Loi sur l'enseignement supérieur et la recherche : ce qui va faire débat

Olivier Monod, Camille Stromboni Publié le
Loi sur l'enseignement supérieur et la recherche : ce qui va faire débat
Lancement des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche - Genevieve Fioraso - juillet 2012 - ©C.Stromboni // © 
Cela se précise ... plus ou moins. La dernière version du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche va être débattue au Cneser, avec la ministre Geneviève Fioraso, lundi 18 février 2013. Retour sur plusieurs points en suspens.

nouvelle licence : a définir

Une réforme de la licence. C'est la principale solution apportée à l'un des objectifs centraux de la loi : accroître la réussite étudiante et démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. Mais elle ne relèvera pas du domaine législatif. La loi "sera accompagnée d’une réforme globale du cycle licence qui fera l’objet de mesures d’ordre réglementaire, adaptées à chaque type de bachelier, à chaque profil d’étudiant", expliquent les motifs du texte.

Diminuer le nombre d'intitulés de diplômes, renforcer les passerelles, faciliter les spécialisations progressives, développer la pluridisciplinarité… Autant d'objectifs inscrits dans la loi dont la traduction concrète sera donc à fixer par décrets, avec d'importants débats en perspective.

"Qui va encore devoir porter ces changements ? interroge un enseignant-chercheur. Ce sont les maître de conférences, majoritaires en licence, et l'on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé..."

"S’il se passe des choses au travers l’écriture d’une loi qui fait beaucoup réagir (souvent négativement), on peut aussi constater le silence assourdissant sur les réformes en préparation sur les formations, déplore la blogueuse de Gaia Universitas. C’est vrai qu’à l’université, on est tellement plus passionné par ces petites intrigues de gouvernance, de représentation, d’évaluation ou de statuts. L’enseignement, définitivement, ne semble pas être la préoccupation des universitaires."

Quant aux questions de rapprochement des universités avec les CPGE, le texte précise le délai pour établir une convention (deux ans), et non le contenu, comme l'espéraient certains, craignant la coquille vide. La priorité donnée aux bacheliers professionnels en BTS, et technologiques en STS, verra elle aussi ses modalités précisée par décret.

Université - Aix-Marseille - Campus Schuman à Aix-en-Provence - amphithéatre en droit - 2011- ©C.Stromboni

La fin du contrat d'établissement ?

Place au contrat de site. "L'Etat conclut un seul contrat pluriannuel avec la structure qui porte le regroupement", indiquent les motifs de la loi. Ce contrat peut associer les collectivités territoriales, les organismes de recherche et les CROUS.

Cette dernière version du texte de loi assume encore pleinement ce choix d'un seul contrat, contrairement à la demande pressante des présidents d'universités de conserver les contrats d'établissement, ou à celle de SLU (Sauvons l'université).

Néanmoins, ce contrat de site comportera "des stipulations spécifiques à chacun des établissements regroupés ou en voie de regroupements". Ces stipulations, "proposées par les établissements", "doivent être adoptées par leur propre conseil d'administration" et "ne sont pas soumises à la délibération du conseil d'administration de la communauté [ou établissement de rattachement]". Une autre manière de faire perdurer le contrat individuel ?

Rassurante, la ministre promet, une fois encore, dans sa lettre adressée au Cneser, que ce contrat "n'affectera en aucune manière les capacités de fonctionnement de chacun des membres", et qu'il explicitera : le projet territorial, la coordination de l'offre de formation et de recherche du regroupement, les moyens de la politique commune, mais aussi "les dotations affectées plus spécifiquement à chacun des établissements membres".

L'inquiétude persiste chez les acteurs de la communauté de l'enseignement supérieur, avec deux analyses qui cohabitent. Les communautés scientifiques (successeurs des PRES) avec ce contrat unique vont-elles forcer les établissements à se diriger vers une forme de fusion… Ou à l'inverse, rien ne va réellement changer par rapport aux PRES, l'essentiel étant déclaratif ?

Un conseil académique… ou pas

Tout en dérogation. Le projet de loi transmis au Cneser persiste et signe : le conseil académique sera la règle dans la nouvelle gouvernance des universités, remplaçant conseil scientifique et CEVU (conseil des études et de la vie universitaire). Il dispose d'une compétence décisionnelle, par exemple sur les règles relatives aux examens, et d'un pouvoir consultatif.

