YouTube, l'apprentissage version "cour de récré"

Martin Rhodes Publié le
YouTube, l'apprentissage version "cour de récré"
Miss book, la chaîne YouTube de divertissement littéraire, s'est penchée en 2016 sur les œuvres au bac de français, parmi lesquelles "l'Étranger" d'Albert Camus. // ©  MissBook
Les YouTubers sont-ils les nouveaux acteurs de l'enseignement ? S'ils admettent que leurs vidéos peuvent être utiles aux étudiants, ces vulgarisateurs 2.0 ne se considèrent en rien comme les professeurs de demain. Le point, après le salon Educatec-Educatice organisé à Paris du 16 au 18 novembre 2016.

Des moyens techniques limités, un contenu généralement de qualité et documenté, l'humour et la culture populaire comme outils pédagogiques… Telle est la recette du succès des vidéos de vulgarisation qui envahissent YouTube depuis plus de deux ans. Loin d'endosser la posture de l'enseignant, les YouTubers revendiquent avant tout un rôle d'amuseur : des amateurs de divertissement, qui postent des vidéos comme d'autres leurs sketchs.

"Je cherche moins à bouleverser l'enseignement qu'à faire rire", confie Julien Ménielle, qui publie sur sa chaîne Dans ton corps des pastilles sur la santé et le corps humain. Après avoir été infirmier pendant dix ans, il s'est lancé dans l'aventure YouTube début 2016 et publie en moyenne une vidéo par semaine.

Bruce Benamran, à la tête de la chaîne culte e-penser, ne dit pas autre chose. Véritable star française de la vulgarisation scientifique avec 83 vidéos et 800.000 abonnés [en novembre 2016], cet informaticien de formation souhaite avant tout que son auditoire passe un bon moment. "Mais nous sommes également là pour éveiller la curiosité de l'internaute, pour lui donner envie de creuser un sujet, de confronter les informations."

Loin de viser l'exhaustivité, les YouTubeurs donnent des clés de compréhension, des pistes de réflexion pour aller plus loin : "Ma mission est accomplie si je donne envie à mes abonnés de se plonger dans un article ou une décision de justice", souligne Éloïse Wagner, créatrice de la chaîne 911 avocat.

un ton décalé pour capter l'attention

S'ils n'ambitionnent pas de bouleverser la pédagogie et les apprentissages, les vidéastes défendent tout de même l'idée que leurs contenus peuvent servir aux étudiants. "Si j'étais élève, j'adorerais que le prof dise : ce soir, regardez la vidéo de NaRt sur le surréalisme et on en parle demain", sourit Natacha, auteure de ladite chaîne dédiée à l'histoire de l'art.

Si j'étais élève, j'adorerais que le prof dise : regardez la vidéo de NaRt sur le surréalisme et on en parle demain.
(Natacha)


"Le ton volontairement décalé de nos vidéos peut susciter l'intérêt des élèves qui rechignent à lire telle ou telle œuvre au programme", poursuit Nawal, cofondatrice, en 2014, avec deux amies de la chaîne "de divertissement littéraire" Miss book. En mai 2016, les jeunes femmes avaient d'ailleurs consacré des vidéos aux livres figurant au programme du baccalauréat de français, à l'image de "L'Étranger", d'Albert Camus.

"Nous ne prétendons pas remplacer, ni même donner un coup de main à l'Éducation nationale. Mais nos publications peuvent servir à introduire un chapitre ou une œuvre, voire à expliciter une notion qui n'a pas été vue en cours", défendent Redek et Pierrot, fondateurs de la chaîne Le Mock en 2015, alors qu'ils étaient étudiants en lettres modernes et à Science po.

Leurs petites productions audiovisuelles portent sur des classiques de la littérature, allant de "Candide" à "Madame Bovary". Ce qui leur a valu d'être contactés par un professeur de français au lycée, qui leur a demandé d'aider ses élèves à réviser les épreuves du baccalauréat de français. Ce qu'ils ont accepté.

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