Les universités à l’abri de la crise financière ?

Fabienne Guimont Publié le
Les universités à l’abri de la crise financière ?
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La crise financière mondiale a-t-elle de quoi inquiéter les universités françaises ? A priori, pas de sueurs froides à l’horizon si on en croit les principaux intéressés. Les universités ont plutôt une gestion prudente de leurs fonds.

« D’une manière générale on peut estimer qu’une part très majoritaire de la trésorerie des universités est déposée – et placée éventuellement - sur des comptes portant intérêt, au Trésor public. En général, ce sont des placements garantis par l’Etat et souvent à capital garanti », explique Georges Vayrou, agent comptable de l’université Paris 1 et président de l’Association des agents comptables d’université (AACU). Les mésaventures des universités d’Evry et d’Aix-Marseille 2 sont toutefois revenues en mémoire : des placements hasardeux d’une partie de la trésorerie des universités sur des marchés à risques avaient fait perdre quelques centaines de milliers d’euros aux établissements.  

Que dit la loi ?

La LRU a encore renforcé l’encadrement réglementaire des placements. « Les fonds doivent être déposés au Trésor public (article 41 du décret du 27 juin 2008). Des fonds peuvent néanmoins être déposés dans des établissements bancaires ou à la Caisse des dépôts et consignation pour un usage strictement lié à un transit technique (opérations à l’étranger que ne peut assurer le Trésor public par exemple…), ou aux placements de libéralités reçues par l’établissement et des fonds des fondations universitaires. Il est clair que le pouvoir réglementaire a voulu mettre fin à tous les placements extérieurs au Trésor public, sauf cas particulier », indique Georges Vayrou.

Pour les universités qui ne passent pas encore aux compétences élargies, les fonds sont également déposés au Trésor public (articles 174 et 175 du décret du 29 décembre 1962, portant règlement général de la comptabilité publique, précisés par le décret du 14 janvier 1994). Sur dérogation accordée par le ministre, une partie des fonds peut être déposée auprès d’un établissement bancaire agréé. « Le montant maximum de cette partie est déterminé par application d’un ratio calculé, en gros, en fonction des ressources propres par rapport à l’ensemble des ressources de l’université. Les placements sont décidés par le président après avis de l’agent comptable », précise Georges Vayrou.

Quels placements financiers ?

Les placements bancaires des universités ne peuvent s’opérer que sur leurs ressources propres, qui représentent en moyenne 35 % de leur budget. « Cela représente de 100 000 euros à 10-15 millions d’euros selon les établissements. Les universités ont en effet des crédits consommés lentement comme les crédits de recherche ou pour des projets à long terme. En gros, 70% à 80% des fonds sont placés en bons du Trésor ou Sicav de trésorerie de la Caisse des dépôts et consignations », explique Jacques Dressayre, agent-comptable d’Aix-Marseille 1. Les universités ont par ailleurs de fortes variations de trésorerie selon les moments de l’année : davantage entre février et juin qu’à l’automne, où les droits d’inscription ne sont pas encore rentrés.  

Pour l’année 2005 par exemple, les placements rapportaient entre 300 000 et 800 000 euros par université, soit 1% à 2% des ressources propres des établissements. Des marges permettant de mettre du beurre dans les épinards, mais pas de déséquilibrer un budget, à moins de dépasser les limites de placement autorisées. De ce point de vue, les audits de l’IGAENR notent même que les universités ont plutôt une gestion très, voire excessivement, prudente de leurs fonds. « Les placements des universités sont encadrés. Il s’agit principalement d’obligations d’Etat ou de titres sur les marchés monétaires, qui sont parmi les moins risqués », note Patrick Roger, ancien doyen de la faculté de sciences économiques de Strasbourg et enseignant, spécialisé en finance de marché, affilié à l’EM Strasbourg (*).

L'énergie coûte plus que la crise (pour l'instant)

« Si la crise persiste, il peut y avoir des effets plus indirects comme la baisse du nombre d’étudiants, des remises en cause de convention de recherche, des partenariats public-privé ou des subventions de l’Etat. Pour l’heure, c’est une crise de liquidité et ce n’est pas pour nous une source de préoccupation sauf si le système bancaire international fait faillite », analyse Jacques Dressayre.

Plus que les placements financiers, l’augmentation des coûts de construction ou de l’énergie amputent davantage les finances des universités. Les fondations et filiales des universités en revanche ne sont pas dans le même car de figure. Non soumises aux règles de la comptabilité publique, les prochaines semaines pourraient être pour elles beaucoup plus cruciales.      

(*) Cette école de management organise le 13 octobre 2008 une conférence débat intitulée « La crise vous inquiète...? Des experts vous répondent ! », animée par des professeurs de l’école, en partenariat avec la chambre de commerce et les Dernières nouvelles d'alsace.    

Le Plan Campus en 2009

Une fois écarté le scénario de report des fonds du Plan campus au profit du renflouement bancaire, faut-il s’inquiéter des placements des revenus de la vente par l’Etat des actions EDF qui doivent financer les opérations immobilières de dix projets universitaires ? Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, il n’y aurait pas d’inquiétude à avoir, les fonds étant placés sur des comptes spéciaux du Trésor par Bercy. "Si la crise provoque un effet domino, le plan campus sera un détail dans l'océan de problèmes à régler", estime pour sa part Patrick Roger, ancien doyen de la faculté de sciences économiques de Strasbourg et enseignant, spécialisé en finance de marché, affilié à l’EM Strasbourg. Le cours de l’action EDF est passé de 81 euros au 1er janvier 2008 à moins de 50 euros début octobre 2008. Une petite part d’EDF a déjà été vendue par l’Etat à des investisseurs institutionnels.
Dans la présentation du budget 2009 de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministère a rappelé que « l’effort en matière d’immobilier est primordial pour bâtir les campus de demain » en confirmant que 5 milliards d’euros seraient consacrés à l’Opération campus, sans préciser dans quel délai. Pour 2009, un milliard d’euros sont avancés auxquels s’ajoutent 157 millions d’euros « au titre des produits financiers ». Pour les établissements non sélectionnés par l’Opération campus, 170 millions d’euros sont budgétés cette année pour monter des partenariats public-privé.   

Fabienne Guimont | Publié le