Avec néanmoins un statut dérogatoire, permettant de conserver CS et CEVU. "Les statuts de l'université pourront prévoir que le conseil académique est composé par la réunion d'une commission recherche et d'une commission de la formation et la vie universitaire, dont la composition est la même que celles des actuels CS et CEVU", expliquent les motifs de la loi.

Le point d'achoppement de la présidence de cette instance demeure du ressort des statuts de l'université, qui devront prévoir "les modalités de désignation de son président". La balle reste donc dans le camp de chacune des universités.

Quant à la composition de ce conseil, avec la primauté donnée aux professeurs qui avait fait bondir plusieurs enseignants-chercheurs (1/3 de professeurs ; 20% d' autres enseignants-chercheurs, enseignants ou personnels assimilés ; 10 à 15% d'administratifs, 35 à 45% d'étudiants et doctorants), elle reste similaire dans cette dernière version du texte : 30% de représentants des professeurs, 25% de représentants des autres enseignants-chercheurs et enseignants, 10% de représentants des personnels ingénieurs et administratifs, 10% de doctorants, 25% d'étudiants.

Les communautés scientifiques : gouvernance et démocratie

Fini la "communauté d'universités", la nouvelle version du projet de loi parle de "communauté scientifique" pour définir le nouveau mode de regroupement succédant aux PRES. Notons tout de même que la communauté scientifique peut, si elle compte une université en son sein, emprunter le nom de communauté d'universités...

Quelle place pour les établissements dans ces structures ? Dans cette dernière version du texte tout d'abord, outre le conseil d'administration et le conseil académique, un conseil des membres de la communauté est prévu. Son avis favorable sera nécessaire pour modifier les statuts de la communauté, ce qui pose ainsi une garantie pour les chefs d'établissement, parfois inquiets de perdre la main.

Inversement, sur le type de suffrage de l'élection des membres du conseil d'administration de cette structure, direct ou indirect : la loi laisse toujours les communautés en décider dans leurs statuts, contrairement au souhait du Snesup, qui insistait sur l'importance d'un suffrage direct pour assurer une vraie démocratie. L’UNEF demande déjà "que soit revue la composition des conseils d’administration" des communautés, et refuse en outre qu'elles puissent délivrer des diplômes (lire la lettre de l'Unef à la ministre).

Le périmètre des instances gouvernantes de ces nouveaux PRES, et les pouvoirs qui leur seront tranférés, risquent d'être au coeur des discussions du Cneser.

Accréditation VS habilitation

L’accréditation se veut plus dynamique que l’habilitation. Le principe est de faire confiance aux établissements accrédités pour créer des formations cohérentes et pertinentes dans le contexte. Ce que l’on gagne en souplesse et innovation, peut-on le perdre en sécurité ?

Les établissements devront donc faire preuve de leur capacité à s’auto-évaluer et de leur sérieux avant d’être accrédités. Mais dans quelle mesure ? Les détails seront précisés par arrêté ministériel.

L’évaluation, toujours dans le flou

Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est appelé à remplacer l’Agence d’évaluation de la recherche et l’enseignement supérieur. On note deux principales différences entre les deux. Le Haut conseil "délèguera chaque fois que possible" son action, selon l’exposé des motifs de la loi. Il devra donc valider "les procédures" d’autres instances.

Par ailleurs, il devra évaluer les personnels sur "l’ensemble des missions qui leur sont assignés". Les critères d’évaluation seront définis par le Haut conseil lui-même.

Il sera dirigé par un conseil paritaire de trente membres. Neuf scientifiques nommés sur proposition des instances d’évaluation compétente, huit scientifiques proposés par les présidents et directeurs d’organismes de recherche et les conférences de chefs d’établissement, deux représentants étudiants, neuf personnalités qualifiées françaises et étrangères et deux parlementaires de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. La durée des mandats n'est pas précisée.

Lire aussi
- Le projet de loi sur l'enseignement supérieur en date du  8 février 2013
- L'exposé des motifs de la loi
- La lettre de la ministre Geneviève Fioraso au Cneser

Sur les blogs EducPros
- Les billets de Pierre Dubois : Communauté d’universités et Cafouillages dans la gouvernance !
- Les billets d'Henri Audier sur les propositions du député Jean-Yves Le Déaut en préparation de la loi, ainsi que Laisserez vous la CPU anéantir les instances scientifiques ?
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