Les universités autonomes recrutent du sang neuf

Fabienne Guimont Publié le
Les universités autonomes recrutent du sang neuf
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Depuis le 1er janvier 2009, 18 universités sont désormais dites autonomes. Leurs présidents déjeuneront avec Valérie Pécresse ce vendredi 23 janvier 2009 pour marquer cette étape. Au-delà d’une gouvernance recentrée autour du président, ces établissements ont dû anticiper pour étoffer leurs services financiers et de RH (ressources humaines). Des recrues qui seront le bras armé des nouvelles responsabilités et compétences élargies (RCE). Qui sont les petits soldats de cette autonomie naissante ? Tour d’horizon avec les exemples de Paris Descartes, des universités de la Méditerranée (Aix-Marseille 2) et de Limoges.

Recruter n’est pas une révolution dans les universités, habituées à gérer depuis longtemps des personnels contractuels payés sur budget propre. En revanche, l’autonomie donne à cette mission une nouvelle dimension. Le service des ressources humaines et les services financiers ont été en première ligne. Les universités, désormais responsables de la paie de l’ensemble de leurs personnels, doivent avoir un suivi strict de leur masse salariale, trimestre par trimestre.

« Nous devons gérer notre masse salariale, ce qui est nouveau à l’égard de nos personnels fonctionnaires. On doit réaliser des prévisionnels de paiement très carrés. Cela change la relation des personnels par rapport à l’université pour lesquels nous allons maîtriser les carrières, l’avancement d’échelon… », explique Daniel Poumerouly, secrétaire général de l’université de Limoges.  

Limoges trouve des ressources en interne et localement  

Son établissement a choisi de panacher promotions en interne et recrutements externes pour renforcer les équipes sur ces nouvelles missions. Dès septembre 2007, un nouveau poste pour le suivi de la masse salariale a été créé. C’est un ex-attaché d’administration scolaire et universitaire du CROUS académique qui a été recruté. Il sera épaulé par un jeune diplômé bac+2, recruté sur un poste contractuel.  

Pour ses services financiers, l’université a promu en interne l’ancien agent comptable de l’IUFM limougeaud et a recruté un nouvel agent comptable en le débauchant de la direction générale du Cnasea (Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles). Le responsable de l’application Sifac vient aussi de cet établissement public dont le siège est à Limoges. Trois cadres de catégorie B d’autres services de l’université viendront rejoindre les équipes des agences comptable et financière.

« Pour les offres de niveau A, nous avons eu des difficultés pour trouver des personnes qui ont à la fois les compétences et l’expérience », reconnaît Daniel Poumerouly dont les services sont passés de la gestion d’une centaine de contractuels à 1300 personnes.  

Les universités parisiennes autonomes attirent les talents  

Des soucis que n’a pas connus François Paquis , secrétaire général de Paris 5 et président de l’association des secrétaires généraux. « Les universités parisiennes sont très attractives sur les postes à responsabilités administrative et technique. On sent qu’il y a une envie, à France Telecom ou dans les collectivités territoriales par exemple, de travailler dans les universités autonomes où une politique d’établissement intéressante est décidée ».

L’option s’est surtout portée sur des personnes extérieures à l’université. Un ancien chef de bureau de la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) qui pilotait le logiciel sur les bilans financiers des universités les a rejoint. Autre recrue : un jeune sorti d’un IRA (institut régional d’administration) formé au contrôle de gestion. Pour étoffer le service de la paie, désormais centralisé aux RH, l’université a misé sur les redéploiements en interne. Il était jusqu’alors éclaté entre le service comptable et les composantes.

Aix-Marseille 2 : repyramidage et recrutements externes  

A l’université de la Méditerranée, une demie douzaine de contractuels ont été recrutés au niveau de l’encadrement des services en vue de l’autonomie. Ils sont venus s’ajouter à un « repyramidage » en faveur de l’encadrement dans les unités de recherche, largement anticipé. Chaque année depuis cinq ans, environ 15 postes de catégorie C sont transformés en 7 ou 8 postes de catégorie A. Des arbitrages entre ces deux types de recrutements qui se jouent sur des rythmes totalement différents sont nécessaires. Si l’embauche d’un contractuel recruté dans le privé peut prendre trois mois, il faut compter au minimum un an dans le cas des recrutements sur concours.  

Son chargé de suivi de la masse salariale travaillait sur un poste similaire dans une commune. « Comme on ne faisait pas de gestion de masse salariale en interne, on a opté pour le recrutement de quelqu’un qui l’avait fait ailleurs pour qu’il soit tout de suite opérationnel. En passant par l’APEC, nous avons eu une quarantaine de réponses, majoritairement en provenance du privé. On aurait pu recruter un profil venant du privé mais l’adaptation aurait été plus longue », argumente Dominique Escalier, directrice des ressources humaines et secrétaire générale adjointe de l’université.  

Les RH à l’ère de l’autonomie  

Aix-Marseille 2 anticipe aussi sa future gestion des compétences. « On faisait de la gestion du personnel mais avec l’autonomie, on passe à la gestion de carrières de fonctionnaires. Il faut qu’on puisse adapter nos compétences au projet d’établissement. Après avoir établi la cartographie de nos compétences, nous analyserons les besoins de recrutements et de formations dans les cinq prochaines années. Nous souhaitons accompagner les composantes pour leur recherche de compétences », explique-t-elle. A dessein, un jeune diplômé de master RH vient d’être recruté. Il va être épaulé par un chargé de recrutement. Profil recherché : bac+5 avec deux ou trois ans d’expérience.

Leur mission ? Convaincre les composantes voire les laboratoires de recruter en partenariat avec le service des RH pour élaborer le profil de poste, faire les demandes auprès de l’APEC, trier les CV, faire des entretiens... Un changement de culture total permis par l’autonomie, même si une cellule pour le recrutement de personnels contractuels était déjà montée. Les premiers recrutements de ce type pourraient viser des techniciens du patrimoine, des informaticiens pour la partie administrative avant de concerner les laboratoires pour le recrutement d’ingénieur de recherche, de technicien de laboratoire ou d’animalier.

« On convaincra si on arrive à faire deux ou trois recrutements réussis. On a déjà des demandes sur le patrimoine immobilier ou l’informatique car ce sont des domaines où il est difficile d’attirer en raison de la concurrence du privé. Si on veut des compétences, il faut proposer des salaires adéquats », ajoute la DRH. Une question qui s’est posée pour recruter une personne dans un cabinet d’audit privé afin d'assurer la certification des comptes avec contrôle interne, un métier nouveau à l'université. Une question sensible et incontournable. Les universités autonomes vont devoir gérer des disparités de rémunérations entre contractuels recrutés parfois sur des compétences pointues et agents de la fonction publique. La LRU prévoit des primes d’intéressement sans les définir précisément. Une politique indemnitaire que les syndicats ne sont pas toujours prêts à accepter au moment des votes dans les instances paritaires… 

Fabienne Guimont | Publié le