Les surveillants mal formés pour jouer pleinement leur rôle auprès des élèves

Marion Bellal Publié le
Les surveillants mal formés pour jouer pleinement leur rôle auprès des élèves
Des collectifs d’assistants d’éducation ont participé à la grève nationale du 26 janvier et manifesté pour dénoncer la précarité de leurs contrats. // ©  Come SITTLER/REA
Harcèlement, laïcité, inceste… Les assistants d’éducation, aussi appelés "surveillants", sont parmi les premiers confidents des collégiens et lycéens, mais beaucoup ont peur de ne pas être à la hauteur. Ils se mobilisent pour demander une meilleure formation et dénoncer leur précarité.

"Lors des récréations, les élèves viennent me parler de ce qui leur tient à cœur. Je n’ai pas les clés pour leur répondre, peut-être que je fais mal", s’inquiète Morgane, assistante d'éducation (AED) depuis septembre dans un collège du Nord classé REP+.

En fonction des enjeux éducatifs de l’établissement, les surveillants peuvent être amenés à endosser bien plus que leurs fonctions assignées. Lucie* travaille depuis cinq ans dans un lycée agricole. "C’est un climat scolaire atypique car la majorité des élèves se connaît depuis la maternelle et j’ai eu de nombreuses discussions à l’internat sur le sexisme, l’homophobie ou le racisme, indique-t-elle. Mais rien n’a été plus dur que de recueillir la confession d’une élève qui a été victime d’inceste. Je ne suis pas préparée à l’aider, ni même à écouter son témoignage".

Des surveillants formés "sur le tas"

Afin d'alerter sur leur manque de formation et la précarité de leurs contrats, des collectifs d’assistants d’éducation appelaient à une semaine de mobilisation en janvier 2021.

Tito*, surveillant depuis deux ans et demi dans un lycée parisien en parallèle de ses études, se souvient en riant jaune de son premier jour : "Tu arrives, tu passes un entretien. Si tu es pris, tu commences le lendemain, et tu te formeras sur le tas, auprès des anciens".

François, musicien et AED dans un lycée à Besançon (25) concède avoir eu "quelques modules théoriques, administratifs ou sur des sujets importants, à mes débuts". Mais "si un élève m’interrogeait aujourd’hui, je serais bien incapable de donner la définition de la laïcité", précise-t-il.

Détecter le mal-être

L’actualité des derniers mois, ponctuée de débats de société liés au terrorisme, au racisme ou encore à la défiance envers les vaccins, se répand aussi dans les salles de classe. "Lorsqu’un élève dit que Charlie Hebdo est un journal anti-musulman ou que Samuel Paty l’a mérité, il faut que je réagisse, et bien !", s’exclame Morgane. Après un échange apaisé avec les élèves, la surveillante a alerté la conseillère principale d'éducation (CPE) de son établissement, qui a organisé une session avec leur professeur d’histoire-géographie.

"Nous souffrons d’une image de police d’établissement alors que nous sommes là avant tout pour nous assurer que tout se passe au mieux pour les élèves et pour éveiller l’attention du corps administratif et enseignant en cas de problème ou de mal-être", atteste Julie*, ancienne AED devenue CPE dans un lycée professionnel en région parisienne.

Pas de titularisation

Elle et Lucie ont souhaité, malgré tout, devenir CPE pour continuer à accompagner les élèves. "AED, ce n’est pas un métier, c’est un travail, trop souvent perçu comme un job étudiant", souligne cette dernière. Il est en effet impossible dans l’éducation nationale d’être titularisé et d’obtenir un CDI comme surveillant. Leurs contrats ne sont que des CDD, qui ne peuvent donc être renouvelés au-delà de six ans. Sous ce statut, ils sont payés au SMIC et ne peuvent pas, par exemple, toucher la prime REP/REP+.

En tant que CPE, Julie recrute aujourd’hui les AED de son lycée. "Je recherche avant tout des personnes qui ont du bon sens, et il n’y a pas vraiment d’école pour ça", note-t-elle. Sous l’impulsion du CPE, les surveillants peuvent tout de même bénéficier d’une formation de quelques jours dispensée par le rectorat, mais les places sont limitées.

* Les prénoms ont été modifiés.

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