Loi de programmation de la recherche : le texte adopté au Sénat ne passe pas

Clément Rocher Publié le
Loi de programmation de la recherche : le texte adopté au Sénat ne passe pas
Le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi de programmation de la recherche 2021-2030. // ©  Romain Beurrier/REA
Le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Mais plusieurs amendements adoptés suscitent incompréhension et colère du monde universitaire, notamment celui portant sur les libertés académiques. La commission mixte paritaire devrait rendre ses conclusions dès la semaine prochaine.

Une nouvelle étape a été franchie. Vendredi 30 octobre, le projet de loi de programmation de la recherche (LPR) pour les années 2021 à 2030 a été adopté en première lecture au Sénat avec 249 voix en faveur du texte. Mais le projet de loi a subi quelques modifications, ce qui n'est pas du goût du monde universitaire.

Une ambition forte pour la recherche française

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté plusieurs amendements proposés dans le rapport de Laure Darcos, sénatrice Les Républicains de l'Essonne. Parmi eux, un amendement a pour objectif de ramener à sept ans la programmation budgétaire. L'idée est de porter les dépenses intérieures de recherche et développement à 3% du PIB annuel sur un temps plus court.

Un autre amendement a été adopté notamment afin de concentrer l'effort budgétaire dès les deux prochaines années, ce qui représente un abondement de 3,3 milliards d’euros. Cette disposition permettrait, selon le Sénat, de renforcer la crédibilité de la trajectoire mais aussi de redonner confiance aux chercheurs.

La durée de la loi de programmation a constitué le cheval de bataille du monde universitaire. "Tout le monde réclamait depuis le début que la loi de programmation soit remaniée à sept ans au lieu de dix ans", déclare Julien Gossa, maître de conférences à l'université de Strasbourg.

Le Syndicat général de l'Éducation nationale (Sgen-CFDT) demeure en revanche peu confiant sur le maintien de cette nouvelle durée lors du passage du projet de loi à la commission mixte paritaire.

Court-circuiter le Conseil national des universités

Le Sénat a par ailleurs adopté un amendement pour limiter la procédure de qualification des enseignants-chercheurs et permettre le recrutement de professeurs d'université sans l'accord du CNU (Conseil national des universités). Cette mesure représente un problème de partage des pouvoirs et viendrait court-circuiter le CNU estime Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT.

"Le gouvernement, quelle que soit son étiquette politique, souhaite faire des modifications sur cette procédure depuis 2007. Il y a une volonté assez forte et portée par les présidents d'université de remettre en cause ce fonctionnement qui règle le recrutement de l'ensemble des fonctionnaires universitaires. Nous tenons à une procédure nationale de recrutement des enseignants-chercheurs qui garantit la transparence et l'équité de traitement."

Nous tenons à une procédure nationale de recrutement des enseignants-chercheurs qui garantit la transparence et l'équité de traitement. (F. Loureiro)

Le ministère de l’Enseignement supérieur souhaite également mettre en place une nouvelle voie de recrutement des directeurs de recherche ou des professeurs des universités. La création de chaires de professeurs juniors permettrait le recrutement d'un docteur en CDD pour une durée maximale de six ans mais il ne disposerait pas des mêmes privilèges qu'un maître de conférence. Le Sénat propose de réduire à 15% le pourcentage limite de recrutement annuel autorisé dans le corps concerné alors que le texte initial du gouvernement prévoyait que ces recrutements seraient ouverts dans la limite de 25%.

Une atteinte à l'indépendance des enseignants-chercheurs

Un amendement met également le feu aux poudres dans la communauté universitaire. Il précise que "les libertés académiques réservées aux universitaires et aux enseignants-chercheurs doivent s'exercer dans le respect des valeurs de la République".

"Serait-ce une maladresse lors de la rédaction de l'amendement ou une véritable volonté de réduire les libertés académiques qui sont inscrites dans la Constitution ? Nous n'avons pas connaissance des valeurs de la République et cet amendement est perçu comme une mise au pas des universitaires" déclare d'emblée Julien Gossa.

Le Sgen-CFDT considère cet amendement comme "une marque de défiance inquiétante du politique vis-à-vis des enseignants-chercheurs" et dénonce "une méconnaissance du monde universitaire." Le processus législatif donnant lieu à la promulgation de la loi arrive bientôt à son terme. La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le projet de loi se tiendra le 9 novembre.

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