondération des critères d’Affelnet et le code source d’Admission postbac soient connus, poursuit le rapporteur. Il faut que les familles sachent à quoi s’attendre lorsqu’elles remplissent des dossiers avec leurs enfants." Dévoilé en partie début juin 2016 par le ministère, l’algorithme d’APB reste encore obscur pour les utilisateurs du portail.

Autre recommandation des parlementaires : la création d’un guichet unique d’orientation, pour centraliser et ainsi faciliter l’accès à l’information pour les jeunes. "Il faut absolument éviter les 'erreurs' d’orientation par simple méconnaissance des disciplines enseignées ou des débouchés", argumente Guy-Dominique Kennel.

Des CIO maintenus mais régionalisés

Les CIO (centres d’information et d’orientation) doivent être maintenus, mais régionalisés, selon le rapport. Quant aux conseillers d’orientation-psychologues, il doivent bénéficier d’un droit d’option pour rester dans leur structure actuelle ou intégrer les établissements afin d’épauler les professeurs dans leur mission d’orientation.

Pour un meilleur suivi des élèves, ces derniers pourraient recevoir dès la sixième un "passeport orientation" qui les suivrait tout au long de leur scolarité. Le Parcours Avenir, créé dans le cadre de la loi de la refondation de l’école en 2013 et proposé à tous les élèves de la sixième à la terminale, devrait avoir des horaires dédiés "pour éviter qu’il ne disparaisse avec la réforme du collège", précise le rapporteur.

Enfin, la mission préconise de découper la semaine de stage d’observation de troisième en trois séquences de deux jours, à effectuer dans des secteurs d’activité différents.

Les sénateurs (aussi) dénoncent le tirage au sort

Exemple flagrant d’orientation subie selon le rapport, le tirage au sort à l’entrée de l’université doit être totalement abandonné. "Nous nous refusons à poursuivre ce mode de sélection dans les filières universitaires en tension, argumente Guy-Dominique Kennel. Il est profondément injuste."

Utilisée pour inscrire les étudiants dans les filières universitaires en tension, cette méthode vient d’être retoquée par le tribunal administratif de Bordeaux, ce dernier ayant indiqué que le principe du tirage au sort n'est prévu par aucun texte réglementaire et qu'il apparaît en contradiction avec les principes émis par le Code de l'éducation.

Pour éviter d’en arriver à ce système "tout sauf égalitaire", la mission d’information recommande aux universités de communiquer sur les taux de réussite en licence dans chacune de leurs filières – ce qui est déjà le cas pour la réussite en L1, indiquée aux candidats via APB depuis deux ans – ainsi que le taux d’insertion professionnelle.

Dans le cadre des 50 mesures de simplification annoncées fin avril 2016 par Thierry Mandon, les futurs étudiants devront, à terme, remplir un questionnaire d’auto-évaluation avant de pouvoir valider leurs vœux APB.

récompenser la mobilité des étudiants

Autre piste : récompenser la mobilité des étudiants. Un candidat qui obtient la filière demandée dans une autre académie que la sienne devra être accompagné. L’un des moyens proposés est de développer des résidences et internats pour accueillir en priorité ceux qui acceptent de changer de région. Ce critère de mobilité serait aussi pris en compte pour l’attribution des bourses sur critères sociaux.

Reste à connaître le budget à débloquer pour une mise en œuvre de toutes ces préconisations. La question n’a tout simplement pas été abordée par le rapport. "Faire en sorte qu’on ne se contente pas de l’orientation par l’échec relève de choix politiques", conclut Guy-Dominique Kennel, précisant que le document va être envoyé aux représentants des différents partis politiques. À quelques mois de la présidentielle, à bon entendeur...

Natacha Lefauconnier | Publié le